Le loup-marin, une industrie?

Malgré l’abondance indiscutable de la ressource phoque, le fort potentiel de commercialisation intégrale de l’animal, malgré les efforts, la volonté et l’expertise locale, force est d’admettre que l’industrie du loup-marin est moribonde. S’il faut bien-sûr poursuivre la bataille contre les lobbys animalistes internationaux , nous ne pouvons espérer un jour de réelles retombées économiques aux Îles sans un solide plan de développement qui nous permette de jeter les bases d’une industrie digne de ce nom. Un plan qui pourrait s’articuler en trois volets : approvisionnement, transformation, mise en marché.

Le premier défi de l’industrie, et non le moindre, consiste à garantir un approvisionnement régulier et prévisible. Comment peut-on espérer développer un produit commercial quand les conditions météorologiques ne permettent les activités de chasse au loup-marin qu’une année sur trois, voire une fois tous les cinq ans. Nous vivons l’hiver le plus rude qu’a connu l’archipel depuis une vingtaine d’années, un épais couvert de glace épais recouvre le Golfe et pourtant, aucune activité de chasse commerciale ne semble envisageable cette année en raison justement de la trop forte abondance des glaces qui a bloqué le parcours de la mouvée vers l’archipel.

Le gouvernement fédéral a plusieurs fois soutenu les études sur les techniques d’abattage et resserré les règles de gestion dans l’espoir rassurer les marchés et contrer la propagande. Le temps est peut-être venu d’investir plutôt dans la recherche de solutions pour garantir l’accès à la ressource. À cet égard, la décision du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Pêcheries du Québec de permettre la commercialisation de la viande de phoque gris semble prometteuse. Il s’agirait d’une sorte de diversification de produit avec une ressource abondante et sédentaire, dont la viande est réputée de qualité. Mais attention, l’impératif de l’utilisation intégrale de l’animal nécessitera que l’on trouve une façon de valoriser la peau.

Une industrie locale du loup-marin, pour être créatrice d’emploi, devra d’ailleurs comporter un important volet de transformation. Si le tannage des peaux impose des contraintes environnementales majeures qui paraissent incompatibles avec la fragilité du milieu, qu’en est-il du délardage des peaux et de la transformation de l’huile pour en tirer les précieux oméga-3? Pour espérer développer une véritable industrie du loup-marin, les Îles ne peuvent pas se concentrer uniquement sur le prélèvement de la ressource. Cela s’applique aux pêches, à l’agriculture, à l’industrie minière comme au loup-marin. Surtout qu’en dépit que la ressource soit abondante, les difficultés d’approvisionnement et le quota madelinot d’environ 25,000 bêtes ne permettent pas de miser sur une production de masse.

Quant à l’utilisation de la viande, le travail de la boucherie Côte-à-Côte est exemplaire puisqu’il repose sur le développement d’un savoir-faire local, l’élaboration graduelle de produits de boucherie et de charcuterie nouveaux et attractifs, de même que sur une mise en marché locale d’abord. Cette approche, c’est aussi celle des artisans qui transforment le cuir et la peau de phoque en objets d’art, en bijoux et en accessoires de mode qui n’ont rien à envier aux articles vestimentaires des grands couturiers. Il faut soutenir ces entreprises, promouvoir leurs produits et favoriser une expansion créatrice d’emplois locaux.

L’axe de la mise en marché ne sera pas plus simple à élaborer. On sait qu’un autre chapitre s’est ouvert cette semaine devant le tribunal d’appel de l’Organisation Mondiale du Commerce dans la bataille de l’industrie pour défendre l’accès au marché européen pour les produits du phoque. De son côté, le lobby anti-chasse s’est fait de nouveaux alliés de taille aux USA. Au tableau de chasse des animalistes, deux nouvelles proies : la populaire animatrice Ellen Degeneres et la multinationale Apple se sont laissés berner par la propagande mensongère et la sensiblerie.

«De victoire en victoire, nous reculons sans cesse», avait l’habitude de dire pour fouetter ses troupes l’ex-président fondateur de Solidarité Rurale du Québec, Jacques Proulx. Non pas qu’il faille abandonner la lutte pour réaffirmer la dignité des chasseurs, bien au contraire. Le travail de relations publiques de l’Association des chasseurs est remarquable tandis que le Rendez-vous du loup-marin solidarise admirablement les Madelinots.

Or, pour développer un marché pour les produits du loup-marin, nous devrons ouvrir un autre front. Nous devrons miser avant tout sur le marché domestique, à l’échelle de la région, du Québec et du Canada, auprès de consommateurs mieux informés et plus sensibles aux enjeux environnementaux et économiques réels qui justifient aujourd’hui, autant qu’hier, la chasse au loup-marin.

Capture d'écran 2015-01-30 22.31.43

Laisser un commentaire