L’agroalimentaire, un moteur économique

Même si l’emploi et l’économie reviennent dans le discours des élus comme un mantra, force est de constater que la diversification économique aux Îles repose d’abord et avant tout sur les épaules des entrepreneurs et artisans locaux. En complémentarité avec les secteurs moteurs que sont la pêche et le tourisme, l’agroalimentaire se présente de plus en plus comme un axe de développement et de création d’emplois important dont le potentiel de croissance est encore fort prometteur.

La production et la transformation des produits bio-alimentaires locaux s’inscrivent dans les racines du terroir et contribuent puissamment à l’image de marque de l’archipel. Cette industrie puise dans la créativité des artisans-producteurs locaux; elle dépend de leur expertise, de leur passion, de leurs efforts et d’une volonté d’exister, de bâtir et de grandir proche de l’entêtement. Un entêtement noble et admirable caractéristique aux insulaires. L’industrie agroalimentaire se développe aussi dans le respect des limites environnementales de notre territoire, elle participe de cette transition écologique dont on parle de plus en plus et constitue un vigoureux symbole de prise en charge économique par et pour les gens d’ici.

Des ateliers d’échange et de formation tenus la semaine dernière aux îles avec les producteurs locaux témoignent de l’importance croissante de l’industrie pour l’économie des îles, du dynamisme des acteurs de l’agroalimentaire et de leur volonté de demeurer à la fine pointe du développement et de l’innovation. On accueille aussi avec satisfaction la récente profession de foi des dirigeants des marchés d’alimentation Coop envers les produits locaux malgré une nouvelle entente d’approvisionnement exclusive avec la bannière IGA.

L’agriculture de subsistance s’était pourtant éteinte aux îles dans les années ’60. La timide reprise de la production agricole à compter des années ’80 n’a donné lieu à un essor véritable de l’agroalimentaire qu’avec la consolidation de l’industrie touristique et le développement du tourisme gourmand de la fin des années 1990.

Ainsi, on compte aujourd’hui près d’une quarantaine d’entreprises actives dans le secteur de l’agroalimentaire qui génèrent entre 150 et 200 emplois, sur une base annuelle ou saisonnière. Elles mettent en marché quelque 225 produits commercialisés sous le logo du Bon goût frais des Îles et du Savoir-faire des Îles. Les deux tiers de ces entreprises n’existaient pas il y a 15 ans. Elles approvisionnent essentiellement le marché local et exportent 15% de leur production. Les retombées économiques de l’industrie pour l’archipel, estimées à 3 millions $ en 2007, ont probablement doublé depuis. Une mise à jour de ces données est plus que jamais nécessaire, un portrait de situation qui devrait désormais inclure les produits de transformation issus du secteur des pêches et de la mariculture dont le maillage avec l’agroalimentaire va de soi.

Les alliances entre les producteurs du terroir, de la mer et le secteur de la restauration recèlent d’ailleurs un potentiel de développement immense. Axé de façon prioritaire sur le tourisme gourmand, le développement à venir de l’industrie agroalimentaire passe aussi par une augmentation de l’autosuffisance locale. Comme l’a brillamment démontré la campagne de publicité du Bon goût frais des Îles l’an dernier, la consommation des produits de chez-nous est non seulement gage de qualité mais elle favorise la création d’emploi et la prospérité de l’archipel. Cet apport à l’économie insulaire remplira toutes ses promesses lorsque le niveau de production et la capacité de mise en marché des entreprises locales permettront le développement d’un marché d’exportation capable de générer un apport de capitaux extérieurs significatif.

Pour cela, le secteur de l’agroalimentaire devra bien-sur relever plusieurs défis. Par exemple, la deuxième et la troisième transformation des produits de la mer et de la terre, l’accès aux ressources halieutiques et aux terres agricoles ainsi que l’accès aux capitaux d’investissements et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée. Il faudra poursuivre le virage vers les produits de spécialités à forte valeur ajoutée, plutôt que la production de grands volumes. S’ajoute à cela le maintien de l’abattoir régional, sa reconnaissance par les pouvoirs publics comme une infrastructure de développement régional et l’obtention d’un soutien financier récurrent et conséquent. Les autorités gouvernementales devront offrir un programme d’aide au transport des intrants (moulée, etc..) et à l’exportation afin que nos entreprises puissent se mesurer à la concurrence à forces égales. On doit aussi offrir aux producteurs l’accès à des ressources spécialisées en matière de recherche et développement pour la mise au point de produits transformés, l’amélioration des processus de production et d’emballage et des techniques de conservation. Il sera important d’élaborer d’une structure de distribution, de promotion et de mise en marché collective et concertée capable de tirer un maximum de retombées de la marque de commerce que constitue les Îles-de-la-Madeleine aux yeux des consommateurs.

Dans le contexte d’incertitude provoqué par la réforme de l’assurance-emploi, la fin du cycle des grands investissements publics aux Îles et la crise du homard, le secteur de l’agroalimentaire a tous les atouts pour devenir un moteur de création d’emplois durables parce qu’il répond à un besoin de base, en harmonie avec le milieu physique et l’environnement, que ses assises sont diversifiées et intégrées à la réalité du terroir insulaire.

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