C’est dans une atmosphère plus lourde qu’à l’accoutumée que se déroule la reprise des activités de pêche au homard ce printemps dans l’archipel. Si la fébrilité habituelle fait une place grandissante à l’incertitude sur les quais, certains signaux sont néanmoins porteurs d’espoir et devraient inciter plus que jamais les intervenants de l’industrie à relever ensemble les défis auxquels ils sont confrontés.
Les acteurs de l’industrie du homard, en crise depuis 2008, ont reçu un message d’appui sans équivoque du premier ministre Philippe Couillard lors de la mise à l’eau des cages. Sa seule présence aux îles tient de l’exploit alors que la pêche avait été retardée deux fois en raison des glaces et des délais dans le dragage des ports, puis devancée au vendredi 9 mai pour éviter la tempête. On ne modifie pas sans peine l’agenda d’un premier ministre et de son ministre des pêcheries à 24 heures d’avis, surtout quand leur présence nécessite un déplacement en avion et une nuitée à 1000 km de la capitale nationale. Cela se fait essentiellement en temps de crise, ou en campagne électorale. La symbolique est ici fort significative.
C’était d’ailleurs l’occasion parfaite pour le premier ministre de lancer un premier signal positif post-électoral envers notre région après l’avoir ignorée dans la constitution de son conseil des ministres et il ne l’a pas manquée. Il a insisté sur l’importance du rôle d’adjoint-parlementaire aux pêches confié au député des îles, promis de porter une attention particulière aux dossiers locaux et s’est engagé à poursuivre la stratégie d’intervention gouvernementale pour la Gaspésie et les Îles, en changeant la forme mais en préservant le contenu. Cela est rassurant.
Avec un gouvernement en tout début de mandat, les acteurs de l’industrie des pêches ne pouvaient espérer mieux que la présence du premier ministre et du ministre en titre pour lancer les discussions autour d’une industrie en proie à de graves difficultés. L’idée émise par M. Couillard d’une mission en Asie pour ouvrir les marchés est certes prématurée, mais elle exprime néanmoins une prise de conscience que l’avenir des pêches passe par un travail de longue haleine en matière de promotion et de mise en marché.
De son côté, le nouveau ministre des Pêcheries, Pierre Paradis, ne semble pas fermer la porte à la mise en place d’un programme de stabilisation du revenu demandé depuis des lustres par les pêcheurs. Il faut savoir que la flottille des homardiers a réclamé et obtenu un soutien ponctuel de 1,6 millions $ l’an dernier afin de permettre aux entreprises de pêches de rester à flots. M. Paradis préfère demeurer optimiste quand à un retour à la rentabilité de la flottille en 2014, mais il assure qu’il sera à l’écoute de ses besoins.
On pourra dire que le premier ministre et son ministre disent simplement aux intervenants madelinots ce qu’ils veulent bien entendre. Or, ce ne sont pas là d’enthousiastes promesses électorales de candidats mais plutôt des engagements publics clairs de nos dirigeants politiques en exercice. On jugera l’arbre à ses fruits. Il s’agit toutefois d’engagements librement exprimés alors même que le gouvernement explore diverses mesures d’austérité dont la révision des programmes sociaux, des compressions dans la masse salariale des employés de l’État, le gel des places en garderie, l’étalement des hausses salariales accordées aux médecins, etc…
En attendant, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation vient de lancer une campagne de promotion générique pour le homard du Québec, incitant les consommateurs à rechercher l’étiquette Aliments du Québec. L’initiative est louable bien que pour l’industrie des îles, le défi consiste à rétablir la notoriété du homard de l’archipel. Depuis trois ans, sur le marché Québécois, on ne parle plus que du homard gaspésien.
C’est pourquoi la campagne de promotion spécifique au homard des Îles est la bienvenue. À une certaine époque, on déplorait que des poissonniers exploitaient sans vergogne la notoriété des Iles pour vendre du homard de toutes provenances, poussant l’audace jusqu’à vendre du «homard des îles» avant la mise à l’eau des cages. Or, la situation est beaucoup plus grave si les poissonniers n’ont même pas besoin de prétendre que le homard vient des îles pour le vendre, cela indique une chute de notoriété qu’il faut contrer à tout prix. Souhaitons que Omar et Oscar marquent l’imaginaire des consommateurs et apportent une valeur ajoutée au cardinal des mers pêché dans l’archipel.
Beaucoup d’autres pistes promotionnelles et de partenariats d’affaires peuvent encore être explorés. Car pour porter fruits, la promotion du homard des Îles devra se poursuivre à chaque année, en continu. Il en va de même pour tous les produits commerciaux; pour vendre, il faut se distinguer, se rappeler au souvenir du consommateur qui a l’embarras du choix. La promotion et la mise en marché, c’est comme la bouette pour les cages, si on tente de l’économiser, le rendement diminue!
Pour cela, il va sans dire que l’identification du homard, le référencement web et le déploiement d’une plate-forme interactive ouverte aux consommateurs curieux et consciencieux sont essentielles. La certification MSC obtenue par les pêcheurs madelinots ajoute d’ailleurs au caractère spécifique du homard de chez-nous. À défaut de faire bondir le prix dès ce printemps, un réel effort de promotion aura pour effet d’en freiner la chute.
Ce sera ensuite le travail de partenariat en mise en marché entre pêcheurs et acheteurs, annoncé pour l’automne, qui pourra permettre de jeter les bases d’une sortie de crise par la mise au point d’un nouveau modèle d’affaires. Les solutions durables, la formule gagnant-gagnant ne peut venir que de l’industrie elle-même. Le gouvernement s’est judicieusement engagé à la soutenir.
