Escale Îles-de-la-Madeleine, la CTMA et Tourisme Îles-de-la-Madeleine lançaient la semaine dernière avec enthousiasme la saison des croisières 2014. Avec un nombre record de 30 escales, dont la moitié de provenance internationale, on peut maintenant dire que ce produit touristique est en phase d’atteindre sa vitesse… de croisière! Bien que les défis soient encore nombreux et importants, les retombées socioéconomiques de l’industrie sont désormais indispensables à l’économie madelinienne.
Alors qu’on anticipe 16,000 visiteurs cette année, la clientèle des croisières comptera pour plus de 25% de la fréquentation touristique estivale. On estime les retombées à plusieurs millions de dollars, dont les dizaines d’emplois directs sur le CTMA-Vacancier, les services de guides et navettes et les centaines d’emplois consolidés dans les services un peu partout sur le territoire.
Ces résultats tangibles qu’on aperçoit aujourd’hui proviennent d’un travail de longue haleine dont il n’est pas inutile de rappeler les principales étapes. Pas plus que Rome, le développement des croisières dans l’archipel ne s’est pas fait en un jour.
Bien que l’idée flottait dans l’air depuis quelques années, il aura fallu la mise en place de la croisière Carleton-Les Îles par des intérêts majoritairement gaspésiens, en 1995 et 1996, pour révéler concrètement aux Madelinots le potentiel des croisières. L’arrivée aux Îles du John-Hamilton-Gray, qui offrait davantage un service de traversier qu’une expérience de croisière, avait littéralement piqué au vif le directeur-général de la CTMA à l’époque, Roméo Cyr. Percevant comme un affront l’arrivée de cet intrus dans le port de Cap-aux-Meules, M. Cyr en avait fait une affaire personnelle. C’est ainsi qu’après plusieurs années de pourparlers avec Québec, au printemps 2001, la CTMA conclut une entente avec le gouvernement Landry pour la mise en place d’un service de croisière entre Montréal et les Iles, avec une escale à Chandler, en complément au service cargo.
Cette annonce figurait alors au cœur de la Stratégie gouvernementale de relance de la Gaspésie et des Îles. Le député des Îles et ministre responsable de la région à l’époque, Maxime Arseneau, y voyait à juste titre un projet porteur permettant de créer plus de 130 emplois «tout en consolidant un lien vital unissant les Îles au reste du Québec.» La CTMA acheta un nouveau navire au printemps 2002, le Vacancier, et débuta le service de croisières quelques semaines plus tard.
La Stratégie des croisières internationales du gouvernement Charest, annoncée en mai 2008, allait permettre à l’archipel de franchir une nouvelle étape. Tourisme Îles-de-la-Madeleine devra néanmoins insister auprès du gouvernement pour qu’il reconnaisse les Îles parmi les six nouvelles escales à développer, avec Saguenay, Baie-Comeau, Sept-Îles, Havre-Saint-Pierre et Gaspé.
Quelques semaines plus tard, une étude préalable au développement du produit croisière révèle le grand potentiel que recèle l’archipel. Les Iles possèdent déjà tout ce qu’il faut pour plaire aux croisiéristes, écrit-on, il ne suffit que d’apporter certaines adaptations au produit existant. L’étude estime alors que les Îles pourraient accueillir entre 10,000 et 14,000 nouveaux visiteurs étrangers pour la période 2010-2014. On en recevra 12,000 cet été seulement, sans compter les 4000 passagers du CTMA-Vacancier.
Malgré certaines réticences dans le milieu, plusieurs partenaires verront dans le développement du produit de croisière l’occasion de renouveler les infrastructures, d’augmenter la fréquentation et de prolonger la saison touristique en offrant un produit croisières complémentaire à celui de la CTMA. Divers partenaires se joignent donc à la municipalité et son CLD pour mettre en œuvre une stratégie locale à travers la Corporation de développement des îles – Escale Îles-de-la-Madeleine.
La stratégie québécoise, financée de concert avec Ottawa, prévoyait des investissements de 156 millions de dollars sur cinq ans. L’archipel aura obtenu plus de 15 millions de cette somme pour la promotion de l’escale, le développement d’infrastructures d’accueil dans le port de Cap-aux-Meules, le réaménagement de divers sites dont la Place des gens de mer et le soutien à des institutions et entreprises tels le Musée de la Mer et l’Économusée du Fromage Pied de vent.
Les deux objectifs de la stratégie étaient d’augmenter les recettes touristiques du Québec et de diversifier et de stimuler l’économie des régions. Le patient travail de partenariat aura donc permis de faire de l’archipel l’une des plus exceptionnelles escales du Saint-Laurent, tant pour les visiteurs étrangers que pour la clientèle domestique. Qui plus est, les investissements réalisés en appui au développement des croisières ont été consentis de manière à bénéficier également aux Madelinots et à la clientèle touristique traditionnelle, donc en complémentarité avec le produit existant, en évitant les dédoublements.
Si le volet international du produit croisière va aujourd’hui de pair avec les croisières de la CTMA, il aura d’abord fallu convaincre les gouvernements de l’acceptabilité de cette approche et les partenaires de travailler ensemble dans une relation gagnant-gagnant. Le rôle clé que joue aujourd’hui la CTMA en tant que partenaire d’Escale Îles-de-la-Madeleine est l’illustration la plus limpide qu’une vision de développement concerté peut porter fruit. Et tout cela, dans le respect des grands principes de la Politique cadre de développement touristique des Îles de 2006, comme le respect et la mise en valeur de l’identité madelinienne, du terroir et de l’environnement et l’apport à l’économie locale.
Le défi consiste maintenant à poursuivre le travail concerté entre les divers partenaires, accentuer les efforts de promotion et de démarchage, en plus d’assurer le maintien d’un accueil impeccable. Les acteurs de l’industrie peuvent encore adapter davantage leurs produits et services à la clientèle des croisières, un investissement qui aura tôt fait de rapporter. Il faut consolider, s’ajuster au marché tout en innovant, comme le fait la CTMA avec ses croisières thématiques originales et l’exploration d’escales ponctuelles. Les Madelinots doivent enfin reconnaître l’apport de l’industrie des croisières à la dynamique économique locale.
