Éolien: une alliance prometteuse, un débat nécessaire

L’entente entre les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine en matière d’énergie éolienne, annoncée la semaine dernière, profitera aux Madelinots. La constitution d’une coentreprise appelée l’Alliance éolienne de l’Est devient ainsi le joueur dominant dans l’appel d’offres pour l’éolien communautaire présentement en cours, ce qui assure pratiquement des retombées économiques significatives à notre communauté d’ici trois ou quatre ans.

On se souviendra que la Gaspésie et les îles ont mis sur pied la Régie intermunicipale de l’Énergie, en 2010, afin de maximiser les retombées économiques des projets communautaires dans la région. Plutôt que de se faire concurrence, les municipalités de la région, dont la nôtre, ont alors joint leurs forces pour monter de meilleurs projets, avec les sites et les promoteurs privés les plus performants. Les emprunts nécessaires aux projets sont cautionnés par les municipalités membres, au prorata de leur richesse foncière, et les revenus d’exploitation seront redistribués selon la même formule.

C’est ainsi qu’un projet de la Régie a été retenu dans le cadre de l’appel d’offres de 2010, pour un parc éolien de 21 mégawatts (MW) qui sera mis en opération sur les plateaux de la Matapédia d’ici la fin de l’année. La Municipalité des îles, dont la richesse foncière représente environ 18% de l’ensemble régional, devrait donc recevoir 18% des revenus de vente d’électricité versés à la Régie à compter de 2015, soit de 50,000 $ à 75,000$ par année pendant une période initiale de 20 ans. C’est cette même approche de partage des risques et des revenus qui prévaut au sein de l’Alliance éolienne de l’Est.

La formule est taillée sur mesure pour l’appel d’offres d’énergie éolienne communautaire lancé en 2013 par le gouvernement péquiste. Les 450 MW sont destinés à assurer la pérennité de l’industrie éolienne au Québec, et en Gaspésie en particulier. Des milliers d’emplois de qualité dépendent aujourd’hui de l’éolien dans la région, mais également ailleurs en province. Un bloc de 300 MW d’éolien communautaire a été réservé au Bas-St-Laurent et à la Gaspésie, tandis que 150 MW sont offerts à tous. Plutôt que d’entrer en compétition pour arracher le maximum de MW pour leurs municipalités respectives, faisant forcément des perdants, les deux régions choisissent de travailler ensemble et c’est tant mieux.

Cette approche permet de mettre les promoteurs privés en concurrence les uns avec les autres, chacun essayant de mettre au point le meilleur projet, sur les meilleurs sites et au meilleur coût, chacun en partenariat avec l’Alliance. Au cours des prochains mois, l’Alliance éolienne de l’Est négociera donc avec de multiples promoteurs privés l’élaboration de divers projets de parcs éoliens, en exigeant pour chacun une participation à hauteur de 50%. On aurait pour plus de 700 MW de projets à déposer. Ce sera à Hydro-Quebec de déterminer lesquels de ces projets passent le test. Qu’importe les projets retenus et les sites où ils seront érigés, chacune des municipalités de l’est du Québec membres de la Régie éolienne Gaspésie-Les Îles ou d’Énergie éolienne Bas-Saint-Laurent en retirera des bénéfices au prorata de sa richesse foncière. Une formule équitable et profitable.

De plus, l’essentiel du risque et du savoir-faire nécessaire au développement des projets repose sur l’entreprise privée plutôt que sur les contribuables. Une fois les projets retenus, leur érection en vertu d’un contrat dûment signé avec la société d’État représente somme toute peu de risque pour les municipalités comme pour les promoteurs privés, forts de l’expertise développée au Québec depuis 10 ans. Au surplus, pour les promoteurs privés, l’association avec le milieu municipal assure une plus grande acceptabilité sociale pour leurs projets, un atout indéniable.

Si le gouvernement a tourné le dos à la nationalisation de l’éolien, nos deux régions procèdent en quelque sorte à sa régionalisation. Pour les citoyens de l’est du Québec, c’est encore mieux parce que nous exerçons ainsi un meilleur contrôle sur le développement des projets sur nos territoires et que les revenus liés à l’exploitation reviennent en bonne partie aux communautés. Les municipalités concrétisent ainsi une réelle diversification de leurs revenus de par l’exploitation responsable des ressources de notre région. Le vent est une puissante ressource naturelle aux Îles et dans la région, cela est plus que jamais indéniable. Encore fallait-il que le gouvernement nous permette d’en harnacher le potentiel.

Selon les projections des partenaires de l’Alliance éolienne de l’Est, pour 300 MW, la part des profits provenant de la vente d’énergie à Hydro-Québec et destinée aux municipalités se situera à 10 millions $ par année sur une période de 20 à 25 ans. Répartis au tiers parmi les membres de la Régie intermunicipale Gaspésie-les Îles, ces revenus pourraient représenter une rente annuelle d’environ 600,000$ pour la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine.

Il faudra auparavant convenir de ce qu’on fera avec ces nouveaux revenus. Optera-t-on pour la constitution d’un fonds de diversification économique, de développement social et communautaire? Devrait-on plutôt créer un fonds pour le développement des énergies nouvelles et amorcer la transition énergétique de l’archipel pour devenir un modèle d’autonomie et d’innovation? Choisira-t-on au contraire d’investir dans le renouvellement des infrastructures routières, d’aqueduc et d’égouts ou des installations sportives? Un débat public sur cette question est nécessaire. La pire des hypothèses serait certainement de noyer ces revenus avec ceux de la taxation et de s’en servir pour payer bêtement une partie de l’épicerie, sans plus-value aucune.

Par ailleurs, Hydro-Québec devra bientôt annoncer ses couleurs dans le projet de couplage éolien diesel, qui est à l’étude depuis plusieurs années. Si la décision de la société d’État est positive, un petit parc de 6 MW sera érigé dans la partie est des Îles, entre Pointe-aux-Loups et Grosse-Île, avec comme partenaire obligatoire, actionnaire et donc bénéficiaire, la Municipalité des Îles. Avec la constitution de la Régie, et maintenant de l’Alliance, il sera même possible pour la municipalité de partager la mise de fonds et les revenus d’un tel projet avec ses partenaires d’affaires communautaires.Régie

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