La semaine dernière, la ministre des Transports du Canada, Lisa Raitt, a annoncé le renouvellement du contrat de service avec la CTMA pour assurer le service traversier entre les Îles-de-la-Madeleine et Souris pour une période de deux ans. S’il s’agit en apparence d’une bonne nouvelle, l’annonce gouvernementale laisse néanmoins planer une ombre sur l’engagement à long terme du gouvernement fédéral dans cette desserte vitale pour l’archipel.
Le programme fédéral de contribution pour les services de traversiers comporte trois liaisons interprovinciales: Saint John (N.-B.) – Digby (N.-É.), Wood Island (I.-P.-E.) – Caribou (N.É.) et Cap-aux-Meules – Souris. Le fédéral y a dépensé 256 millions depuis 2006, indique-t-on par voie de communiqué, dont 111 millions pour la desserte des Îles-de-la-Madeleine. Le gouvernement s’engage à y verser encore 58 millions sur 2 ans, se disant toutefois «déterminé à travailler avec les provinces et les collectivités locales en vue d’adopter une approche à long terme pour ces services.»
Deux ans, c’est court. Très court. Il faut savoir qu’avant 2010, le gouvernement signait des ententes de service avec les opérateurs de différents services interprovinciaux pour une durée de cinq ans, parfois davantage.
Pour mieux saisir les intentions du fédéral, il faut rappeler que Transport Canada a entrepris une révision de son programme des traversiers en novembre 2010. Dès lors, il précisait que les coûts de ce programme augmentant sans cesse, il souhaitait évaluer les options à long terme avec les provinces et les collectivités. On aura tôt fait de conclure que le fédéral cherche par tous les moyens à réduire sa contribution, soit en réduisant les services, soit en refilant une partie de la facture aux provinces et aux collectivités locales.
Cela est d’autant plus inquiétant pour les Madelinots qu’il n’existe pas aux Îles d’alternative au traversier en matière de transport avec le continent, contrairement aux deux autres liaisons financées par le fédéral. L’archipel dépend largement de la desserte maritime avec Souris tant pour son approvisionnement en nourriture et en marchandises que pour l’exportation de ses produits. Le traversier assure maintenant la libre-circulation des biens et des personnes sur une base annuelle et continue d’être la pierre angulaire de l’industrie touristique. Il s’agit de notre autoroute, notre lien vital avec le continent.
C’est pourquoi le dossier du transport maritime dépasse de loin les conditions de services négociées entre les fonctionnaires fédéraux et les dirigeants de la CTMA qui opèrent, quoiqu’avec compétence, expertise et fiabilité, la desserte.
C’est à la demande de la municipalité que le gouvernement conservateur a finalement accepté d’injecter plus de deux millions $ supplémentaires dans la desserte pour offrir un service à longueur d’année à compter de 2008. Représentant les intérêts supérieurs de la collectivité, il aura bien sûr fallu à la municipalité trois ans d’efforts et de représentations politiques, de consultations et de mobilisation citoyenne, de concertation avec les partenaires socioéconomiques et le dépôt de solides mémoires argumentaires pour obtenir gain de cause.
Aujourd’hui, c’est le financement récurrent de la desserte elle-même qui est à l’ordre du jour. Sans compter que le Madeleine, un navire de 33 ans propriété de Transport Canada, devra tôt ou tard être remplacé. Il appartient donc à la municipalité de revenir à la charge, de faire preuve de leadership et de vigilance.
La municipalité doit s’affirmer comme l’interlocuteur du gouvernement au dossier, rallier les citoyens et le gouvernement du Québec à sa cause et réclamer du fédéral qu’il assure le financement à long terme du service, l’acquisition éventuelle d’un nouveau navire et la mise en place d’un comité de suivi annuel, incluant des citoyens, capable d’assurer un meilleur arrimage des services aux besoins des Madelinots.
Un renouvellement sur deux ans, c’est court, très court. Tout juste le temps pour le gouvernement de passer le cap de l’élection fédérale, prévue en octobre 2015, et pour notre collectivité d’en faire un enjeu déterminant.
