Loisirs et culture: dépense ou investissement?

De nombreux évènements culturels et de loisirs animent la saison estivale dans l’archipel, au grand bonheur des Madelinots et des visiteurs. Cela contribue à la notoriété des Îles comme une destination touristique et culturelle exceptionnelle tout en apportant une dose massive de culture et de bonheur aux insulaires. Le discours actuel d’austérité des pouvoirs publics, tant sur les plans gouvernemental que municipal, fait toutefois craindre pour l’avenir. Invariablement, cela nous ramène à la question clé: la culture est-elle une dépense ou un investissement?

La vitalité culturelle des Îles repose avant tout sur la richesse artistique du milieu, la dynamique communautaire, l’action bénévole, le rôle des organisations locales de soutien et de diffusion culturelle, l’esprit d’initiative de promoteurs privés et l’apport de commanditaires. À cela s’ajoute le rôle essentiel des gouvernements et de la municipalité.

Alors que le fédéral s’est peu à peu cantonné dans le fauteuil des abonnés absents, le gouvernement du Québec plafonne ou de réduit peu à peu on soutien au milieu culturel. Le climat d’austérité actuel et l’annonce de coupures dans les services publics pour l’automne n’augure rien de bon. Déjà, les diffuseurs de spectacles aux Îles ont du batailler ferme avec la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour assurer le maintien de mesures d’aide à la tournée qui tienne compte des surcoûts de transport pour les Îles, sans quoi l’offre de spectacles aurait pu beaucoup diminuer. Qu’adviendra-t-il maintenant du soutien financier aux institutions muséales, aux diffuseurs régionaux, aux centres d’arts, aux conseils régionaux de la culture et corporations culturelles?

De son côté, la municipalité des Îles a entrepris le transfert du système de son régional à l’entreprise privé. Si les conditions de transfert de l’équipement payé par les contribuables permettent de stimuler la concurrence, d’assurer aux promoteurs d’évènements l’accès à des équipements de qualité et à des techniciens compétents, le retrait municipal sera salutaire.

Mais il a plus. Deux fois plutôt qu’une, au cours de l’été, la municipalité a illustré ses difficultés budgétaires, la nécessité de rationaliser les dépenses et de faire des choix en ciblant le domaine de la culture et de l’offre d’activités estivales. Une première fois, en lien avec la réflexion en cours sur l’état des finances publiques municipales, le seul exemple cité par le maire dans les médias identifiait un investissement annuel de 145,000$ de la municipalité dans la culture. Avec un budget annuel de 24 millions $, cet exemple pourrait tout aussi bien servir à démontrer que la municipalité n’en fait pas autant pour la culture que d’autres municipalités de son envergure… Le milieu culturel défend depuis longtemps l’importance que Québec lui accorde un pour cent de son budget. Et si la même logique devait s’appliquer au milieu municipal?

Plus récemment, le maire Lapierre écrivait dans l’Info-municipale : «L’époque où chacun des villages avait un festival est derrière nous. Nous devons travailler ensemble, indépendamment de nos villages, afin d’offrir des évènements de grande qualité. Offrir un festival pour tout le territoire…»

La question soulevée ici est importante, et sujette à débat. Que la municipalité balise ses interventions en soutien aux organismes du milieu, cela va de soi. Or, doit-on pour autant abandonner l’organisation du festival du homard de Grande-Entrée, de l’Île aux trésors ou Cap-aux-Meules en fête au profit d’un évènement régional? Qu’en serait-il des fêtes populaires de cantons comme la Fête des travailleurs de la mer au quai de Millerand ou la Fête du quai de Cap-Vert? Le Festival acadien, en réflexion sur son avenir, doit-il revoir ses façons de faire ou se saborder? Qu’en serait-il du concours des Châteaux de sable, fort de l’appui de la municipalité et de nombreux partenaires, de la Fête au saveurs de la mer, de la Fête Champêtre, etc…

Formons-nous une communauté moins unie ou plus divisée si nous visitons tour à tour les cantons, les sites récréotouristiques et les quais pour nous divertir et festoyer ensemble? Par ailleurs, un seul grand festival, ponctué de spectacles d’envergure dotés d’un gros budget est-il garant de succès populaire et financier? D’ailleurs, il n’y a jamais eu si peu de grands spectacles d’arénas ou en plein air que cet été alors que le succès des évènements de cantons ne se dément pas. Une nouvelle scène mobile, subventionnée à même les fonds publics à 115 000$ pour le compte du comité de loisirs de Fatima demeure à toutes fins pratiques inutilisée depuis son acquisition l’an dernier…

Il y a tant et tellement à faire aux Îles qu’il est virtuellement impossible de tout voir, de tout entendre et de tout visiter. Faut-il pour autant rationaliser dans l’offre culturelle? Collectivement, sommes-nous plus pauvres ou plus riches de cette multiplication d’évènements de l’été culturel madelinot qu’appuie notamment la municipalité? Le soutien public matériel, technique et financier doit-il être considéré comme une dépense ou un investissement rentable?

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