Le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, a transformé les élections scolaires du 2 novembre en un référendum sur l’avenir des commissions scolaires au Québec. Une «consultation populaire» à laquelle les Madelinots, comme des milliers d’autres Québécois d’ailleurs, ne pourront pas pleinement participer. Dans ce contexte, on en vient presqu’à oublier de parler d’éducation.
C’est au début du mois que le ministre a clairement lié le sort des commissions scolaires au taux de participation au processus électoral. Il a parlé d’un test de crédibilité pour les commissions scolaires qui devaient, selon lui, convaincre la population de leur pertinence.
Cette approche est maladroite et éminemment contestable. Confondre la pertinence de l’institution, de son rôle politique et administratif avec le processus démocratique relève du raccourci intellectuel, hélas de plus en plus présent dans la classe politique. Le boycottage des élections scolaires dont le chef de la CAQ, François Legault, fait la promotion n’est guère plus édifiant.
Taux de participation
D’une part, ce sont 43 % des commissaires et 45 % des présidents de commissions scolaires qui ont été élus par acclamation. On sait maintenant que la présidente sortante de la Commission scolaire des Îles, Francine Cyr, sera aussi réélue, depuis que son opposant a annoncé son retrait de la course plus tôt cette semaine. En appliquant la «formule Bolduc», comment peut-on mesurer la pertinence d’une commission scolaire là où l’élection au suffrage universel à la présidence n’aura pas lieu?
La présidente de la Fédération des commissions scolaires, Josée Bouchard, a fait valoir à juste titre que 56 % des conseillers municipaux et 46 % des maires ont été élus par acclamation lors des élections de municipales de 2013. «Sont-ils pour autant moins légitimes que les élus scolaires?» a-t-elle demandé. Faut-il pour autant abolir les municipalités, pourrait-on ajouter, quand on sait que le taux de participation d’une ville comme Longueuil dépassait à peine les 26 % l’an dernier?
Il est vrai cependant qu’un taux de participation aux élections scolaires à 8 % au Québec en 2007 (28 % aux Îles) est symptomatique d’un certain problème. Le diagnostic du bon docteur Bolduc n’en est pas moins discutable et le traitement anticipé – fusion ou abolition – sujet à débat.
La participation au processus électoral est en baisse depuis plusieurs années, que ce soit au plan fédéral, provincial ou municipal. Or, si l’on boude ainsi les divers paliers de gouvernance dont les décisions affectent notre quotidien, comment espérer que les citoyens votent en masse aux élections scolaires? Sans compter que les commissions scolaires ont peu de moyens pour promouvoir l’exercice démocratique, que les médias en parlent peu et que les enjeux, liés à l’administration scolaire, sont multiples, complexes et diffus.
Pourquoi voter ?
Votera-t-on pour influencer la taxation? Ce pouvoir des commissions scolaires est si marginal et tellement dépendant du financement accordé par Québec qu’il en devient futile. Le gouvernement l’a d’ailleurs remis lui-même en question sous l’administration Marois, puis à nouveau depuis l’élection du PLQ, quand des hausses de taxes scolaires et des réductions dans l’aide aux devoirs conséquentes à des coupes budgétaires de Québec l’ont mis dans l’embarras.
Le gouvernement et les partis politiques sont parmi les premiers responsables de la désaffection des électeurs envers les commissions scolaires après avoir désavoué leurs décisions, limité leurs pouvoirs et remis en question leur existence.
Il restera donc les parents des enfants d’âge scolaire pour s’intéresser à l’administration scolaire, s’ils jugent qu’elle a un impact significatif sur les services éducatifs. Mais entre les paramètres de financement ministériels, les programmes pédagogiques normés, les conventions collectives du personnel et les responsabilités propres à l’équipe-école, quel pouvoir d’influence peuvent-ils encore exercer? Quand discute-t-on réellement avec les parents et la communauté des projets éducatifs, des services à l’élève, de l’école communautaire et du développement de programmes spécifiques comme les sports-études?
Et les services éducatifs, alors?
C’est en ramenant ce type d’enjeux à l’ordre du jour que les citoyens retrouveront peut-être la pertinence du palier de décision local. Le rôle de la commission scolaire est de veiller au déploiement et à la saine gestion des services éducatifs, à la gestion du personnel, du transport et à l’entretien des immeubles. Elle doit aussi assurer dans le milieu une offre de formation professionnelle adéquate. Elle veille enfin à la répartition équitable des ressources sur le territoire, dont le maintien ou la fermeture d’école, et offre des services à la communauté en tant que partenaire du milieu culturel, social, sportif et communautaire.
Quant aux commissaires, ils adoptent les grandes orientations, les objectifs, les priorités et les valeurs de l’organisation, ils entérinent les budgets, les grandes politiques pédagogiques et administratives et s’assurent que les services répondent aux besoins de la population.
Si les structures doivent disparaître, les responsabilités vont demeurer. Si le processus électoral est éliminé, ce sont les fonctionnaires qui prendront le relais. Serons-nous mieux servis s’il y a transfert de responsabilité au monde municipal, aux directions d’écoles ou aux fonctionnaires de Québec? Rien n’est moins sûr.
Si la révision structurelle doit se faire, elle doit reposer sur le principe de subsidiarité : le bon niveau de responsabilité au palier de gouvernance le plus adéquat. Une meilleure gouvernance scolaire, pour de meilleurs services éducatifs, devra intégrer les grandes orientations nationales à un modèle qui respecte les particularités locales, où la population conservera son devoir d’implication et son pouvoir d’influence. Il faudra adapter plutôt que centraliser. En particulier dans l’archipel, où l’on retrouve la plus petite commission scolaire du Québec, les risques d’une perte de pouvoir sur nos institutions sont bien réels. Si au surplus, la raison économique fait foi de tout, il n’y a pas que les commissions scolaires qui sont à risque mais il a aussi, et surtout, l’éducation.
