Bien que nous le sachions depuis novembre dernier, les grands médias rapportaient cette semaine que le régime d’austérité imposé par le gouvernement libéral se fait davantage sentir en région. Et l’archipel ne fait pas exception à la règle.
La publication de quelques articles et de la lettre ouverte signée par une centaine de personnalités québécoises et d’élus locaux au nom de la coalition Touche pas à mes régions a mis en lumière le manque de considération de Québec envers les régions suite au démantèlement unilatéral de leurs instances de concertation et de développement.
La coalition, qui s’est réjouie d’avoir obtenu un droit de parole en commission parlementaire à la fin du mois, ce qui est tout de même la moindre des choses en démocratie, demande au gouvernement «de surseoir à ses décisions concernant le développement régional». Or, le processus d’abolition des Conférences régionales des élus a été à ce point accéléré et le transfert des CLD dans la cour des MRC est à ce point avancé qu’on a du mal à envisager que le gouvernement fasse machine arrière.
Mobilisation : l’exception madelinienne
Il sera néanmoins intéressant de voir l’approche que retiendront les porte-paroles de la coalition de même que les propositions concrètes qu’ils présenteront dans leur mémoire. Surtout que ces représentants proviennent du monde municipal, des maires dont celui des Îles-de-la-Madeleine qui ont pourtant accepté de signer l’entente pour une nouvelle gouvernance régionale et un pacte fiscal transitoire qui autorisent le gouvernement à chambarder les structures tout en réduisant son soutien financier aux municipalités.
Il y a là une contradiction saisissante qui ne s’explique que par la réaction négative de plusieurs membres des unions municipales, tenus à l’écart des discussions l’automne dernier, de même qu’à la mobilisation citoyenne qui a pris forme en Gaspésie puis un peu partout au Québec sous le parapluie de la coalition Touche pas à mes régions. Un peu partout, sauf aux Îles-de-la-Madeleine.
Faute de leadership, de concertation, d’information ou d’intérêt, les Madelinots brillent par leur absence au sein de mouvement Touche pas à ma région Gaspésie-Les Iles. Ailleurs en Gaspésie et dans une demi-douzaine de régions du Québec, des comités se sont mis en place, des cafés-rencontres ont lieu, une pétition circule, les médias sociaux sont mis à contribution, bref, une mobilisation s’organise. L’exception madelinienne est d’autant plus intrigante que le maire Lapierre sera au nombre des élus qui iront porter à l’Assemblée nationale le message de la coalition citoyenne des régions.
Que voulons-nous ?
La coalition Touche pas à mes régions assimile à bon droit le démantèlement des structures de développement régional, les chambardements à venir en santé et en éducation de même que les coupes dans les ministères régionaux et les programmes au régime d’austérité libéral. Les groupes sociaux, les syndicats et les élus locaux semblent sur la même longueur d’onde.
Or, aux Îles, c’est pas pareil… Aucune coalition n’existe, aucun consensus social n’émerge, d’où le message politique diffus, sinon confus. Les Madelinots regrettent-ils vraiment l’abolition de la CRÉ Gaspésie-Les Îles ou désirent-ils plutôt récupérer une partie de son financement pour les besoins locaux ? S’oppose-t-on au démantèlement du modèle de développement régional ou uniquement à la réduction des budgets des CLD ? Doit-on faire front commun contre l’approche actuelle du gouvernement ou se fier aux élus pour négocier des aménagements à la pièce, sauce insulaire ?
Contre l’austérité ?
Chose certaine, aucun élu municipal n’a jugé bon d’assister au rassemblement contre l’austérité, tenu samedi dernier à Cap-aux-Meules, à l’initiative de la CSN. Quelques jours après avoir appelé les employés syndiqués de la municipalité à faire preuve de maturité et de collaboration dans un contexte budgétaire difficile, le maire Lapierre a refusé l’invitation à prendre la parole devant ses citoyens. Au même moment, sa collègue Diane Leboutiller, préfète de Rocher-Percé, livrait un discours enflammé aux manifestants lors d’un rassemblement identique organisé simultanément par la CSN à Chandler.
Pourtant, le contexte budgétaire difficile qui incite la Municipalité à évoquer un éventuel gel de salaire de ses employés, à augmenter les taxes de 2 à 4% tout en réduisant ses services, est en partie attribuable au régime d’austérité. Quant aux impacts sur l’économie fragile et peu diversifiée de l’archipel, on les perçoit de mieux en mieux.
Les impacts
Il y a bien sur la baisse des subventions à la municipalité et au CLD, l’abolition de la CRÉ et la perte de subventions et d’emplois qui en découlent. S’ajoutent les compressions imposées au Carrefour jeunesse emploi et au cégep et l’absence de fonds au programme Réno-village. Des projets de logements sociaux d’environ 12 millions $ sont menacés par les coupes au programme Accès-logis. Le gel d’embauche dans la fonction publique entraîne la perte nette d’emplois locaux bien rémunérés, dont près du tiers des effectifs d’Emploi Québec depuis l’automne (la fonction publique a perdu 30 postes aux Îles depuis 20 ans). Un éventuel gel de salaire du millier d’employés du secteur public aux Îles réduira encore davantage leur pouvoir d’achat, avec des conséquences évidentes pour l’économie locale.
En somme, la médecine de cheval administrée à l’État par le gouvernement libéral risque de soustraire davantage d’argent dans l’économie des Îles à court terme que ne l’a fait la réforme de l’assurance-emploi. Notre région est touchée. L’union des forces politiques, syndicales, sociales, économiques et citoyennes apparaît plus que jamais nécessaire pour défendre nos particularités et nos acquis, maintenir ou renouveler l’accès aux services publics et les outils collectifs nécessaires au développement de l’archipel.
