On s’en doutait, le budget municipal de près de 24 millions $, adopté la semaine dernière, s’inscrit dans la politique d’austérité gouvernementale. Il en est même le reflet fidèle puisqu’il combine l’augmentation des taxes des contribuables à la réduction des dépenses municipales, donc des services aux citoyens.
Les revenus supplémentaires tirés de l’augmentation moyenne de 2% du fardeau fiscal des Madelinots correspondent, à quelques dollars près, à la réduction des transferts gouvernementaux de 285,000 $ issu du nouveau pacte fiscal de novembre dernier. On peut conséquemment attribuer la hausse du compte de taxes au pacte fiscal transitoire convenu entre le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, et le monde municipal. En clair, sans le pacte fiscal, les Madelinots auraient droit à un gel du compte de taxes.
La taxe Moreau
Rappelons qu’en novembre, Québec a signé une entente avec les représentants municipaux prévoyant des coupes de 300 M $ dans les transferts. En acceptant ces coupes, les élus municipaux s’engageaient à absorber la facture à même leurs surplus ou à refiler, sans leur dire, la facture aux contribuables. La boucle est bouclée!
Le ministre Moreau a d’ailleurs réprimandé les maires de Laval et Longueuil qui ont osé attribuer explicitement les hausses de taxes au gouvernement, menaçant de les couper davantage pour mieux rembourser directement les contribuables. S’il met sa menace à exécution, le ministre devra aussi rembourser les Madelinots! À l’exception des résidents de la municipalité Grosse-Île qui bénéficient d’un gel de taxes encore cette année.
Développement régional
Il faut savoir que les dirigeants de la Fédération québécoise des municipalités, dont le maire des Îles, ont aussi entériné la signature du pacte fiscal transitoire. Cette caution donnée au gouvernement n’est pas banale puisque que la FQM n’a jamais cessé de dénoncer le transfert des routes aux municipalités en 1993, sans les budgets conséquents, jurant la main sur le cœur qu’ils n’accepteraient plus jamais le pelletage de responsabilités et de factures dans la cour des municipalités.
L’entente comporte néanmoins une «nouvelle gouvernance régionale», se traduisant par l’abolition des CRÉ et des CLD et le transfert des responsabilités de développement économique aux MRC sans les moyens financiers pour ce faire.
Le budget municipal scelle ainsi le sort du CLD, alors qu’on prévoit la préservation d’un seul poste, et d’un budget d’investissement amputé des deux tiers. Si l’image des routes transférées aux municipalités doit servir d’exemple, la route du développement économique local s’annonce bien cahoteuse…
Taxes ou tarifs?
En réalité, la municipalité des îles augmente le taux de taxe foncière de 4,7 %. Pour une résidence d’une valeur moyenne de 125 000$, c’est une hausse de 55 $. Pour le secteur commercial, soumis à la taxe résidentielle à laquelle on ajoute une taxe d’affaires, la hausse combinée pour 2015 sera de 4,2 %.
Évidemment, ces hausses sont importantes et dépassent largement le taux d’inflation auquel les élus municipaux aiment bien se référer pour justifier leur choix budgétaires. L’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 1,5 % dans la dernière année.
Pour atténuer l’impact négatif d’une telle hausse du taux de taxe foncière sur les contribuables résidentiels, le conseil municipal a donc choisi de réduire la tarification pour la collecte et le traitement des déchets à 250 $, soit une réduction forfaitaire de 20 $. En conséquence, la hausse du fardeau fiscal sera bel et bien de 2 % pour une résidence de valeur moyenne, mais ce pourcentage fluctuera selon la valeur des résidences. Le secteur commercial, dont les services d’ordures sont tarifés au volume, n’aura pas droit à cet ajustement.
Des vases communicants?
La réduction de la tarification des ordures résidentielles de 7 % était peut-être le seul moyen d’atténuer les hausses de taxes et ainsi épargner le contribuable moyen. Mais ce ne sont pas véritablement des vases communicants. Ce qui étonne d’ailleurs, c’est que le poste budgétaire des ordures affiche une hausse de coûts de 1,4 %. Pour un service qui doit s’autofinancer, il y a là un déséquilibre budgétaire intriguant. Surtout qu’il y a encore beaucoup à faire pour la mise en conformité du site de traitement des ordures, dont l’achat d’un broyeur par règlement d’emprunt dans les prochaines semaines.
Rationaliser les dépenses
Avant même que la politique d’austérité gouvernementale n’exerce une pression supplémentaire sur la municipalité, le message des contribuables était à l’effet que leur capacité de payer était atteinte. Une institution municipale doit d’ailleurs sans cesse chercher l’équilibre entre les exigences qui lui viennent de toutes parts et ses ressources forcément limitées. Il vaut mieux pouvoir faire cet exercice selon ses propres termes et y associer les citoyens.
Les mesures annoncées comportent le gel de salaires des élus et des cadres, ce qui présage d’offres réduites aux employés syndiqués. On évoque entre autres des changements dans l’offre en loisirs et culture, une réduction de service à l’inspection en urbanisme, à la cour municipale, des modifications aux pratiques de déneigement et la réduction des heures d’ouvertures des points de service. Il est cependant difficile pour le citoyen de voir le portrait global de ces mesures et d’anticiper leurs impacts.
«Assumer collectivement»
Le conseil municipal affirme avoir passé l’ensemble des dépenses au peigne fin, concluant en la nécessité de modifier les façons de faire. «Tout a été analysé, des choix ont été faits, et maintenant, il faut les assumer ensemble», disait le maire Lapierre dans son rapport sur la situation financière en janvier.
Le défi sera donc de faire adhérer les citoyens à une révision des pratiques et des façons de faire à laquelle ils n’ont pas été conviés et dont ils ne possèdent pas tous les tenants et aboutissants. Existe-t-il un rapport d’analyse sur les impacts des décisions auquel les contribuables pourraient se référer pour mieux comprendre et soutenir la démarche? Il ne suffit pas de demander une profession de foi. Pour «assumer collectivement» les choix des élus, il faudrait que les citoyens comprennent la réflexion qui les sous-tend, les éléments de l’analyse effectuée, les hypothèses envisagées, les diverses options soupesées et les arbitrages qui ont mené à ces décisions.