L’hiver 2015 passera certainement à l’histoire comme l’un des plus rigoureux des dernières décennies. Devant les circonstances extrêmes que nous impose dame nature cette année, force est d’admettre que les insulaires que nous sommes s’en sortent plutôt bien.
Évidemment, le froid constant, les accumulations de neige sans précédent et la fréquence des vents de tempête ont perturbé notre quotidien. Plus d’une dizaine de tempêtes se sont abattues sur nous en deux mois, le réseau routier a été entièrement fermé à plusieurs reprises, les services de santé interrompus et plus d’une douzaine de jours en classe sont à reprendre. Les impacts économiques se font aussi sentir en jours de travail et de salaire perdus, en matière de productivité en entreprise et dans la vente au détail.
Cela étant, il faut admettre que notre capacité collective à atténuer les impacts des phénomènes naturels de façon autonome s’est améliorée. En la matière, il faut analyser un certain nombre de facteurs comme la prévention, la sécurité des personnes, la communication et le rétablissement.
Prévention, sécurité et communication
Quand il est question de grandes tempêtes hivernales, les Madelinots se rappellent le plus souvent celle qui avait paralysé les Îles pendant des jours, en janvier 1982. Les chutes de neige abondantes, les vents soutenus et les pannes électriques majeures avaient entraîné l’état d’urgence. Après des années d’hivers doux, l’archipel était sous-équipé pour faire à la musique et déneiger adéquatement le réseau routier. Des ravitaillements furent déployés dans les extrémités. En ondes depuis à peine deux mois, CFIM avait révélé toute sa pertinence pour informer et rassurer la population.
La situation a bien évolué depuis. En premier lieu, les trajectoires de tempêtes sont aujourd’hui suivies en temps réel, leurs impacts prévisibles et médiatisés. La radio, mais aussi les réseaux sociaux transmettent l’information de façon efficace et instantanée. Citoyens et autorités s’organisent en conséquence.
Il faut aussi reconnaître que la coordination des instances décisionnelles, établie ces dernières années, limite considérablement les risques pour la sécurité des personnes. Ainsi, les décisions de fermer les écoles, l’hôpital ou les routes sont prises de façon préventive et clairement annoncées. Outre les accumulations de neige, le facteur visibilité est bien souvent prépondérant. Les risques d’accident sont ainsi limités, les obstacles aux opérations de déneigement considérablement réduits.
Certains seront d’avis que la fermeture des routes ou des écoles se fait parfois de façon trop précipitée. L’excellent bilan quant à la sécurité routière hivernale aux Îles parle pourtant de lui-même.
Il ne faut pas négliger ici de mentionner la stabilité du réseau d’Hydro-Québec. Outre la panne enregistrée la semaine dernière pendant une nuit sur une partie du réseau, le réseau a tenu le coup de façon remarquable cet hiver.
Rétablissement
Ce qui distingue véritablement l’hiver 2015 des précédents, c’est la constance des vents, des chutes de neige et des froides températures depuis janvier. L’accumulation de neige, la densité et la hauteur des congères le long des routes sont telles que la moindre brise entraîne des conditions de visibilité difficiles, voire dangereuses. Puisque les accumulations le long du réseau routier sont exceptionnelles, la moindre chute de neige poussée par les vents bloque la voie publique de façon accélérée. Ce qui est véritablement remarquable cette année, c’est la succession de tempêtes qui provoque un effet cumulatif qui entrave lourdement les opérations de déneigement.
Dans ces conditions, extrêmes faut-il le mentionner, il faut reconnaître l’efficacité des opérations de rétablissement. C’est aux opérateurs de machinerie que revient le plus grand mérite. Ils effectuent un travail harassant, pendant de longues heures, et dans des conditions de visibilité souvent difficiles. Les responsables de l’entretien mécanique, qui travaillent dans l’ombre, et les responsables de la coordination des équipes ne sont pas en reste.
Évidemment, on souhaiterait tous que le souffleur passe devant la maison dès que la tempête s’est calmée, mais il faut savoir que les opérations se font nécessairement par étape. Or, les routes de l’ensemble de l’archipel sont classées par priorité selon le débit de circulation et les services essentiels à fournir à la population. Le rétablissement du réseau se fait en fonction de cette priorisation.
Certains estiment que le parc de véhicules de déneigement dans l’archipel est trop vétuste ou encore que le nombre de machineries est insuffisant. D’autres estiment que c’était tellement mieux avant… Il faut encore une fois rappeler que les deux derniers hivers ont été exceptionnels, ce qui rend toute comparaison difficile. Avec le regroupement municipal de 2001 et la mise en commun des services et des équipements, le territoire est mieux desservi dans son ensemble et de façon plus équitable, selon le niveau de service établi. Le ministère des Transports possède une flotte de véhicules qui correspond à ses besoins tandis que la municipalité a entrepris un renouvellement nécessaire, mais progressif de ses machineries depuis plusieurs années, en fonction de la capacité de payer des contribuables. Les pouvoirs publics doivent viser le niveau optimal dans des conditions hivernales moyennes. En conditions extrêmes, la disponibilité de la main-d’œuvre est un enjeu tout aussi important.
Les glaces
Si la situation a été parfois difficile dans l’archipel cet hiver, les conditions de glaces extrêmes ont donné des maux de tête aux capitaines de la CTMA comme aux passagers du traversier. Après un bris de moteur, début février, la CTMA a du faire face à des conditions de navigation exceptionnelles pendant tout l’hiver. On est passé de trois à deux aller-retour à Souris par semaine, avant de bifurquer vers le port de North-Sydney, afin de maintenir les liens avec le continent. Choix judicieux dans les circonstances, cela aura eu un impact considérable sur les frais de transport de marchandises imposés aux entreprises des îles, jusqu’à 68% d’augmentation.
Loin de remettre en cause le lien hivernal, les conditions exceptionnelles qui prévalent cette année démontrent la nécessité de réclamer pour l’archipel la collaboration constante de la garde-côtière et de ses brise-glaces pour assurer le maintien du lien, dans un temps de navigation raisonnable, en tout temps pendant la saison hivernale.
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