Pêches et mariculture, reflet d’un archipel

À quelques semaines de la reprise des activités économiques saisonnières, les signaux paraissent plus positifs que jamais pour l’industrie des pêches. Le taux de change avantageux, la baisse des prix du carburant et l’ouverture du marché chinois au homard de l’Atlantique sont de bon augure, après sept années de grandes difficultés. Afin de tourner la page sur le rude hiver que nous avons traversé, il peut-être opportun de lire ou de relire une étude, rendue publique en début d’année, qui donne à penser qu’aux Îles, quand la pêche va, tout va.

Cette étude intitulée Contribution économique du secteur des pêches et de la mariculture aux Îles-de-la-Madeleine a été commandée au ministère des Pêches et des Océans dans le cadre des travaux de recherche sur une aire marine protégée. Rendue disponible sur internet, l’étude n’a pas reçu l’attention qu’elle mérite parce que ses auteurs, fonctionnaires fédéraux, n’ont vraisemblablement pas eu la permission de la commenter publiquement. Elle constitue pourtant le premier portrait exhaustif et la première démonstration quantifiée de l’importance de l’industrie des pêches pour l’archipel et le Québec.

Retombées directes et indirectes

Sur le plan monétaire, on y apprend que les dépenses d’exploitation de 81,2 M$ du secteur des pêches et de la mariculture génèrent des retombées directes, indirectes et induites de 63 M$. Cela fait bien sûr des pêches la colonne vertébrale économique de l’archipel, mais on l’oublie parfois, cela fait aussi des Îles un pilier du secteur des pêcheries au Québec. Faut-il le rappeler, notre région compte à elle seule pour 25% de la valeur des débarquements des pêches maritimes commerciales au Québec, dont près de 70% de la valeur des débarquements de homard. La valeur de la production maricole des îles représente 70% du total québécois, tandis que la valeur de la production des usines de transformation compte pour 19%. Cela fait de l’archipel un joueur de grande importance dans les pêches et la transformation et le principal producteur maricole au Québec.

Il est surtout intéressant de voir comment les retombées du secteur des pêches s’inscrivent dans l’ensemble économique de l’archipel madelinot. Par exemple, l’étude nous indique que pas moins de 30% de la population active œuvre dans le secteur des pêches et de la mariculture. En chiffres absolus, cela représente 476 emplois annuels, mais puisqu’il s’agit de travail saisonnier, on peut dire que plus de 2000 travailleurs tirent un revenu dans le secteur. Il faut ajouter à cela quelque 330 emplois (équivalent annuel) générés chez les fournisseurs et autres partenaires de l’industrie aux Îles ou ailleurs au Québec.

Une économie saisonnière

En plus de tracer un portrait exhaustif du secteur, flottille par flottille, espèce par espèce, l’étude du MPO situe les pêches et la mariculture dans le contexte économique insulaire. Ses auteurs rappellent au passage que la deuxième industrie en importance dans l’archipel, le tourisme, est également saisonnière, ce qui caractérise de façon tout à fait exceptionnelle notre communauté insulaire. Pas moins de 47% des emplois sont donc saisonniers, plus que partout dans le Québec maritime et deux fois et demie plus que la moyenne québécoise. On ne s’étonnera plus de constater que la réforme de l’assurance-emploi fait plus mal aux Îles que partout ailleurs au Québec. Autre donnée significative sur la précarité des revenus, on estime que la moitié des emplois dans les pêches et le tourisme sont à temps partiel, ce qui oblige les travailleurs à cumuler plusieurs emplois à temps partiel.

Il y a dans ces chiffres, comme dans l’ensemble de l’étude des données fort intéressantes pour élaborer une partie du plaidoyer visant à obtenir une considération particulière des gouvernements en matière économique. On parle depuis quelques années de la reconnaissance de l’insularité par le gouvernement du Québec. Plus qu’un slogan ou qu’une justification commode pour des mesures à la pièce, la reconnaissance de l’insularité doit reposer sur une solide démonstration au plan économique, social et culturel de ce que notre situation géographique comporte comme défis pour la communauté, mais aussi de ce que l’archipel représente comme richesse pour le Québec. Le secteur des pêches et de la mariculture peut à l’évidence constituer un élément clé de l’argumentaire en faveur d’un statut particulier pour les Îles.

La présence gouvernementale

D’ici là, il faudra au moins s’assurer de préserver la contribution gouvernementale actuelle en matière de gestion, de conservation, de protection et de recherche dans le secteur des pêches et de la mariculture. Selon l’étude, la présence aux Îles des ministères fédéral et provincial, de Merinov et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments constitue un apport annuel de 6 M$ à l’économie des Îles, sans compter les 5 M$ de retombées directes et indirectes pour un total de près de 60 emplois annuels. Si on ajoute à cela les investissements moyens de 2,9 M$ par année depuis 12 ans dans les ports pour petits bateaux, il est clair que la présence gouvernementale dans le secteur des pêches est cruciale pour l’économie des Îles.

Par extension, on peut aussi noter que l’absence de certains services gouvernementaux dans l’archipel, tous secteurs confondus, demeure déplorable tant sur le plan des services que sur le plan économique. Le contexte actuel de compressions budgétaires, de réduction de la taille de l’État et de centralisation, tant à Québec qu’à Ottawa, ne peut donc que nuire à l’économie des Îles et aux efforts de désaisonnalisation de l’économie. Malgré les préjugés tenaces qui clament que les régions coûtent cher au Québec, ces dernières obtiennent toujours, par personne, une part inférieure des dépenses gouvernementales consenties aux villes.

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