Il y a un an, l’équipe du premier ministre Philippe Couillard était portée au pouvoir avec le mandat de s’occuper des «vraies affaires». Obnubilé par l’atteinte du déficit zéro, le gouvernement libéral aura non seulement entrepris une profonde transformation du modèle Québécois, mais il aura en grande partie tourné le dos à son propre héritage politique.
Cela est particulièrement remarquable dans le rapport du gouvernement Couillard avec les régions du Québec. Il n’existe d’ailleurs plus l’ombre d’une politique de développement régional au sein du gouvernement alors que le régime d’austérité imposé de façon autoritaire et sans ménagement affecte davantage le Québec des régions.
Dès la constitution du nouveau cabinet ministériel, la surreprésentation des élus de Montréal et de ses banlieues a semé l’inquiétude. La décision du premier ministre d’ignorer le député des Îles pour nommer un élu du Bas-St-Laurent comme ministre responsable de la Gaspésie et des Îles n’avait pas de quoi nous rassurer.
Le pire était pourtant à venir. Sans consultation, sans études d’impacts et surtout sans en avoir soufflé mot pendant la campagne électorale, donc sans mandat légitime, le gouvernement a entrepris l’abolition des structures de gouvernance régionale en matière de santé, d’éducation et de développement. Le gouvernement autoproclamé de l’économie et de l’emploi a démantelé les structures de développement économique régional, entrainant des dizaines de pertes d’emplois en Gaspésie et aux Îles.
Le plus inquiétant dans l’approche gouvernementale actuelle, c’est qu’on navigue à vue, sans vision, avec pour seuls objectifs l’atteinte du déficit zéro et la baisse éventuelle des impôts. On a fait disparaître les Conférences régionales des élus et les CLD sans offrir de solution de rechange valable, abandonnant les élus locaux à eux-mêmes après leur avoir coupé les vivres. Une bonne partie des 300 M $ coupés aux municipalités ont été refilés aux citoyens d’une manière ou d’une autre, tandis que les leviers de relance économique sont à rebâtir, sans ressources.
Les impacts aux Îles
Aux Îles, c’est une dizaine emplois qui ont été perdus dans le démembrement des instances, sans compter les projets de création d’entreprises qui ont forcément été reportés ou abandonnés.
L’aide directe et indirecte aux organismes et les coupes dans les programmes constituent un manque à gagner de 2 à 3 M $ dans l’économie locale et dans diverses organisations tels la municipalité, Arrimage, Au Vieux Treuil, Rendez-vous Aventure, Escale Îles-de-la-Madeleine, le Bon goût frais des Îles, le Centre de recherche sur les milieux insulaires et maritimes, etc. De leur côté, la Commission scolaire et le Campus des Îles prévoient des coupes dans les services aux étudiants. Les pertes d’effectifs dans la fonction publique se reflèteront nécessairement dans la prestation de services en région. Le budget du Carrefour jeunesse emploi est amputé alors que sa mission sera bientôt restreinte à la clientèle d’Emploi Québec. Place aux jeunes et les Forums jeunesse, sans budget et sans nouvelles du gouvernement, craignent pour leur survie.
Dans le contexte actuel de dévitalisation, rien ne sera d’ailleurs plus dommageable pour un archipel comme le nôtre que la diminution des efforts pour favoriser le retour des jeunes, leur intégration au tissu social et leur rétention.
La baisse démographique constitue le talon d’Achille de nos régions et la lutte à l’exode notre plus grand défi. Si les statistiques nous ramènent à une situation très similaire à celle que nous avons connue en 1998, suite à la première réforme de l’assurance et au moratoire sur le poisson de fond, la sensibilité des gouvernements, elle, n’est plus du tout la même.
La mise en place d’un crédit d’impôt remboursable pour les entreprises en récréotourisme, inscrite dans le récent budget, représente le seul gain réel, significatif et possiblement structurant obtenu pour les Îles dans la dernière année.
À l’écoute des régions ?
La mise en place de la «nouvelle gouvernance régionale» a été l’occasion pour le gouvernement Couillard de se démarquer profondément des gouvernements précédents, toutes allégeances confondues. En imposant des mesures de façon directive et sans consulter les régions, en faisant la sourde oreille à leurs préoccupations et en ignorant une demande aussi simple que celle d’un dialogue Québec-régions, le gouvernement a fait son lit. Comme le gouvernement Harper n’a pas besoin du Québec pour gouverner, le gouvernement Couillard fait le calcul qu’il n’a plus besoin des régions pour conserver le pouvoir.
Le paternalisme et l’arrogance du régime Couillard dans sa prise de décision sont sans doute les traits les plus caractéristiques et les plus inquiétants de tous. Le gouvernement agit comme bon lui semble parce qu’il est majoritaire et qu’il sait ce qui est le mieux pour le Québec. En matière de développement régional, cela tranche notamment avec l’approche de la ministre Nathalie Normandeau qui avait renouvelé la Politique nationale de la ruralité en collaboration avec les partenaires municipaux et Solidarité rurale du Québec. Cela est également aux antipodes du travail de partenariat qui avait permis à l’ex-ministre des Affaires municipales et des régions d’établir des mesures spécifiques aux municipalités dévitalisées. On est à des années-lumière de la décision du premier ministre Bernard Landry de présider lui-même le comité de relance de la Gaspésie et des Îles, mais aussi de Jean Charest qui s’était enorgueilli de prendre lui-même en charge le dossier de la jeunesse.
La méthode Harper
Comme le gouvernement fédéral, le gouvernement agit seul et de façon précipitée depuis le début de son mandat, affirmant prendre des décisions courageuses dont les citoyens, dit-il, bénéficieront éventuellement. C’est ainsi qu’il a inscrit l’abolition des CRÉ et la modulation des tarifs de garderies dans la loi 28 sur les dispositions budgétaires, une technique qui s’apparente aux projets de loi mammouth que privilégie le fédéral. La liquidation express des CRÉ par le ministre des Affaires municipales Pierre Moreau, avant même l’adoption de la loi, pourrait lui valoir un constat d’outrage à l’Assemblée nationale. Cette loi pourrait d’ailleurs être adoptée dès cette semaine, sous le bâillon, comme l’a été la réforme contestée de la Santé par le ministre Barrette.
