Un X sur les générations Y et Z

Les décisions gouvernementales annoncées au cours de la dernière année ont maintes fois été décrites comme défavorables aux régions, aux femmes, aux plus démunis. L’abolition des Forums jeunesse, cette semaine, nous rappelle tristement que le gouvernement n’a guère plus d’égard pour les jeunes en faisant un X sur les générations Y et Z.

Mis en place il y a une quinzaine d’années, les Forums jeunesse avaient une mission de concertation auprès des jeunes de toutes les régions du Québec. Favorisant l’engagement des jeunes envers leur communauté et leur région, les Forums agissaient à titre d’instance-conseil pour le gouvernement et les organismes du milieu. Dotés d’un fonds d’investissement, les Forums étaient en mesure d’appuyer diverses initiatives issues du milieu comme la Stratégie d’établissement durable destinée à favoriser le retour et la rétention des jeunes dans la région.

Comme dirait l’ex-ministre Yves Bolduc, personne ne va mourir de cela… Or, en y pensant bien, quelque chose vient peut-être effectivement de mourir. Ce que le gouvernement risque de tuer, c’est l’espoir de milliers de jeunes de contribuer à bâtir monde meilleur au sein d’une instance de concertation où leur voix est entendue et écoutée. On risque de tuer leur volonté de s’impliquer et de faire la différence dans leur milieu. On ébranle la confiance en la relève. On écarte encore un peu plus les jeunes du débat public et, ce faisant, on les ignore. Autre avantage pour la communication politique gouvernementale, celui de contrôler le message.

Souhaitable, l’implication des jeunes ?

La mise en place des Forums jeunesse était une main tendue envers la relève, un effort pour susciter l’implication civique, politique et citoyenne des jeunes. Et cela a fonctionné, notamment dans la région Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine. Force est maintenant d’admettre que la décision gouvernementale lance au contraire un signal que l’implication des jeunes n’est plus souhaitable. Le point de vue des jeunes n‘est plus le bienvenu tandis que le dialogue intergénérationnel et la confiance envers la jeunesse en prennent pour leur rhume.

Il faut également noter que, contrairement aux autres décisions du gouvernement relatives aux «structures», le choix d’abolir les Forums jeunesse ne serait pas une mesure d’économie strictement comptable. Les fonds d’investissement devraient, semble-t-il, être transférés aux Carrefours jeunesse-emploi. Des organismes dont on d’apprête à modifier et à restreindre la mission pour les transformer en sous-traitants d’Emploi Québec. Ce faisant, le gouvernement exercera donc un contrôle beaucoup plus direct sur l’attribution des fonds.

Il fut un temps, pas si lointain, où les pouvoirs publics encourageaient le développement de politiques familiales, de politiques jeunesse, de politique régionale, etc. L’implication citoyenne, des groupes communautaires et des divers partenaires du milieu étaient dès lors une condition essentielle de succès. L’heure semble désormais au resserrement des dépenses, accompagné d’un resserrement du contrôle par l’appareil gouvernemental. Les élus locaux semblent maintenant les seuls interlocuteurs valables aux yeux du gouvernement, des interlocuteurs dont la dépendance envers les fonds publics confine bien souvent à une commode docilité.

Une tendance lourde

La tendance lourde observée depuis au fédéral depuis l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire, puis au Québec avec les grèves étudiantes de 2012, consiste à restreindre le pouvoir d’opposition, les instances consultatives et les espaces de liberté d’expression et d’implication citoyenne. Nier le droit de grève aux étudiants et restreindre leur droit de manifester contribue à la restriction de leur droit d’expression.

L’abolition des Forums jeunesse apparaît comme une nouvelle façon de museler la jeunesse. Des gouvernants qui possèdent la vérité n’ont bien sûr pas besoin de telles structures de concertation. Pour les mêmes rasions, le gouvernement a coupé les vivres sans préavis à son instance consultative en matière de ruralité, Solidarité rurale du Québec. Une médecine de cheval d’un gouvernement qui sait ce dont le bon peuple a besoin.

L’arrêt de mort des Forums jeunesse a d’ailleurs été décrété par le gouvernement Couillard avec la même insensibilité et la même intransigeance dont il a fait preuve envers les instances de concertation et de développement qu’étaient les CRÉ et les CLD. Il a aussi procédé de la même manière en laissant d’abord planer le doute, l’incertitude et les craintes auprès des membres de ces instances. Refusant le dialogue, rejetant l’idée de les consulter, évitant de faire le bilan de leurs actions, il a fini par confirmer la nouvelle sans proposer de solution de rechange crédible. Comme si rien de ce qui a été fait n’avait de valeur aux yeux du gouvernement, il tourne la page. Et la page suivante, vierge, reste à écrire sans grande inspiration, semble-t-il.

L’ami des jeunes

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, s’est décrit comme l’ami des jeunes plus tôt cette année, en affirmant que l’atteinte du déficit zéro leur bénéficierait. La valeur du dialogue avec ses amis ne semble pas la vertu prioritaire du ministre. Entretemps, les jeunes voient les Forums jeunesse disparaître, les Carrefours Jeunesse Emploi se transformer, Secondaire en spectacles menacé, Chapeau les filles aboli, les Petits débrouillards coupés puis sauvés in extremis, etc. On sait maintenant que les coupes dans les commissions scolaires et dans les cégeps se traduiront par une baisse dans le service aux élèves. Une étude publiée cette semaine démontre d’ailleurs que les cégeps des régions, comme celui de la Gaspésie et des Îles, sont plus durement touchés par les coupes en série du gouvernement.

Les jeunes aux Îles

Il y a peu d’endroits au Québec où la baisse démographique et l’exode des jeunes risquent aura des impacts plus dévastateurs que dans l’archipel. Les gains démographiques enregistrés au fil des années se sont évanouis depuis deux ans. Quelle place réserve-t-on aux jeunes de chez nous dans le discours public? Leur implication est-elle encouragée. Quel milieu de vie leur offre-t-on. Quelle place y a-t-il pour l’espoir, le rêve, l’énergie et la créativité de la jeunesse madelinienne ? Un ancien élu municipal avait l’habitude d’émettre un point de vue qui se voulait réaliste et pragmatique sur un dossier en disant «rêvons pas !». Or, d’importantes questions pour l’avenir des Îles devront bientôt être résolues. Et si le rêve des jeunes conduisait à une réalité meilleure pour tous ?

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