Hôtel de ville: construire sur des bases solides

La municipalité des Îles a lancé récemment un deuxième appel d’offres dans l’objectif de réaménager une bonne fois pour toutes l’hôtel de ville de Cap-aux-Meules. Cet investissement majeur pour le milieu repose néanmoins sur des bases instables, qui rendent le projet vulnérable à la contestation.

En effet, le premier appel d’offres, publié en février dernier, s’est soldé par un dépassement de coûts de 700,000 $ par rapport à la somme maximale de 2,94 millions $ prévue au règlement d’emprunt municipal. Il s’agit d’un écart appréciable de 23 % par rapport aux coûts estimés. Pour tenter de respecter son budget, la municipalité a donc coupé dans le projet, en modifiant les systèmes électriques, de protection incendie et de ventilation. Le problème c’est que, selon l’information ministérielle disponible à ce sujet, la municipalité n’a pas le droit d’agir ainsi en vertu de la Loi sur les cités et villes.

Règlement d’emprunt

Il faut savoir que pour espérer réaménager la mairie, le conseil municipal doit procéder par règlement d’emprunt. Celui-ci fixe le montant maximal des coûts du projet, précise l’objet du règlement et en décrit les grandes lignes. Ce règlement est alors soumis au registre, une procédure qui permet au contribuable de manifester son opposition. En novembre dernier, 240 personnes ont signé le registre alors qu’un total de 500 signatures aurait forcé la municipalité à tenir un référendum sur la question.

Or, en réduisant l’ampleur, la qualité ou la nature des travaux de réaménagement de la mairie, en réduisant les coûts pour un montant correspondant à 23 % de l’investissement, les élus devraient au préalable modifier le règlement d’emprunt initial et le soumettre à nouveau au registre public puisque l’objet du règlement est modifié. Le site internet du ministère des Affaires municipales offre à cet égard une description qui laisse peu de place à l’interprétation.

«Toute modification d’un règlement d’emprunt qui décrète un changement d’objet ou qui augmente la charge des contribuables doit être effectuée par un règlement assujetti aux mêmes approbations que le règlement initial. Exemples de cas qui exigent l’adoption d’un nouveau règlement : Changement de l’objet consistant dans l’ajout ou le retrait de travaux. Augmentation du terme de remboursement de l’emprunt. Augmentation de l’emprunt. Modification ou remplacement de la clause de taxation.»

Question de procédure

Le ministère des Affaires municipales ne veut offrir aucun élément d’interprétation complémentaire permettant soit de valider les décisions municipales, soit d’inviter les élus à refaire leurs devoirs. Même s’il subventionne le projet, le ministère ne validera la procédure d’approbation par les contribuables que sur le dépôt d’une plainte dûment formulée. Pour des questions de procédures, le projet de réaménagement de l’hôtel de ville s’érige donc sur une base plutôt instable.

Mais il n’y a pas que l’aspect procédural qui rende le projet vulnérable. Quelle conséquence aura sur les soumissionnaires le fait de reprendre un appel d’offres public avec un projet semblable au premier, dont les chiffres ont été analysés par l’administration et les élus municipaux et révélés dans les médias? De nouveaux joueurs peuvent-ils être avantagés par un second appel d’offres?

Et puis, sur le plan politique, le dossier de la mairie a toujours été épineux, depuis la fusion municipale de 2001. Pourra-t-on mettre un point final à ce chapitre de la vie municipale ou s’apprête-t-on à en écrire un nouveau?

Un projet nécessaire

Plusieurs raisons militent en faveur du réaménagement des espaces de la mairie. Le problème remonte à la fusion municipale de 2001. Des bureaux conçus pour une administration municipale de 8 employés en hébergent désormais plus d’une trentaine. Les aménagements sommaires effectués dans le sous-sol de la mairie n’ont pu empêcher les problèmes de ventilation, de moisissures, d’insonorisation et d’éclairage qui ont miné peu à peu le moral et la santé des fonctionnaires municipaux.

Il n’y a pas de doute que les employés de notre fonction publique municipale méritent des espaces de travail convenables, fonctionnels et salubres. Il s’agit d’une question élémentaire de responsabilité d’employeur et de respect, y compris par les contribuables qui bénéficient tous de près ou de loin des services municipaux.

L’opposition viscérale de certains contribuables à tout investissement destiné à améliorer les conditions de travail des employés municipaux est manifeste. La majorité des Madelinots reconnaitra toutefois qu’un environnement de travail adéquat et sain constitue un facteur clé pour une fonction publique efficiente et efficace.

Mais à quel prix?

Cela étant, un premier projet de réaménagement de la mairie d’un montant de 950,000$ a tout de même été contesté par plus d’un millier de personnes, lors de la tenue d’un registre en février 2013. La limite de la capacité de payer des contribuables, le contexte économique incertain et des aspects du projet perçus comme superflus, tel un monte-charge, avaient été invoqués par les opposants. Les contribuables ont ainsi bloqué un emprunt de 950,000$ pour un projet dont l’impact sur le compte de taxes était nul.

C’est ce rejet qui a mené à des travaux d’urgence de 330,000 $ au sous-sol de la mairie en novembre de la même année, des dépenses entièrement à la charge des contribuables et qui s’ajoutent au projet actuel. Un projet certes plus complet et ambitieux, mais aussi trois fois plus couteux, dont l’estimation est passée de 2,4 millions $ en septembre dernier, à 2,94 millions $ en novembre, puis à 3,7 millions $ suite au premier appel d’offres.

L’annonce des résultats du registre, en novembre dernier, a suscité un certain scepticisme alors que plusieurs contribuables disaient ne pas avoir été au fait de sa tenue. La convocation au registre n’a pas fait l’objet d’une publication dans l’Info-municipale, contrairement au projet précédent, mais dans l’hebdomadaire Le Radar. On peut supposer que la municipalité a simplement voulu gagner du temps.

On ne pourra reprocher aux élus de vouloir enfin régler ce dossier, mais il importe de le bâtir sur des assises solides, sans ambigüité quant à l’appui dont il jouit dans la population et en dissipant les doutes sur le cheminement pour y arriver. Il s’agit tout de même du plus important investissement municipal depuis la fusion de 2001, si on exclut les travaux routiers, et du symbole de ce qui doit unir les Madelinots.Capture d'écran 2015-05-22 06.48.59

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