Décrite par les élus comme un pas «historique» vers la reconnaissance de l’insularité, l’annonce par le ministre des Affaires municipales, la semaine dernière, d’un ajustement des taux d’aide pour les projets d’infrastructures aux Îles apparait aujourd’hui comme un coup de marketing politique plutôt navrant.
Moins de trois jours après une conférence de presse spectaculaire, où les véhicules lourds de la municipalité ont même été réquisitionnés pour la mise en scène, le ministre Moreau annonçait le rehaussement des taux d’aide pour 700 municipalités du Québec. Ce qui était au départ décrit comme une réponse légitime aux demandes des insulaires est, en réalité, un ajustement de deux programmes pour tout le Québec. Comment ne pas y voir, rétrospectivement, une forme de mauvais théâtre politique, une mascarade?
Politique-spectacle
Les nouvelles mesures, destinées aux petites et moyennes municipalités du Québec, ont été présentées comme une preuve de la sensibilité du gouvernement du Québec envers les régions. Il faut y voir une volonté manifeste du gouvernement de contrer la grogne des régions qu’il suscite depuis son élection en les dépouillant de leurs outils de développement. Que le ministre en profite pour inclure une clause spécifique aux Îles afin d’amoindrir l’impact des surcoûts de l’insularité apparaît équitable et cohérent. Nous aurions pu apprécier la nouvelle à son mérite et en juger.
Mais pourquoi donc ne pas l’avoir présenté ainsi? Pourquoi ne pas avoir présenté la mesure nationale, comme on le fait habituellement, pour ensuite décliner ses effets, région par région? Pourquoi tenter de faire croire aux Madelinots, l’espace d’un weekend, à l’exclusivité d’une mesure gouvernementale offerte à 700 municipalités? En d’autres mots, pourquoi ne pas nous avoir dit les choses telles qu’elles sont, pourquoi ne pas les avoir présentés dans leur contexte? Cela donne l’impression qu’on a voulu berner les médias et, conséquemment, les citoyens, en leur présentant la nouvelle comme les résultats d’une démarche de reconnaissance de l’insularité qui sera pourtant longue et complexe et qui ne fait que commencer. Comme si on avait voulu dissimuler le véritable contexte de cette annonce derrière les camions municipaux. Et que dire de l’impact d’une telle approche de marketing politique sur le degré de cynisme déjà élevé des citoyens?
Admettons-le, cette façon de faire manque de respect pour l’intelligence des Madelinots. Comme si on était si loin et si insulaires, justement, qu’on ne s’en rendrait pas compte en suivant l’actualité nationale de la semaine que ce moment «historique» n’en était pas vraiment un. À cet égard, l’enflure verbale de certaines déclarations devrait désormais agir comme une invitation à la prudence. Ces «moments historiques» et ces «grandes victoires» autoproclamés ne devraient-ils pas s’imposer d’eux-mêmes aux médias et à la population qu’ils puissent en juger par eux-mêmes? À vouloir «historiciser» à outrance les décisions de gouvernance régulières, ne risque-t-on pas de banaliser les véritables grands moments l’Histoire?
Des réponses
L’annonce de la modification globale des taux d’aide financière de deux programmes pour les municipalités du Québec aura eu le mérite d’apporter des réponses aux questions laissées en suspend lors de l’annonce faite dans l’archipel quelques jours plus tôt. Il paraissait en effet incompréhensible que le ministre apporte une réponse tout aussi immédiate que suspecte au dépôt d’un mémoire, déposé un mois plus tôt, réclamant la mise en place d’un chantier de réflexion sur l’insularité. Il paraissait également incongru que le ministre apporte une solution ciblée pour rehausser le financement de la mairie alors qu’il se disait impuissant à la faire, en septembre dernier, en l’absence d’un pouvoir discrétionnaire. Le devancement de l’annonce aux Îles explique peut-être aussi pourquoi le ministre a ouvert la porte au financement d’un projet d’aréna aux îles dans le cadre d’un programme normé (Programme de réfection et de construction d’infrastructures à vocation municipale ou communautaire) qui spécifie la non-admissibilité de ces installations récréatives.
Une fausse bonne nouvelle?
Si, malgré son caractère ciblé, l’annonce paraissait être au départ une bonne nouvelle pour les Îles, la vraie portée de ces mesures, aujourd’hui révélée, nous ramène pas très loin de la case départ. Comment une mesure destinée à combler l’écart entre les Îles et les autres peut-elle changer les choses si elle devient virtuellement accessible à tous?
Pour s’en convaincre, on n’a qu’à consulter la manchette des médias gaspésiens au lendemain de l’annonce : «Projets d’infrastructures relancés!» Le rehaussement du taux d’aide pour les 700 municipalités de moins de 6500 habitants et les municipalités moins riches va ainsi stimuler de façon importante la concurrence entre les municipalités pour les sommes disponibles, forcément insuffisantes. Dans ce contexte, il n’est pas dit que les projets madelinots seront plus justifiés et plus pressants qu’ailleurs, ou qu’une aide financière est plus nécessaire aux yeux des fonctionnaires chargés de les analyser. À preuve, le projet de réaménagement de la mairie avait obtenu un taux initial de financement maximal de 50% alors que le programme permettait déjà d’augmenter à 75% ce taux si la situation financière de la municipalité le justifiait, ce qui n’était visiblement pas le cas.
On dira aujourd’hui qu’un taux fixé statutairement à 85% pour les projets d’infrastructures et à 95% pour les réseaux d’aqueduc et d’eaux usées nous avantagera. Peut-être que oui, peut-être que non. Désormais, les fonctionnaires et les élus sauront d’entrée de jeu qu’il en coûtera passablement plus cher de financer un projet aux Îles qu’un ou deux autres projets ailleurs au Québec. Si nos dossiers devaient être objectivement moins solides, à la limite, cela pourrait même se retourner contre nous.