Stratégie maritime… et pétrolière

Avec le lancement imminent de sa Stratégie maritime, Québec confirmera l’implantation aux Îles d’un centre d’expertise dans la prévention et les interventions d’urgence en mer. Avec cette mesure, le gouvernement vise un double objectif : rassurer l’opinion publique quant aux risques liés à l’augmentation du trafic maritime dans le Saint-Laurent et dissiper les craintes voulant que les autorités soient incapables de faire face à un déversement pétrolier majeur. La Stratégie maritime du gouvernement converge ainsi magnifiquement avec la stratégie de développement de la filière des hydrocarbures.

L’objectif global de la Stratégie maritime consiste à favoriser la création d’emplois par l’augmentation du trafic sur la voie maritime du Saint-Laurent. On veut y voir davantage de navires et des navires de plus grandes dimensions. L’augmentation du transport maritime reposera principalement sur l’exportation des matières premières, dont au premier chef les produits pétroliers. En ce sens, l’inversion du Pipeline 9B d’Enbridge vers Montréal et le projet de pipeline Énergie Est de Transcanada visant à exporter le pétrole des sables bitumineux par le Saint-Laurent sont des projets objectivement positifs et porteurs pour le gouvernement.

Politique énergétique

Parallèlement, le gouvernement continue de préparer sa future politique énergétique et ne fait pas mystère de son préjugé favorable au développement la filière des hydrocarbures. La dernière «table d’experts» qui se réunira lundi ne compte d’ailleurs que de fervents défenseurs des énergies fossiles. Rappelons que l’apport citoyen à ce processus de consultation est minimal, fermé au dialogue et circonscrit au web. Cela tranche avec le processus de consultation tenu en 2013 par le gouvernement précédent, qui a siégé partout au Québec, y compris aux Îles, et dont le rapport a été tabletté suite à l’élection d’avril 2014. Entretemps, l’exploration pétrolière à Anticosti et en Gaspésie va bon train, tandis que les négociations avec le fédéral sont toujours en cours pour l’adoption prochaine des lois miroirs qui dicteront le cadre d’exploration et d’exploitation du pétrole dans le Saint-Laurent.

Deux arguments majeurs ponctuent le discours des opposants à l’exploitation pétrolière en mer: le manque de connaissances de l’écosystème du golfe et la capacité d’intervention inadéquate en cas de marée noire. C’est ce dernier argument que Québec veut neutraliser grâce à la mise en place d’un centre d’expertise dans la prévention et les interventions d’urgence en mer.

Impact aux Îles

On peut bien sûr se réjouir de ce que le gouvernement s’engage à investir 3,4 millions $ sur 5 ans dans l’archipel. La vulnérabilité environnementale des Îles, l’importance de l’industrie des pêches et du tourisme qui en dépendent et le positionnement géostratégique de l’archipel militaient en faveur du choix de l’archipel pour un tel projet. Le développement d’une expertise locale en matière de prévention et d’intervention sera bienvenu.

La municipalité des Îles avait réclamé une telle mesure suite au déversement pétrolier provoqué par Hydro-Québec au port de Cap-aux-Meules en septembre dernier. Il est particulièrement ironique que ce soit un déversement d’origine terrestre, un bris de pipeline, qui ait servi à justifier l’implantation d’un centre d’intervention d’urgence en mer. Au point où l’enjeu du centre d’expertise a presque complètement éclipsé la responsabilité d’Hydro-Québec dans la catastrophe environnementale dont on ne connaît toujours pas la cause. Si le déversement d’Hydro-Québec a servi de prétexte, l’argumentaire municipal à l’appui de la demande pour l’implantation d’un centre d’expertise dans l’archipel reposait tout de même sur des lacunes réelles identifiées dans différents rapports d’experts en matière de prévention, d’organisation et de capacité d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures et s’adressant aux autorités… fédérales.

On ne sait pas encore combien d’emplois seront créés aux Îles suite à la mise en place d’un centre d’expertise dans la prévention et les interventions d’urgence en mer, l’importance des équipements d’intervention dont le centre sera doté et comment la gestion et le financement récurrent du centre seront assurés. Pour mieux comprendre les intentions de Québec, il sera surtout intéressant de voir le rôle et la mission que le gouvernement voudra donner au centre d’expertise dans un domaine d’intervention qui est de juridiction fédérale et dont les opérations sont financées par les armateurs.DSCF3024

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