Stratégie maritime du Québec: Une déclaration d‘intentions

La Stratégie Maritime du gouvernement, annoncée en grande pompe il y a quelques semaines, relève davantage dans sa forme actuelle d’une stratégie politique et promotionnelle que d’une véritable stratégie économique. Il s’agit d’une sorte de déclaration d’intentions qui, pour l’heure, n’a pas les moyens de ses ambitions. Cela étant, les Madelinots peuvent néanmoins se réjouir de ce que la résolution des enjeux liés à l’insularité figure dans les plans du gouvernement.
Le premier de ces moyens qui font défaut à la Stratégie Maritime du Québec (SMQ), et il est de taille, est l’absence remarquée du partenaire fédéral dans le plan d’action. Faut-il rappeler que la voie maritime du Saint-Laurent est de compétence fédérale, tout comme les politiques et la sécurité maritimes, de même que la gestion de la majorité des ports du Saint-Laurent? Le développement d’une aire protégée autour des îles nécessitera aussi l’accord du fédéral, tout comme la mise en valeur des hydrocarbures et les interventions d’urgence en mer. Il faudra donc prévoir de longues discussions et de multiples ententes avec le gouvernement fédéral avant que Québec ne puisse déployer pleinement sa stratégie.
Gros chiffres, petits budgets
Le deuxième aspect de hautement incertain du projet gouvernemental tient à son maigre financement. Certains commentateurs ont parlé de «show de boucane». Austérité oblige, le gouvernement injecte en effet bien peu de nouveaux fonds dans l’opération. Derrière l’impressionnant montant de 1,5 milliard $ d’investissements annoncés pour les 5 premières années, ce n’est que 170 millions $ d’argent neuf qui seront investis dans la première phase du projet, dont 14 millions $ cette année. Le reste correspond pour l’essentiel aux dépenses de programmes maintenues et regroupées sous le parapluie de la SMQ.
La projection de retombées sur 15 ans, hautement aléatoire en raison du contexte politique et économique impossible à prévoir sur une si longue période, fait pour sa part état d’investissements de 9 milliards $, dont près de la moitié proviendrait de l’entreprise privée. On voudrait bien le croire, mais il ne s’agit pour l’instant que d’un signal que veut lancer le gouvernement à ses partenaires publics et privés. On jugera l’arbre à ses fruits. En ce sens, l’annonce de la création de 30 000 emplois sur 15 ans, bien que souhaitable, est à la fois optimiste et hors du contrôle du gouvernement. Il faudrait pour cela doubler le nombre d’emplois que génèrent actuellement les secteurs du transport maritime et les pêches maritimes combinés.
Les grands centres au cœur de la stratégie
Inscrite à la hâte au programme électoral du Parti libéral du Québec, la Stratégie maritime du Québec s’inspirait nettement du Projet Saint-Laurent de la Coalition Avenir Québec. C’est aussi le cas pour plusieurs des mesures d’austérité touchant l’éducation, la santé, la fonction publique et les régions qui, elles, n’avaient pas été annoncées en campagne électorale, mais c’est une autre histoire. La Stratégie se décline donc en trois orientations, soit le développement de l’économie maritime, la protection du territoire et l’amélioration de la qualité de vie des citoyens.
Le volet économique compte 10 axes qui touchent au transport maritime, au développement de zones industrialo-portuaires, au tourisme, à la recherche, aux pêches et à la mariculture. La part du lion des investissements prévus se concentrera entre Montréal, Québec et Contrecoeur. Le budget consenti à ce premier volet représente 92 % des sommes totales inscrites au cadre financier de la Stratégie maritime, tandis que 80 % ces fonds sont affectés au développement industriel.
La protection des écosystèmes, la gestion des risques de déversements et la lutte aux changements climatiques sont les trois axes retenus au volet environnemental de la Stratégie maritime. Cette orientation, qui ne draine que 2,5 % des investissements anticipés, cherche surtout à rassurer la population sur les risques que comporte l’accroissement du transport maritime sur le Saint-Laurent. L’absence du ministre de l’Environnement parmi les nombreux dignitaires présents lors de l’annonce a ici valeur de symbole.
Quant à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, la plupart des cinq axes retenus sont à la fois louables sur les objectifs et vagues sur les moyens, comme la rétention des jeunes en régions, l’acceptabilité sociale et le désenclavement des communautés.
Et pour les Îles?
S’il est clair que les grands centres seront les premiers bénéficiaires des investissements liés à la Stratégie maritime du Québec, certains enjeux propres aux Îles-de-la-Madeleine y ont heureusement été inscrits. On peut notamment se réjouir de la volonté réaffirmée par le gouvernement d’examiner comment prendre en compte adéquatement le caractère unique des Îles dans ses actions, l’offre de services publics et sa désignation officielle. De même, l’intention gouvernementale de poursuivre le travail et la concertation sur le projet d’aire marine protégée est un signal positif. Les fonds affectés à la lutte à l’érosion sont certes moindres que ceux disponibles entre 2005 et 2011, et largement insuffisants, mais ils témoignent d’une préoccupation toujours présente des autorités gouvernementales. Par ailleurs, il faudra voir ce que signifie l’intérêt manifesté par des promoteurs privés pour la conversion de la centrale thermique d’Hydro-Québec du mazout lourd au gaz naturel liquéfié, confirmé par le ministre Jean D’Amour.
Sur le plan économique, des projets touristiques locaux pourraient aussi obtenir un soutien gouvernemental. À cet égard, la mise en place d’un mécanisme de concertation locale sur les priorités réelles du milieu de même qu’une clarification des critères d’octroi des fonds favoriseraient de meilleures retombées locales. Quant à la création éventuelle d’un centre spécialisé dans la prévention, la préparation et les interventions d’urgence en mer, le flou entourant son rôle, sa mission, sa juridiction, son financement récurrent et sa structure même ne permettent pas de juger de son impact réel.DSCF3011

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