Déclenchée dimanche dernier, la campagne électorale fédérale sera la plus longue et la plus coûteuse de l’histoire du pays. Alors que les différents partis, leurs chefs et les candidats locaux affinent leur stratégie et leur plan de campagne respectif afin d’attirer l’attention et la faveur des électeurs, voyons les principaux enjeux d’importance pour l’archipel.
La présence, ou le retrait, du gouvernement fédéral dans ses propres domaines de compétence se pose incontestablement comme l’enjeu fondamental de l’heure pour une région comme les Îles-de-la-Madeleine. Il est d’ailleurs fascinant de constater à quel point le fédéral cherche constamment à se retirer de ses champs de compétences constitutionnels, à réduire sa capacité d’intervention et son rôle, souvent pour mieux empiéter dans les juridictions provinciales. Étrange pays que le nôtre… On pense bien-sûr ici à l’intention gouvernementale de céder le port de Cap-aux-Meules et l’aéroport de Havre-aux-Maisons aux instances locales. Cela figurait à l’agenda de libéraux de Jean Chrétien dès 1995, mais le gouvernement Harper a relancé le dossier récemment avec un zèle plus grand encore. S’ils entendent poursuivre dans cette voie, les partis politiques ont la responsabilité de démontrer par quels moyens le milieu pourrait, de façon réaliste, supporter de telles infrastructures. Dans le cas contraire, ils devront prendre des engagements clairs et garantir le maintien de la gestion et des investissements fédéraux. Puisque c’est aussi le rôle de Transport Canada, l’allongement de la piste de l’aéroport, le financement à long terme du service de traversier de même que son remplacement prochain devraient également faire partie des engagements de tout candidat sérieux aux prochaines élections.
Ports, pêches et océans
Le secteur des pêches est un autre secteur où le fédéral intervient à reculons. Le processus de désaisissement des ports pour petits bateaux, entamé il y a 20 ans, de même que le sous-financement chronique dans l’entretien et l’amélioration de ces infrastructures vitales pour l’industrie des pêches ont sont la parfaite illustration. Il faut à tout prix éviter que les petits ports de pêche ne subissent le même sort que les phares abandonnés à leur sort pendant des années, cédés ou démolis.
Même si la campagne durera 11 longues semaines, on peut d’ores et déjà parier que la gestion des pêches et l’accès à la ressource ne feront pas la une des journaux nationaux. Pourtant, d’importants décisions doivent être prises en ces matières. Par exemple, le retour de la morue et du sébaste, observé par les pêcheurs, devra un jour où l’autre permettre la relance graduelle de la pêche commerciale et la création d’emploi dans la transformation. Rappelons-nous l’épisode de l’Ocean Breaker, un navire usine surpris à pêcher le sébaste dans le golfe St-Laurent l’été dernier avec la bénédiction secrète de la ministre. Quelle est donc la vision des partis politiques à cet égard? Il faudrait aussi s’assurer du maintien du régime du pêcheur-propriétaire et obtenir la confirmation que le projet de «modernisation des pêches» n’était qu’une mauvaise idée des Conservateurs et qu’elle a été reléguée pour de bon aux calendes grecques.
Pour l’industrie des pêches de l’archipel, et l’économie locale, il est par ailleurs urgent que le fédéral se prononce enfin sur la gestion du phoque gris, grand prédateur de la ressource, et appuie de façon plus importante et soutenue l’industrie du loup-marin et le développement de marchés.
Économie et assurance-emploi
L’économie sera certainement l’un des thèmes dominants du discours politique de la prochaine campagne. Sur le plan régional, le rôle de Développement économique Canada, les programmes d’infrastructures et l’avenir du programme d’assurance-emploi sont d’importantes préoccupations. Même si la Table de l’assurance emploi a été abandonnée à son sort depuis un an par les instances locales et le dossier mis en veilleuse, les impacts de la réforme de l’assurance-emploi ont fait mal à notre économie saisonnière, appauvri les familles et accentué le déclin démographique. Un récent rapport propose des réformes encore plus dommageables pour notre région. Les partis politiques doivent dire clairement, en campagne, ce qu’ils entendent faire pour adapter ce programme aux réalités régionales.
En matière de développement régional, de sérieuse question se posent sur le rôle de Développement économique Canada (DEC). D’importants projets de revitalisation économique aux Îles ont échoué ces dernières années en raison du refus obstiné, ou de modification de critères d’admissibilité des projets, par l’agence fédérale. Des millions de dollars ont ainsi été retournés à Ottawa plutôt que d’être investis en développement chez-nous. Une modulation de programme est ici plus que nécessaire. Il en va de même pour les investissements fédéraux en matière d’infrastructures régionale et municipales. Le fédéral sera-t-il un partenaire dans l’épineux dossier des arénas ?
Hydrocarbures et environnement
Le développement pétrolier et l’environnement sont deux des rares enjeux électoraux où l’intérêt national rejoint celui des régions. La production des gaz à effet de serre de notre économie pétrodépendante est par exemple indissociable de l’impact observable des changements climatiques sur le terrain. Outre le dossier des pipelines, qui retient l’attention des médias nationaux, il faut savoir si tous les partis politiques fédéraux appuient le projet de loi miroir déposé récemment au Parlement, pavant la voie à l’exploitation pétrolière dans le Saint-Laurent. Les pêcheurs et industriels de l’est du Canada réclament au préalable des garanties et une commission d’examen interprovinciale, déjà rejetée par les Conservateurs. Ces derniers ont aussi considérablement allégé les contrôles environnementaux ministériels. Comment les autres partis se positionneront-ils ?
D’autres dossiers ne manqueront pas d’être soulevés d’ici l’élection du 19 octobre. Notons par exemple le projet d’aire marine protégée autour des Îles, qui fait du surplace, l’effritement de l’expertise scientifique au sein de l’appareil fédéral et le musèlement des fonctionnaires, les services de la Garde-côtière, les coupes à Radio-Canada qui touche particulièrement les régions, la réduction des services à Postes Canada, et j’en passe. Chose certaine, ce n’est ni le temps, ni les enjeux qui manqueront à cette campagne.