Le dossier des arénas franchira une étape déterminante le 15 novembre prochain, lors d’un référendum annoncé la semaine dernière en séance municipale. La formule retenue d’une consultation à choix multiples représente néanmoins un pari risqué de la part des élus, une approche qui, plutôt que de mener à un dénouement, pourrait tout aussi bien aggraver l’impasse qui persiste depuis 15 ans.
Ce n’est un secret pour personne, l’avenir des arénas divise la population tout autant que les élus municipaux depuis nombre d’années. À cet égard, il faut d’abord remarquer que les élus du conseil municipal n’ont toujours pas pris position sur le dossier, contrairement à ce qui avait été anticipé et annoncé par le maire à l’hiver. Il était alors prévu que les élus voteraient pour l’une ou l’autre des options possibles et enclencheraient les démarches pour mieux définir et financer le projet, ce qui inclurait l’ouverture d’un registre et la tenue possible d’un référendum.
L’avantage de ce scénario aurait été de voir nos décideurs prendre le leadership d’un dossier qui divise la population pour travailler ensemble solidairement, arguments à l’appui, à convaincre les sceptiques et des opposants. Le vote des élus, en séance publique, aurait certes pu révéler des dissensions, mais les règles de gouvernance auraient exigé un ralliement à la position majoritaire du conseil.
Profondes divisions
L’orientation actuelle du conseil municipal consisterait plutôt à soumettre d’abord au vote des citoyens trois des scénarios envisageables quant à l’avenir des arénas. Le premier prévoit la construction d’un tout nouvel aréna de deux glaces à la fine pointe de la technologie. Le second implique la rénovation complète des deux arénas, tandis que le troisième scénario propose la rénovation partielle des deux arénas.
Cette approche traduit la profonde division qui continue de régner chez les élus, cette incapacité à s’entendre sur un projet qu’ils verraient comme le meilleur pour l’archipel. Ainsi, sous le couvert d’un exercice de consultation populaire et démocratique, les élus masquent tant bien que mal l’absence de consensus sur cet enjeu devenu le symbole d’une appartenance locale passéiste et improductive pour les uns, et le syndrome de la folie des grandeurs pour les autres.
La réalisation d’une consultation référendaire selon les règles applicables aux municipalités coûte, au bas mot, 50,000 $. On dira bien sûr que la démocratie n’a pas de prix. Or, cette option ne doit pas servir d’écran à l’indécision des décideurs. Il serait pour le moins cocasse de voir les représentants du peuple demander aux citoyens de prendre position sur un enjeu tout de même assez complexe, sans qu’ils se prononcent d’abord publiquement, de façon formelle ou informelle.
L’avenir des arénas est à la fois une question affective et financière, un enjeu pour lequel le choix de l’un ou l’autre des scénarios traduit avant tout une interprétation du contrat social des citoyens de la communauté et une vision d’avenir. Il est donc tout à fait légitime de réclamer des élus qu’ils partagent ouvertement leur vision avec leurs commettants. En d’autres mots, ils devront tôt ou tard choisir leur camp.
Statu quo intenable
Qu’importe le scénario privilégié, les participants aux consultations sur les arénas de l’hiver dernier conviennent que le statu quo n’est plus possible. Les opposants au projet de nouvelle construction mettent en doute les chiffres et la nécessité du projet en raison de la démographie. Ils craignent la perte du sentiment d’appartenance des villages, leur vitalité, la chute du bénévolat et la capacité de la municipalité à entretenir adéquatement. Ils invoquent les autres responsabilités et priorités municipales.
Au contraire, les partisans de l’aréna deux glaces s’appuient sur les études, privilégient la raison sur le cœur, invoquent la nécessaire synergie avec le milieu scolaire, prône le développement multi-sport et voient dans de nouvelles infrastructures un facteur important de développement et d’attractivité du milieu.
Au-delà de l’opinion, les études l’ont confirmé les unes après les autres depuis 2006 : un projet de rénovation sérieux des deux arénas coûtera toujours plus cher qu’une construction neuve. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le conseil municipal avait opté pour la fermeture de l’aréna de Cap-aux-Meules en 2006, dans la perspective de construction d’un nouveau complexe à deux glaces. Des manœuvres dilatoires et des alliances politiques ont alors fait dérailler le processus en 2009, alors que les programmes de financement gouvernementaux provincial et fédéral étaient disponibles et généreux. Avec pour résultat que des villes comparables à notre communauté, telles Sainte-Marie de Beauce et Lac Mégantic, se sont doté de centres sportifs modernes, fonctionnels et adaptés à leurs besoins en obtenant des subventions fédérales-provinciales de 17 à 23 millions de dollars.
Sondage et consultation
Un sondage mené par la municipalité à l’été 2012 avait déjà révélé la division des citoyens sur les diverses options relatives à l’avenir des arénas. Ainsi, 51% des répondants optaient pour le scénario d’un aréna à deux glaces, tandis que 30% privilégiaient leur rénovation et 18% la rénovation d’un seul des deux arénas. À moins que l’opinion publique ait considérablement évolué depuis, la tenue d’un référendum à propositions multiples comporte donc le risque d’un résultat similaire. Dans le pire des cas, les trois options récolteraient sensiblement les mêmes pourcentages, ce qui créerait une impasse. Une autre hypothèse peu reluisante serait qu’un fort pourcentage de citoyens, voire une majorité d’entre eux, refusent tout investissement dans les arénas.
Une option qui récolterait plus de 50% des voix sera bien sûr majoritaire et incontestable. Sera-t-elle suffisante pour convaincre les gouvernements de contribuer au projet ? Rien n’est moins sûr. Pour obtenir du financement public, un consensus fort des élus et de la population doit émerger. Aucun politicien, aucun gouvernement supérieur ne voudra offrir d’importantes subventions à une communauté en sachant que la moitié des citoyens ne veulent pas du projet proposé. La liste des villes et municipalités en attente de fonds gouvernementaux pour des projets d’infrastructures est suffisamment imposante pour que les gouvernements choisissent les projets qui rapporteront davantage, politiquement.
Il faudra donc impérativement qu’une majorité nette de citoyens se prononcent en faveur du même scénario pour favoriser l’obtention de fonds gouvernementaux sans lesquels rien n’est possible. Les dés sont jetés.
