Pétrole dans le Golfe: Fin de non-recevoir

Les membres de l’industrie de la pêche des Maritimes ont fait preuve d’une rare unanimité, le 21 juillet dernier, réclamant du gouvernement fédéral la suspension de tout développement pétrolier tant qu’il n’aura pas été démontré scientifiquement qu’il est sans risque pour l’environnement et les pêcheries. La fin de non-recevoir servie par Ottawa, un mois plus tard, est classique du gouvernement Harper et sans appel. Elle a toutefois le mérite de situer clairement, en plein coeur de la campagne électorale, un enjeu politique majeur pour les communautés côtières du golfe Saint-Laurent.
Le front commun de l’industrie regroupe une vingtaine d’organisations représentant 15 000 pêcheurs, 5000 entreprises de pêche et une centaine d’usines de transformation du Québec – dont les Îles, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard. L’activité économique qu’ils génèrent avoisine les 2 milliards $ par année. La coalition réclame essentiellement la mise en œuvre d’une commission d’examen par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale permettant d’étudier les impacts à venir de forages pétroliers sur les pêches dans l’ensemble du Golfe. Ils rejoignent en cela la position des nations autochtones innue, micmaques et malécites qui ont réclamé, plus tôt en juillet, un moratoire de 12 ans sur les activités pétrolières dans le Golfe.
Un 2e refus
Ces différents appels à la prudence, à la transparence et la consultation publique reprennent le discours porté par la municipalité des Îles et ses partenaires locaux dès 2010 et reflètent le consensus en faveur d’une approche intégrée du Saint-Laurent obtenu lors du Forum interprovincial sur les hydrocarbures tenu dans l’archipel en avril 2011. Puisque les espèces marines et les courants du golfe n’ont que faire des frontières interprovinciales, les impacts des forages pétroliers doivent être anticipés dans une approche globale.
Une première demande pour une commission d’examen avait été rejetée en 2011 par les conservateurs malgré un article de la loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) qui prévoyait spécifiquement sa mise en oeuvre en réponse aux préoccupations du public. Le gouvernement Harper s’est ensuite appliqué à modifier la LCEE en 2012 afin d’en réduire les exigences pour les promoteurs et privilégier l’approche sectorielle, province par province. C’est d’ailleurs avec ce prétexte de course contre la montre factice avec Terre-Neuve que le gouvernement du Québec a déposé son projet de loi-miroir en fin de session parlementaire afin d’encadrer le développement pétrolier dans les eaux territoriales québécoises.
Entretemps, une récente étude sur le potentiel en hydrocarbures dans le Golfe tend à démontrer que le volume d’hydrocarbures de la formation géologique Old Harry est hautement spéculatif et qu’il a été largement exagéré par les promoteurs et les politiciens… Il est par ailleurs de plus en plus évident que le détenteur des droits d’exploration, Corridor Ressources, n’a ni les moyens ni les partenaires financiers pour entreprendre les forages. Ce dossier reviendra à l’ordre du jour provincial dès la rentrée parlementaire.
Prendre position
La présente campagne électorale fédérale devrait néanmoins donner l’occasion à chacun des partis d’exprimer clairement sa position quant au développement pétrolier dans le Saint-Laurent. Il appartient aux citoyens et aux organisations du domaine municipal, des pêches, du tourisme, des affaires et de l’environnement de l’exiger. La question est simple: pour ou contre une commission d’examen pour l’ensemble du golfe? La réponse par la négative du parti conservateur, quoi qu’on en pense, est claire, cohérente avec sa philosophie et sans nuance. Le NPD, meneur actuel dans les sondages, aurait pour sa part avantage à préciser sa pensée. Plusieurs membres du caucus des Maritimes sont ouvertement favorables au développement pétrolier, ce qui pourrait expliquer la timidité des candidats du parti à commenter le rejet de la demande de l’industrie des pêches et des nations autochtones. De leur côté, s’ils aspirent à exercer le pouvoir, les libéraux devront aller au-delà de l’appel vertueux au concept de l’acceptabilité sociale. Quant au Bloc québécois, il sera intéressant de voir s’il penchera du côté du gouvernement propétrole à Québec, ou de l’industrie des pêches québécoises.DSCF3265

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