Un mois après le déclenchement du référendum sur le sort des arénas, bien peu de gens comprennent dans quel genre de processus la municipalité s’est engagée. Un bien drôle de référendum que celui où se posent deux questions sans que deux camps ne défendent l’une ou l’autre des options. Un référendum sans campagne, convoqué par des leaders politiques indécis et absents du débat public et la quasi-certitude que ce référendum en entrainera un deuxième.
Le conseil municipal dit vouloir prendre le pouls de la population avant de prendre position. Politiquement, il va de soi qu’il devra retenir l’option privilégiée par la majorité même si, sur le plan légal, rien ne l’oblige à accepter le verdict populaire. Ce n’est évidemment pas l’approche à laquelle s’attendent les citoyens conviés aux urnes puisqu’autrement, un simple sondage, moins contraignant et beaucoup moins couteux, suffirait.
Un référendum décisionnel?
L’aspect consultatif du référendum a d’ailleurs donné lieu à un questionnement de la part de certains citoyens. Comparant le Québec à la Suisse, on aurait souhaité un référendum «décisionnel» et contraignant quant à la suite du projet. Bien que séduisante, cette idée de démocratie directe est tout simplement inapplicable dans notre système politique municipal. Ce dernier repose en effet sur le principe de la démocratie représentative où les élus municipaux prennent toutes les décisions au nom des citoyens qu’ils représentent, en respect de la Loi sur les cités et villes ou du Code municipal. Il n’existe aucune procédure légale par laquelle les citoyens pourraient contraindre les élus à choisir une option plutôt qu’une autre, aucun processus au moyen duquel les citoyens pourraient collectivement imposer une décision à leurs élus et à l’administration publique.
La Loi sur les élections et référendums dans les municipalités prescrit cependant que les élus doivent obtenir l’assentiment des contribuables par référendum avant de contracter des emprunts et adopter certaines résolutions, ordonnances ou règlements. La loi stipule également, à l’article 517, que «le conseil d’une municipalité peut soumettre une question qui est de la compétence de celle-ci à l’ensemble des personnes habiles à voter (…)». C’est la procédure qu’aurait choisie le conseil municipal. L’emploi du conditionnel est ici de rigueur, car, bien que le référendum consultatif semble s’inscrire dans le cadre de cette loi, certaines des dispositions légales n’apparaissent pas avoir été suivies par la municipalité.
Oui ou non?
C’est qu’en vertu de la loi, « la question doit être formulée de façon à appeler une réponse par « oui » ou « non » et commencer par les mots «Approuvez-vous» (article 575, Loi sur les élections et référendums dans les municipalités). Ce n’est évidemment pas le cas avec la question actuelle, à doubles volets, qui demande «Parmi les deux options suivantes, quelle option privilégiez-vous pour l’avenir des arénas aux Îles-de-la-Madeleine? Construction neuve d’un complexe multisport 2 glaces (situé à proximité de l’école Polyvalente) ou rénovation majeure des arénas actuels.
Dans le contexte québécois, ce ne serait pas le premier référendum où la question pose problème… Or, l’enjeu ici n’est pas la clarté de la question, mais plutôt le choix qu’on offre aux citoyens. Si la loi sur les élections et référendums dans les municipalités exige une question qui puisse se répondre par un oui ou par un non, c’est que le législateur a voulu accorder au citoyen un droit de refus, le pouvoir de dire non. Entre deux élections, c’est d’ailleurs son seul pouvoir, soit celui d’envoyer les élus refaire leurs devoirs. Il y a fort à parier que certains contribuables jugent qu’aucune des deux options proposées ne soit la meilleure. Le bulletin de vote leur permettra-t-il de dire non à chacune des deux options?
À la prochaine fois?
Cela dit, tous conviennent que le statu quo est intenable dans l’état actuel où se retrouvent nos infrastructures sportives et une vaste majorité de citoyens ne souhaite rien d’autre que de régler ce dossier et de passer à autre chose. Après 20 ans d’attente, d’études et de tergiversations, une décision claire du conseil municipal, tel qu’initialement annoncé, aurait certes facilité les choses. Sans compter que les élus sont ceux qui, avec les fonctionnaires, connaissent le mieux le dossier.
Cela nous amène à la non-campagne actuelle et aux conclusions que nous pourrons en tirer si aucun débat public n’a réellement lieu. À partir de quel résultat pourra-t-on conclure à mandat fort accordé à la municipalité pour défendre politiquement une option auprès des instances gouvernementales dont le soutien est essentiel, peu importe l’avenue retenue?
Il paraît évident que les discussions sont déjà entamées dans les vestiaires d’arénas et dans les chaumières. Il serait pour le moins surprenant que les élus ne soient pas interpelés au quotidien sur ce dossier, voire même discrètement actifs sur le terrain pour mousser l’une ou l’autre des options. Est-ce de ce type de débat dont nous avons besoin pour prendre collectivement une décision éclairée? Les rencontres d’information sont déjà loin derrière nous. Des informations sont accessibles sur internet, mais est-ce bien suffisant? Peut-on raisonnablement espérer que des voix s’élèvent pour articuler un argumentaire cohérent et complet, pour débattre, défendre, influencer et convaincre? Il nous reste un mois.
Ce référendum consultatif, quoi qu’il advienne, sera suivi d’une décision en conseil. Qu’importe le projet retenu, la municipalité devra tôt ou tard contracter un emprunt. Il est probable que les «perdants» du présent référendum réclameront de se prononcer par référendum sur le montant, encore inconnu, que la municipalité empruntera en leur nom. C’est ainsi que les tenants de l’option minoritaire le 15 novembre pourront sans doute se dire à la prochaine fois…