Une autre vague

À l’instar de nos voisins des Maritimes et de l’Est-du-Québec, et d’une vaste majorité de Canadiens, les Madelinots ont choisi de surfer sur la vague libérale de Justin Trudeau à l’élection de lundi. S’ils ont opté pour le pouvoir, les électeurs de l’archipel ont surtout voté pour le parti le plus susceptible de mettre un terme au règne de Stephen Harper, pour le chef qui a su le mieux incarner le changement de régime, de ton et d’approche à Ottawa.
À cet égard, il faut reconnaitre que le parti Libéral et son jeune chef ont mené une campagne de séduction efficace, adoptant un discours d’ouverture, généreux et rassembleur, une approche qui marque un changement draconien avec l’approche clientéliste, partisane et manichéenne de Harper. Des milliers de Québécois et des centaines de Madelinots ont donc mis de côté leurs doléances envers le PLC, notamment quant au rapatriement unilatéral de la constitution, à la loi sur la clarté et au scandale des commandites, en optant pour le vote stratégique. Peu d’entre eux auraient pu soupçonner qu’ils pavaient ainsi la voie à un gouvernement majoritaire.
Vagues et sondages
C’est que tous les sondeurs et les prévisionnistes annonçaient de façon unanime l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire. On parle souvent d’une prime à l’urne pour certains partis dont les appuis sont sous-estimés dans les sondages, car leurs partisans restent discrets. On devrait toutefois prêter davantage d’attention à l’effet «bandwagon» par lequel les sondages influencent et forment l’opinion de l’électorat indécis et de moins en moins politisé. Le phénomène s’observe tant au fédéral qu’aux paliers provincial et municipal, ce qu’ont déjà bien compris certains stratèges… Au terme de cette campagne fédérale, des firmes d’analyse du contenu des médias affirment d’ailleurs que les résultats anticipés du scrutin ont pris largement plus d’espace dans la presse que la plateforme des partis ou les enjeux électoraux eux-mêmes. Quant aux enjeux régionaux, on n’en parle même pas tant la campagne des chefs occupe toute la place.
Il apparait de plus en plus clairement qu’en indiquant la tendance, les sondages d’opinion sont à l’origine des vagues électorales successives, vagues que les sondeurs peinent à anticiper tant ils sous-estiment leur propre influence sur les électeurs! Depuis une vingtaine d’années, selon le contexte, le Québec et notre région ont ainsi suivi le raz-de-marée bloquiste, puis la déferlante néo-démocrate avant celle, libérale, de lundi dernier.
L’héritage conservateur
L’espace nous manque pour faire ici le bilan complet du règne conservateur dans la région. S’il apparaît plutôt sombre, il faudra néanmoins retenir que c’est le gouvernement Harper – alors minoritaire – qui a accordé aux Madelinots la desserte maritime hivernale qu’avaient toujours refusée leurs prédécesseurs libéraux. La stratégie de développement des croisières et le programme de relance économique de 2009 auront aussi permis de soutenir plusieurs projets locaux.
En contrepartie, la réforme de l’assurance-emploi, la cession des phares puis des ports commerciaux ont symbolisé l’abandon de la région par Ottawa. Sans compter les investissements parcimonieux de Développement économique Canada et ses refus inexplicables. Ajoutons enfin l’allègement des lois environnementales et les manœuvres pour soustraire l’exploitation pétrolière aux processus de consultation, la fermeture de la bibliothèque de l’Institut Maurice-Lamontagne et de la station radio de la Garde-côtière à Rivière au-Renard, le musèlement des scientifiques, la tentative d’abolir le régime du pêcheur propriétaire, les moratoires discutables sur la pêche au poisson de fond et l’octroi de permis à un bateau-usine, l’indifférence envers le sort des ports pour petits bateaux, l’industrie du phoque, etc.
Changement de garde
Le député fédéral Philip Toone, lui-même porté par la vague orange de 2011 sans avoir fait campagne, est aujourd’hui balayé par la vague de changement favorable aux libéraux. Le député sortant avait pourtant mené une bonne campagne et surtout, il avait démontré une excellente maitrise des dossiers régionaux et nationaux. Il aura été un député présent, intègre et à l’écoute des citoyens de toutes allégeances, un fier défenseur de notre région à Ottawa. Le maintien du quai de L’Étang-du-Nord, obtenu au cœur de la campagne électorale, aura été la dernière de ses nombreuses batailles aux côtés des Madelinots et Gaspésiens.
De son côté, notre nouvelle députée, Diane Lehouiller, a aussi mené une solide campagne et fait preuve de ténacité. Nommée à l’investiture libérale dans la controverse, elle ne s’est jamais défilée, parcourant le territoire pour mieux connaître les enjeux locaux et forger des appuis. Pugnace, elle a insisté sur l’importance pour les Madelinots et Gaspésiens de se donner une voix au sein du gouvernement. Mme Lehouiller fait maintenant partie d’un caucus de 184 députés. Comme son parti, elle aura fort à faire pour répondre aux attentes élevées qu’elle a suscitées.
Des attentes élevées
Les Madelinots s’attendent notamment à l’abandon du projet de cession du port de Cap-aux-Meules à des intérêts locaux, et cela en dépit du fait que c’est un gouvernement libéral qui a entamé le processus en 1995. L’engagement en faveur de l’allongement tant attendu de la piste de l’aéroport de Havre-aux-Maisons devra aussi se concrétiser sans délai. Avec la mise en oeuvre du grand programme d’infrastructures annoncé par son chef, Justin Trudeau, le moment ne saurait être mieux choisi. À cela s’ajoute l’abolition de la réforme de l’assurance-emploi des conservateurs et les bonifications promises au régime.
Première femme à représenter la circonscription, Mme Lehouiller a aussi signifié son grand intérêt envers le domaine des pêches et un appui surprenant à la reconnaissance de l’insularité, un dossier jusque-là perçu comme de juridiction provinciale. Elle a surtout présenté un programme de développement économique et de l’emploi qui commandera de nombreux investissements dans sa circonscription. Favorable à l’exploitation pétrolière, notre nouvelle députée dit privilégier la consultation et l’acceptabilité sociale, maximiser les redevances, en plus de soutenir la réduction des gaz à effet de serre et le développement des énergies nouvelles. Souhaitons-lui bonne chance!Capture d'écran 2015-01-30 20.56.06

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