Mise en place suite à la défusion de Grosse-Île, l’agglomération des Îles sera désormais désignée comme la Communauté maritime des Îles. Présenté comme un jalon vers la reconnaissance d’un statut particulier pour l’archipel, le geste n’en demeure pas moins purement symbolique et n’affecte ni les pouvoirs ni les responsabilités de l’agglomération.
Si la question de la reconnaissance de l’insularité est devenue importante pour le devenir des îles depuis 7 ans, c’est qu’elle réfère précisément aux défis de développement qui s’imposent à la collectivité, aux moyens dont elle dispose ainsi qu’au rôle de l’État à cet égard. Or, le projet de loi omnibus déposé la semaine dernière ne parle que de désignation.
Il n’y a bien sur rien de répréhensible à trouver une appellation originale, évocatrice et distinctive pour la structure administrative municipale de l’archipel. Celle-ci campe de façon claire le caractère maritime des Îles, comme le vocable «communauté urbaine de Montréal» illustrait celui de la métropole. À la différence que la métropole était de facto dotée de pouvoirs spécifiques dans le paysage municipal du Québec, ce qui n’est à l’évidence pas le cas pour les Îles. Dans son projet de loi, le gouvernement prend d’ailleurs bien soin de préciser que cela ne change absolument rien par rapport aux autres agglomérations : «Dans tout document, une référence à la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine est une référence à l’agglomération des Îles-de-la-Madeleine ».
Histoire de la communauté maritime
Il ne faudrait surtout pas confondre la nouvelle désignation de l’agglomération des îles avec le projet de communauté maritime qui a monopolisé le débat politique à la fin des années 1990. La communauté maritime, c’est d’ailleurs l’histoire d’un échec, l’illustration de l’incapacité des élus locaux d’hier à concevoir de façon solidaire un modèle de gouvernance régionale original, unique et respectueux des appartenances locales. C’est en 1997 que le médiateur nommé par le gouvernement Bouchard, Roger Paquin, avait conclu que la réorganisation municipale aux Îles passait par l’adoption d’un nouveau modèle, une redéfinition des responsabilités municipales taillée sur mesure pour l’archipel, une structure de MRC bonifiée, enchâssée dans une loi d’exception. Ce modèle, qui comportait la formation d’un conseil de 14 élus, dont un préfet élu au suffrage universel, fut rejeté par 52 pour cent des Madelinots lors du référendum du 17 octobre 1999.
L’espoir d’une participation citoyenne accrue figurait aussi au programme, par le biais des comités consultatifs au service de leur collectivité locale dont les comités aviseurs locaux d’aujourd’hui ne sont qu’une pâle copie.
On en conviendra, le projet de communauté maritime de 1999 n’a rien à voir avec la désignation proposée aujourd’hui à l’article 62 de la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique (sic).
Exit la MRC
Le changement de désignation correspond néanmoins à l’une des deux recommandations formulées dans le mémoire conjoint du député des Îles et du président d’agglomération, déposé en avril dernier au gouvernement. La seconde réclame la mise en place d’un chantier interministériel chargé d’évaluer les contraintes liées à l’insularité et les mesures à mettre en œuvre pour les amoindrir. Bien que le mémoire soit peu explicite sur cet aspect, on peut déduire que de nommer les choses – le caractère maritime issu de l’insularité géographique – serait en quelque sorte un prélude à la reconnaissance d’un statut particulier dans le rapport qu’entretiendra Québec avec l’archipel. Sans avoir le caractère historique que certains pourraient vouloir lui prêter, la nouvelle désignation de l’agglomération lance un signal politique à l’effet que le dossier demeure à l’ordre du jour, bien que tout reste à faire quant à la redéfinition concrète des rapports de l’État avec notre communauté insulaire.
Ce que le mémoire d’avril et le projet de loi 83 viennent par ailleurs confirmer, c’est l’abandon par les élus du conseil d’agglomération de la demande pour une reconnaissance pleine et entière du statut de MRC pour les Îles. Rappelons que la mise en place de l’agglomération a été contestée dès le départ par les élus locaux à qui le gouvernement avait promis le maintien du statut de MRC malgré le regroupement municipal. Depuis 2006, Québec classe ainsi l’archipel au rang des territoires hors MRC, ce qui entraîne la confusion quant à ses pouvoirs et responsabilités, en plus de priver les Madelinots d’un préfet en titre. Mais surtout, le gouvernement refuse de reconnaître le palier de gouvernance supra-locale d’une MRC qui doit s’exercer aux Îles, ce qui était d’ailleurs prévu au défunt projet de communauté maritime, et qui est reconnu aux villes-MRC du Québec. Cette reconnaissance, pour le territoire de l’archipel, a trait aux responsabilités particulières de l’administration municipale quant à l’environnement, au transport avec le continent, aux télécommunications, à la culture et au développement. Cette approche visait à faire reconnaître en premier lieu les responsabilités régionales assumées par défaut par l’administration municipale, ce qui entraînerait logiquement une révision de l’approche gouvernementale.
Le statut particulier
En renonçant au statut de MRC au sens de la loi pour une nouvelle désignation réaffirmant le statut d’agglomération des Îles, il faut espérer que les élus n’aient par lâché la proie pour l’ombre.
Cela dit, le chantier de l’insularité demeure récent. Pendant des années, les municipalités ont réclamé des subventions gouvernementales plus généreuses, projet par projet. Sous l’égide de la MRC, certains dossiers régionaux ont aussi rallié les élus à la négociation à la pièce d’un traitement d’exception. Ce n’est qu’en 2007, après la perte du statut de MRC, qu’on commence à réclamer la reconnaissance des surcoûts liés à l’insularité, par une modulation des programmes gouvernementaux. De là est née la demande formelle pour un statut particulier, formulée en 2008, appelant à une redéfinition du rôle et du soutien de l’État envers le territoire des Îles, ses instances, ses entreprises et ses citoyens.
Pour qu’il ait tout son sens et perdure dans le temps, le statut d’insularité devra être enchâssé dans une loi ou un décret, assurant l’équité dans l’accès aux services publics, la modulation des programmes, la prise en compte des surcoûts et confirmant les responsabilités de la gouvernance supra-locale.