Les consultations qu’entame l’Agglomération des Îles sur la stratégie énergétique de l’archipel, attendues depuis quelque temps déjà, constituent l’occasion unique d’établir des consensus sur un dossier auquel personne ne peut rester indifférent. Cette initiative, peut-on souhaiter, permettra non seulement de dégager une vision d’avenir en matière de sécurité énergétique mais elle devrait constituer une nécessaire plateforme de revendications afin de convaincre enfin les décideurs de passer à l’action !
Personne ne peut rester indifférent à la question énergétique parce qu’elle touche toute l’économie des îles, le transport, l’environnement, notre bien-être général… et notre portefeuille. Le document de consultation, rendu public la semaine dernière, résume les constats issus du rapport Dunsky, publié en 2013. On y fait notamment état de la pétrodépendance totale de l’archipel, sur le plan économique et du transport notamment. Il en va de même pour la production électrique à la centrale thermique au mazout, laquelle représente 45% des besoins en énergie des Madelinots. Qui plus est, le taux d’efficacité de la centrale, établi à 40%, offre une marge de manoeuvre intéressante pour le développement des énergies alternatives et renouvelables. Que ce soit le développement de la filière éolienne, gazière ou solaire, la biomasse ou la géothermie, des sources d’énergies alternatives existent et ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde. Mais encore faut-il que le producteur d’électricité, Hydro-Québec, et son actionnaire, le gouvernement, se tournent résolument vers la recherche et le développement et y investissent massivement. C’est en cela que les consultations qui s’en viennent risque d’être le plus intéressantes. Pourra-t-on dégager, ces prochaines semaines, un fort consensus chez-nous pour réclamer que Québec fasse des Îles un véritable laboratoire d’expérimentation des énergies renouvelables, une vitrine d’initiatives favorisant la transition énergétique ?
Donner l’exemple
La meilleure façon de revendiquer un tel chantier de développement de la part de nos décideurs serait d’ailleurs de prêcher par l’exemple, dans les institutions, les entreprises et sur le plan individuel. La récupération de chaleur de la centrale thermique pour alimenter la production de légumes en serres, aurait ici valeur de symbole. Avec l’augmentation récente du prix des légumes, ne pourrait-on pas enfin passer de la parole aux actes ? En matière de transport maritime, l’acquisition éventuelle de traversiers moins énergivores apparait incontournable. L’installation de panneaux solaires sur les bateaux de pêche, déjà amorcée, voire même l’incorporation éventuelle d’une composante de propulsion éolienne devrait faire l’objet de recherche et d’expérimentation. Quant au transport terrestre, le développement du transport en commun et du covoiturage, de l’auto électrique et l’adoption de comportements de conduite éco-responsables devront s’imposer.
Quant à la production électrique, les gains les plus significatifs seront toujours liés à l’énergie qu’on économise. Hydro-Québec devra là encore revoir ses programmes de conversion au mazout ou au propane qui peinent à susciter l’adhésion des Madelinots. Le nouveau programme d’isolation des maisons, qui sera bientôt déployé, est un pas dans la bonne direction. Le projet de doter la Maison de la culture de panneaux solaires est un autre exemple encourageant, mais d’une portée limitée. Or, seul un grand chantier financé majoritairement par l’État sur une base pluriannuelle pourrait permettre à l’archipel de devenir un véritable symbole de la transition énergétique vers laquelle le gouvernement du Québec lui-même semble maintenant tendre.
Projets pétroliers et gaziers
Lancée en novembre 2011, l’idée d’une stratégie énergétique était issue d’une recommandation de la commission sur le développement éolien de 2007. Elle prenait son envol dans un contexte où faisait rage le débat sur les projets de forages gaziers et pétroliers aux Îles et dans le golfe. De son côté, Hydro-Québec continuait d’évoquer le projet de couplage éolien-diésel tandis que la durée de vie utile de sa centrale thermique s’amenuisait. Les effets dévastateurs des changements climatiques balayaient les Îles alors que les prix du pétrole atteignaient des records. Le contexte a bien sur évolué depuis cinq ans, mais force est d’admettre que dans l’ensemble des grands dossiers, rien n’est réglé.
Le projet de couplage a été reporté d’un an et la durée de vie utile de la centrale prolongée à 2035. Gastem détient toujours le droit de mener des forages gaziers sur le territoire, ce que le nouveau Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection lui confirme. Aucune des recommandations du BAPE sur les effets liés à l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles sur les nappes phréatiques n’a été mise en œuvre par le gouvernement et personne ne semble plus s’en soucier. L’étude environnementale stratégique sur les hydrocarbures (EES) devrait paver la voie à l’adoption d’une loi sur les hydrocarbures, laquelle balisera d’éventuelles opérations d’exploration et d’exploitation sur le site Old Harry. Aussi, localement, la stratégie énergétique devrait-elle permettre enfin de déterminer clairement les sources d’approvisionnement en énergie que nous privilégions, de statuer une bonne fois pour toute sur l’acceptabilité sociale des projets pétroliers et gaziers aux Îles et dans le golfe.
À cet égard, il faudra voir jusqu’où ira le coup de barre du gouvernement suite à la conversion au vert du premier ministre Couillard lors de la Conférence internationale de Paris sur le climat, en décembre. L’adoption anticipée de la nouvelle Politique énergétique du Québec devrait nous permettre d’y voir plus clair. D’ici là, les consultations sur la stratégie énergétique de l’archipel, qui se dérouleront en mars, nous offrent l’occasion, collectivement, de lancer un message clair au gouvernement.