Comme à chaque année ou presque, le mois de février apporte son lot de turbulences dans le domaine du transport aérien aux îles. Cette année, c’est un problème d’approvisionnement en carburant qui a provoqué l’ire des voyageurs. Si les inconvénients de la situation vécue la semaine dernière sont bien réels, il y a hélas des enjeux bien plus criants que le carburant dans le merveilleux monde du transport aérien aux îles.
La situation du carburant, bien qu’anecdotique, illustre bien la précarité qui existe actuellement dans le secteur aérien. Établissons d’abord que c’est bel et bien dans l’archipel que le problème de carburant est survenu, suite à un test de qualité raté par le fournisseur. Alors qu’elle fait habituellement le plein aux Îles, Air Canada a cloué un avion et ses passagers au sol à Gaspé en laissant entendre que le service offert par la ville de Gaspé avait faillit à la tâche. Ce à quoi le maire de Gaspé, Daniel Côté, a réagi avec virulence. Pour mieux comprendre sa réaction, il faut savoir que la député-ministre de la région, Diane Lebouthillier, a raté son vol vers les Îles en raison de la panne sèche. Si la ville avait été fautive, cela aurait pu être un argument de plus pour celle qui ne cache pas sa volonté de déplacer les vols régionaux de Gaspé vers l’aéroport de Chandler, son ancien fief municipal.
Des services aéroportuaires à améliorer
La ministre, qui a ainsi été contrainte de reporter l’inauguration de son bureau de comté dans l’archipel, devrait toutefois prendre note que c’est l’aéroport fédéral de Havre-aux-Maisons qui n’a pas su offrir une alternative au transporteur pour s’approvisionner en carburant. L’absence d’un plan B étonne. Et puisqu’il est question de carburant, il faut aussi noter que le tourisme aérien aux Îles est depuis des années freiné par l’incapacité de l’aéroport à offrir un service de ravitaillement aux petits avions privés.
En plus du vol reporté pour manque de carburant, plusieurs vols ont aussi été annulés la semaine dernière en raison des conditions météorologiques. Or, avec des instruments de guidage adéquats, comme une approche GPS, certains de ces vols auraient pu atterrir en toute sécurité. En fait, le nombre de vols annulés a connu une hausse significative depuis que le plafond de sécurité a été relevé, il y a quelques années. Au même titre que l’allongement de la piste d’atterrissage, peut-être même dans une étape préliminaire, la ministre Lebouthillier ferait bien d’inscrire la mise à niveau des instruments d’approche au rang de ses priorités d’intervention.
Entretemps, l’aérogare souffre déjà d’un déficit d’investissement important, alors que des infiltrations d’eau se manifestent à répétition au vu et au su de l’ensemble des usagers de l’aéroport. Transport Canada dit s’apprêter à corriger cette situation gênante, un dossier qui devrait être considéré indépendamment de celui de l’allongement de la piste. Cinq mois après son élection, il serait d’ailleurs rassurant que la ministre du Revenu national et députée de la Gaspésie et des Îles réitère sa promesse de concrétiser l’allongement de la piste et donne à ses commettants un avant-gout de son plan de match pour y arriver.
Services aériens
Outre la députée fédérale, le député provincial, Germain Chevarie, ainsi que le maire, Jonathan Lapierre, ont également vu leur retour aux Îles retardé la semaine dernière. En espérant qu’ils aient saisi l’occasion de relancer leur vis-à-vis fédérale sur la demande de la municipalité des Îles pour la formation d’un comité directeur de l’aéroport des Îles, laissée lettre morte par les Conservateurs, mais plus que jamais d’actualité. Il est à souhaiter que nos deux élus en aient aussi profité pour discuter ensemble de la relance éventuelle du comité de transport aérien régional par Québec. La situation dans le transport aérien en région n’est guère plus reluisante aujourd’hui qu’elle ne l’était lors de la mise en place du comité de concertation en 2006. Dans le contexte d’une industrie déréglementée, dominée par un transporteur majeur face à de fragiles compétiteurs, un peu de concertation régionale, appuyée par Québec, ne serait pas un luxe.
Il est également à espérer que cette escale prolongée de nos élus à Gaspé leur aura permis de faire le point sur la demande de financement d’un «nouveau modèle» de desserte aérienne, formulée par la municipalité en mai 2015 avec l’ambition d’un déploiement dès le mois suivant. On est en effet sans nouvelle de cette demande de subvention de 4 millions de dollars pour l’implantation d’un projet-pilote visant le financement gouvernemental d’une desserte opérée par Pascan Aviation, à des tarifs abordables et une fréquence prévisible. Le gouvernement Couillard ferait bien de donner rapidement l’heure juste sur cette requête si les intervenants locaux veulent savoir à quoi s’en tenir pour la prochaine saison touristique.
Entretemps, on devrait savoir sous peu si le plan de relance de Pascan Aviation lui permettra de s’entendre avec ses créanciers, de se soustraire à la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de traverser ses difficultés financières. Même si le soutien direct ou indirect du gouvernement au transport aérien semble aller à l’encontre de son ADN, l’injection massive de fonds dans Bombardier démontre que, pour le gouvernement, la fin justifie parfois les moyens. Reste à savoir le poids qu’il accordera à l’enjeu du transport aérien aux Îles et en région.
