Les perspectives démographiques continuent de s’assombrir pour l’archipel madelinot, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). La tendance lourde du déclin de la population est telle qu’un grand chantier sur le défi démographique s’avère plus que jamais pressant.
Les îles ne comptent plus que 12 344 habitants, avec une baisse moyenne d’environ 1% par année depuis 4 ans. Depuis un an, selon l’ISQ, on recense 140 personnes de moins dans notre communauté. Si la chute de population se poursuivait ainsi avec constance, la population de l’archipel passerait sous la barre des 10 000 habitants d’ici une quinzaine d’années. Les prévisions des experts sont toutefois moins pessimistes puisqu’elles font état d’une baisse de population de 6,4% d’ici 2036. Ce qui inquiète, toutefois, c’est que les perspectives démographiques ont considérablement changé depuis 5 ans. On prévoyait alors une hausse modeste de 3,5% de la population insulaire sur 20 ans, une faible croissance déjà jugée préoccupante. L’écart des prévisions d’hier avec celles d’aujourd’hui est de 10%.
Migration interrégionale négative
La chute de la population s’explique par le fait que plus de gens quittent l’archipel qu’il n’en arrive de nouveaux et que le nombre de naissances est ici largement inférieur au nombre de décès. On a recensé 72 naissances aux Îles l’an dernier, contre environ 130 décès. Ce phénomène n’est pas entièrement nouveau puisque le taux de fécondité est depuis plusieurs années plus faible ici qu’ailleurs en Gaspésie et au Québec, tandis que le vieillissement de la population s’accroît. Les années 2000 avaient toutefois permis de maintenir une faible croissance démographique grâce à la migration interrégionale. Il était ainsi encourageant de voir un certain nombre de jeunes revenir aux Îles, de voir de nouvelles familles s’installer. Les plus récentes données de l’ISQ indiquent toutefois qu’un certain exode, amorcé il y a 4 ans, se poursuit.
L’archipel a perdu 68 habitants dans la dernière année, soit plus de 300 en quatre ans. Cette baisse est certes moindre que les 98 personnes de l’année précédente. Or, en y regardant de plus près, la différence proviendrait essentiellement du fait que davantage de retraités sont arrivés chez nous durant la dernière année. Mince consolation.
Les impacts
Les principales inquiétudes qui naissent de la baisse démographique ont trait au renouvellement de la main-d’œuvre et au maintien des services à la population. Comment en effet assurer le développement des entreprises du milieu sans compter sur la relève et un nombre suffisant de personnel? Quant aux services, il devient forcément plus difficile et plus couteux de les maintenir quand le nombre d’usagers – ou de clients – est en décroissance. La logique de rentabilité est implacable dans le secteur privé, tandis qu’une masse critique d’usagers est nécessaire au maintien des services publics. La capacité de payer de l’État, de la municipalité et des contribuables, entre aussi en ligne de compte.
Il va sans dire que les réductions d’effectifs, les compressions et les coupes actuelles dans les services publics affectent négativement la capacité d’attraction du milieu, ce qui entraine une spirale de dévitalisation difficile à contrer sans un grand effort collectif concerté. Sans faire de politique, on voit très bien que le début du déclin récent de la population coïncide avec la réforme de l’assurance-emploi du gouvernement Harper. Le contexte d’austérité imposé par le gouvernement Couillard, dont l’abolition des instances régionales de développement, des commissions jeunesse ainsi que les compressions budgétaires généralisées accentuent la problématique.
Que faire ?
En l’absence d’une stratégie de développement régional, toutes les régions du Québec ressentent davantage que les centres urbains les effets de la réduction du rôle de l’État associés aux compressions dans les dépenses du gouvernement. Les données sur la migration interrégionale indiquent d’ailleurs clairement que toutes les régions enregistrent des baisses de population.
Aux Îles, le Forum des partenaires avait retenu l’enjeu de la démographie parmi ses cibles prioritaires de novembre 2014. Les bouleversements dans la gouvernance régionale n’ont bien sûr pas permis de s’attaquer au problème, mais l’enjeu n’a malheureusement pas été réintroduit au rang des grandes priorités lors des discussions de l’automne dernier. Quelques organismes poursuivent vaillamment leurs initiatives promotionnelles pour attirer les jeunes dans la région, mais les chiffres nous prouvent que ces efforts sont à l’évidence insuffisants.
Le thème de la démographie revient périodiquement dans le discours des élus, tous paliers confondus, mais sans qu’on puisse réellement dégager une vision commune ou une stratégie concertée susceptible de mener à l’action. On ne peut se contenter de nommer simplement le problème en espérant que les choses évoluent autrement, que les tendances se modifient comme par magie. Un grand chantier de réflexion et d’action sur les conditions favorables au redressement démographique s’impose. Parmi celles-ci figureront certes l’emploi, le transport, les télécommunications, les infrastructures, les services publics, brefs, les éléments-clés de toute stratégie de développement socio-économique.