La dernière semaine a donné lieu au dépôt des budgets provincial et fédéral. Alors que le gouvernement Couillard poursuit sur la voie de l’austérité au nom de l’équilibre budgétaire, son homologue fédéral lance un ambitieux programme de dépenses dans les services et les programmes au prix d’un lourd déficit. Pour une région comme les Îles-de-la-Madeleine, dépendante des transferts et du soutien de l’État, il va sans dire que les vallées verdoyantes fédérales sont plus attrayantes que la grisaille des compressions.
Le contraste dans l’approche des deux paliers de gouvernement est saisissant. Québec a érigé en dogme l’atteinte du déficit zéro, une période de restrictions budgétaires décrite comme un passage obligé vers une éventuelle prospérité. Cela lui permet commodément d’abolir les structures, de réduire les dépenses de programmes et la taille de l’État. En bref, depuis l’élection d’avril 2014, l’idéologie des libéraux du Québec épouse clairement la thèse conservatrice de la réduction du rôle de l’État. Le budget du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, lance au contraire le signal d’un réinvestissement de l’État dans l’économie et pour le bien-être des familles. Il fait même le pari que ses interventions stimuleront suffisamment l’économie pour favoriser, à terme, un rééquilibre budgétaire. Le gouvernement Trudeau en profite au passage pour démolir l’héritage conservateur, morceau par morceau.
Il y a une autre façon, plus cynique, de saisir le contraste marquant des approches Trudeau et Couillard: le fédéral annonce des déficits pour remplir la plupart de ses promesses électorales tandis que le gouvernement du Québec a trahi plusieurs de ses promesses électorales pour résorber le déficit.
La rigueur du Québec
De l’avis de la majorité des observateurs, le budget Leitao ne passera pas à l’histoire. Sobre, sans surprises et sans éclat. Après avoir été complètement éclipsée par la rafle de l’UPAC contre deux ex-ministres libéraux, Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, la présentation du budget souffre douloureusement de la comparaison avec le fédéral.
Avec un budget équilibré, Québec voulait marquer le début de la fin de la période de rigueur budgétaire par un réinvestissement «massif» annoncé dans l’éducation. La hausse de 3%, équivalente aux coûts de système, a été accueillie plutôt froidement comme un faible rattrapage sans commune mesure avec les récentes compressions. En santé, les budgets annoncés ne couvrent pas la hausse des coûts de système, ce qui se traduira selon les intervenants du secteur par de nouvelles coupes de services. Les autres ministères voient leurs budgets réduits ou plafonnés.
Pour les Madelinots, le budget du Québec offre peu. La demande des municipalités du Québec pour un réinvestissement sur les routes municipales a été ignorée. Même chose pour la demande des Îles pour un soutien financier en matière de transport aérien. On voudrait croire que le déploiement de la Stratégie maritime aura un impact chez-nous, mais l’archipel est exclu de la liste des villes industrialo-portuaires, comme Gaspé et Matane, où la part du lion des investissements sera injectée. Quelques jours avant le budget, le maire des Îles se faisait même le messager du gouvernement pour annoncer que le concept de Centre d’intervention d’urgence en mer reste toujours à définir et que sa mise en oeuvre ne peut être envisagée avant plusieurs années…
Notons tout de même que les Madelinots pourront se prévaloir du programme Rénovert, offrant un crédit d’impôt de 20% pour la rénovation domiciliaire à valeur environnementale, incluant la mise en conformité des champs d’épuration. Dans un tout autre domaine, la mise en oeuvre d’un programme de mobilité étudiante pourrait permettre de compenser en partie la baisse de clientèles au Campus des Îles. L’annonce d’un soutien au projet de réaménagement du cégep demeure toutefois prioritaire.
Bouffée d’air fédérale
Pour nos régions, la promesse phare des libéraux fédéraux était l’abolition de la réforme de l’assurance-emploi des conservateurs. Le gouvernement franchit un premier pas en retirant l’obligation de se déplacer jusqu’à 100 km pour occuper un emploi moins bien payé. Les changements comme la réduction du délai de carence à une semaine et la réduction du nombre d’heures pour être admis ou réadmis au programme seront les bienvenus. Les particularités du travail saisonnier n’ont pas été prises en compte, certes, mais on peut espérer que ce ne soit que partie remise.
Les familles d’ici profiteront également de l’instauration d’une nouvelle allocation universelle pour enfants, laquelle leur permettra de recevoir plus d’argent, surtout celles qui sont moins fortunées. D’autres mesures qui ciblent les travailleurs, les étudiants et les autochtones ont été bien accueillies. Il en va de même pour les annonces à saveur environnementale, en soutien à la culture ou au transport collectif.
L’archipel devrait également bénéficier des investissements fédéraux majeurs de 120 milliards sur 10 ans pour améliorer les infrastructures et stimuler l’économie. La décision du gouvernement Trudeau de majorer à 50% sa contribution à certains programmes réduira sensiblement la pression sur les municipalités locales et les contribuables. Il reste à savoir combien de temps Québec et Ottawa mettront à s’entendre sur les modalités des programmes, dont l’un inclut le financement des arénas et des centres communautaires. La Municipalité des Îles en prendra sûrement bonne note.
Ottawa manifeste aussi l’intention d’améliorer ses propres infrastructures, dont les aéroports fédéraux et les ports pour petits bateaux. Comme toujours, les attentes dépasseront de loin les budgets accordés, même s’ils sont rehaussés. Le signal est néanmoins clair pour des communautés comme la nôtre que le temps est propice pour promouvoir activement leurs projets. Nous avons donc l’opportunité, et la responsabilité, de faire valoir comme prioritaires des dossiers tels l’allongement de la piste de l’aéroport et la protection des ouvrages portuaires.