Améliorer les infrastructures aéroportuaires

La terrible tragédie aérienne de la semaine dernière a entrainé un sain et nécessaire questionnement sur la sécurité de l’aéroport de Havre-aux-Maisons. S’il est certes trop tôt pour tirer des conclusions sur les causes exactes de l’accident, la pertinence d’améliorer les infrastructures aéroportuaires de l’archipel, elle, ne fait pas de doute.

De fait, avant même le funeste écrasement qui a fauché la vie à 7 personnes, les dossiers de mise à niveau des instruments d’approche et de l’allongement de la piste de Havre-aux-Maisons faisaient consensus. Rappelons à cet égard la demande formelle de la municipalité auprès du gouvernement fédéral, en 2010, et la promesse électorale-phare de la députée Diane Leboutillier en faveur de l’allongement de la piste. Nous avions d’ailleurs traité de cet enjeu crucial dans ces pages, il a un mois. De son côté, CFIM a abordé le sujet de front lors d’une excellente série d’entrevues au cours de la semaine précédant le drame.

Approche de précision

Il ne s’agit donc en aucun cas de récupérer de façon opportuniste le contexte de la tragédie à des fins politiques ou socio-économiques, mais plutôt de faire le tour d’un important dossier pendant que les intervenants, les médias et la population se questionnent. Le débat a été lancé le jour même de l’écrasement alors que certains médias nationaux ont rapporté que l’aéroport des Îles était reconnu pour ses conditions d’atterrissage changeantes et imprévisibles. De quoi donner fort mauvaise presse à un archipel isolé, dont l’économie dépend largement du tourisme. De son côté, un porte-parole du Bureau de la sécurité dans les transports (BST) a lui-même soulevé l’hypothèse d’un accident d’approche.

C’est ainsi que la contribution des pilotes, sous forme de pétition électronique, amène une dimension nouvelle au débat, une argumentation pertinente et documentée s’appuyant sur une expérience terrain incomparable. En somme, la mise à niveau des instruments d’approche et l’allongement de la piste amélioreraient non seulement la sécurité des passagers, mais diminueraient sensiblement le nombre d’annulations de vols qui perturbent si souvent le transport aérien et nous affectent tous un jour ou l’autre. D’aucuns estiment à 20% la proportion annuelle des vols annulés à l’aéroport des Îles. Si cela s’avère, il est proprement inadmissible dans le secteur des transports publics, et à des tarifs faramineux, d’avoir une chance sur cinq de ne pas atteindre sa destination ! Une telle situation relègue les Madelinots au rang de citoyens de seconde zone, d’autant que la situation est corrigible, moyennant des investissements judicieux. On estime qu’avec une approche de précision, la visibilité et le plafond minimum pour l’atterrissage aux instruments seraient réduits de moitié, le nombre d’annulations chuterait de manière vertigineuse.

Allongement de la piste

Il n’est pas établi que l’allongement de la piste 07-25 de l’aéroport améliorerait sensiblement les conditions de sécurité à l’atterrissage. En revanche, la fiabilité de la desserte s’en trouverait nécessairement améliorée. À titre d’exemple, les restrictions imposées au nouvel avion-ambulance lui interdisent d’atterrir sur la courte piste des Îles dans certaines conditions de pluie ou de neige alors que la piste est dite «contaminée». Il ne s’agit pas à proprement parler d’un enjeu de sécurité aérienne, mais d’un argument tout aussi valide, relatif à la santé et à la sécurité des personnes malades ou victimes d’accidents. On peut aussi rappeler que les appareils Dash-8 200 de Air Canada, de 50 sièges, ne peuvent atterrir non plus dans les conditions où la piste est dite contaminée. Notons par ailleurs qu’Air Canada entreprendra le renouvellement de sa flotte vieillissante de Dash-8, lesquels pourraient être remplacés par des avions de type Q-400, trop gros pour la longueur de la piste.

Il va de soi que le prolongement de la piste à 5250 ou 5500 pieds, s’inscrirait fort bien dans un projet de mise à niveau des approches, pour des raisons de sécurité et de fiabilité de service. Il faut également faire valoir à nouveau la notion d’équité en matière de services aériens en région éloignée, dont le ministère des Transports à la responsabilité. La Politique nationale des aéroports précise que pour les aéroports éloignés (classification dont fait partie l’aéroport des Îles), « le gouvernement fédéral améliorera l’efficacité opérationnelle à ces aéroports pour contribuer à rendre leur exploitation plus rentable.» Transports Canada indique de plus, sur son site internet, prendre des mesures (qui) «doivent favoriser la sécurité, l’efficacité, l’abordabilité (sic), l’intégration des services, l’innovation et la commercialisation.»

Cela nous amène à l’argument clé qui milite en faveur de l’allongement de la piste, celui qui ferait de l’aéroport un levier de développement. Pour que l’aéroport contribue pleinement à assurer la sécurité et le bien-être de notre communauté insulaire, le gouvernement doit aussi considérer son impact en matière de développement socio-économique pour le milieu, dont le potentiel de développement touristique lié à la forfaitisation et au tourisme de congrès. Cela améliorerait à coup sûr la rentabilité des investissements fédéraux.

Nom de l’aéroport

Dans la foulée de la catastrophe aérienne, et de la vague d’émotion qui a balayé l’archipel et le Québec, l’idée d’honorer la mémoire des disparus a été évoquée. Il va sans dire qu’en temps opportun, l’érection d’un monument, d’une plaque ou la désignation d’un lieu pourront être considérés. Par ailleurs, force est d’admettre que l’idée de nommer l’aéroport à la mémoire de Jean Lapierre suscite un profond malaise. Une telle désignation n’aurait-elle pas davantage pour effet de perpétuer le souvenir d’une tragédie aérienne survenue près de l’aéroport que les accomplissements de l’homme ?

Quant à l’idée de rendre un hommage singulier à Jean Lapierre, il serait sage de laisser un peu de temps au temps. Le moment venu, afin d’analyser la question, on pourra s’inspirer des critères suivants qui guident la Commission de toponymie pour les désignations commémoratives : quelle contribution exceptionnelle au développement du milieu lui reconnaît-on ? Comment s’est-il illustré au sein de sa communauté ? Quelle est l’importance de son rayonnement ? Quelles sont ses réalisations notoires ? En quoi inspire-t-il les générations montantes ?

Entretemps, l’heure est au deuil et au recueillement.Piste

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