Mauvais signal

Le gouvernement Couillard a décidé de couper les vivres à la Table maricole du Québec. Alors que l’industrie de la mariculture encaisse les coups durs, peine à financer son développement et à assurer sa croissance, la décision de Québec lance à n’en point douter, un bien mauvais signal pour l’avenir.

La décision gouvernementale est d’autant plus difficile à comprendre que Québec ne finance cette table de concertation, à hauteur de 85 000$ par année, que depuis trois ans. L’objectif de la Table consistait à regrouper des représentants des mariculteurs avec les divers intervenants de la filière, dont le ministère des Pêcheries, le MPO, Merinov et l’AQIP, autour d’un plan de développement stratégique commun destiné à créer un environnement d’affaires favorisant la croissance de l’industrie. Il faut aussi rappeler que dans sa Stratégie maritime, lancée en juin 2015, Québec promet d’appuyer un «développement maricole ordonné et responsable». Cela semble être très précisément ce que cherchait à faire aussi la Table maricole.

La concertation

Ce n’est évidemment pas parce que ses objectifs sont louables qu’un organisme peut réclamer comme un droit du financement gouvernemental de fonctionnement. Aussi, après trois ans d’opération, il eut été intéressant de dresser un bilan des activités de la Table maricole. Si nous posons l’hypothèse que le gouvernement jugeait son action inefficace ou redondante, ou même que ses résultats n’étaient pas à la hauteur, il aurait été utile d’en faire part aux divers intervenants de l’industrie et aux contribuables. Le gouvernement ne verse jamais de contribution financière sans demander une reddition de comptes. Si le bilan de la Table maricole est à ce point négatif qu’il faillait l’abolir, pourquoi le gouvernement ne l’affirme-t-il pas d’emblée ?

Or, pour justifier la décision du gouvernement, le député des Îles et adjoint parlementaire aux pêches, Germain Chevarie, parle plutôt d’un exercice d’optimisation des programmes de financement du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. En d’autres mots, la Table maricole devient la plus récente victime des compressions gouvernementales. En contrepartie, le député promet que le soutien au Regroupement des mariculteurs du Québec (RMQ), dont ce dernier est sans nouvelle depuis décembre dernier, sera rehaussé substantiellement. Aux yeux du député, le Regroupement peut très bien défendre les intérêts de ses membres et prendre en charge la concertation sectorielle. Le problème avec cette approche, c’est que la défense d’un intérêt particulier représente précisément l’obstacle principal au principe d’une concertation efficace où l’intérêt collectif des diverses parties doit prédominer.

Déshabiller Saint-Pierre

Le député Chevarie en a aussi profité pour expliquer qu’une partie des sommes ainsi épargnées seraient réallouées à d’autres organisations, dont le Bon goût frais des Îles et l’Association des chasseurs de phoques des Îles. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela en dit long sur la confiance que porte le gouvernement envers l’industrie maricole. Ces deux organisations ont certes besoin du soutien gouvernemental, mais cette idée de déshabiller Saint-Pierre pour habiller Saint-Paul constitue une sorte de désaveu public tristement révélateur.

Pourtant, l’industrie traverse une période particulièrement difficile. Florissante dans nombre de pays maritimes, décrite comme une voie d’avenir depuis 30 ans, la mariculture n’en finit plus de ne pas décoller au Québec. Les mariculteurs de l’archipel figurent certes au rang de précurseurs, dans la production de moules notamment, leur principal défi n’en demeure pas moins aujourd’hui comme hier de survivre. La prédation des canards a d’ailleurs considérablement affecté leurs récoltes ces dernières années. Quant à la culture du pétoncle, on sait qu’elle disparaîtra définitivement d’ici trois ans. La culture de la mye a été abandonnée. Seul l’élevage des huîtres, tout récent dans l’archipel, semble représenter un certain potentiel de croissance et un investissement plus sûr.

Quelle vision ?

Plutôt que de sabrer dans les maigres budgets de concertation de l’industrie maricole, le gouvernement devrait au contraire y investir et s’y engager enfin, résolument. Le gouvernement n’a évidemment pas à se substituer à l’entreprise en matière d’innovation et de développement. Quelques courageux mariculteurs continuent d’y travailler sans relâche sur le terrain. Le gouvernement a cependant le devoir de communiquer sa vision d’avenir pour l’industrie, de créer les conditions propices à son essor, d’adopter une réglementation favorisant sa croissance et de doter les mariculteurs d’un environnement d’affaires adéquat.

En somme, si le gouvernement du Québec croit véritablement en l’avenir de la mariculture, il doit répondre favorablement aux demandes répétées de la Table maricole dont il vient de signer l’arrêt de mort. Cela passe notamment par la recapitalisation de la Société de développement de l’industrie maricole (la SODIM) dont la mission consiste à procurer du capital patient aux entreprises. Québec doit aussi faire preuve de cohérence dans la définition des règles de son crédit d’impôt à l’investissement, lequel inclut nommément l’industrie maricole, mais pas les équipements dont elle a besoin pour opérer ! Le ministère doit aussi, après cinq longues années de valse-hésitation, afficher enfin ses couleurs au sujet du cadre de développement aquacole des régions, dont celui de l’archipelDSCF3011

 

Laisser un commentaire