L’Association touristique des îles entreprend ces jours-ci une consultation de ses membres visant l’harmonisation de la taxe d’hébergement au taux de 3,5% à compter de novembre prochain. Cette procédure de taxation volontaire adoptée par le gouvernement, est aussi singulière que cruciale pour l’industrie. Puisqu’il s’agit de la seule source de financement vouée à la promotion de la destination, autant dire que nous n’avons pas le choix.
L’uniformisation de la taxe d’hébergement a été annoncée lors des Assises du tourisme, en octobre dernier, dans la foulée du Plan de développement de l’industrie touristique 2016-2020 et du nouveau modèle d’affaires retenu par le gouvernement. Québec vise ainsi à favoriser la croissance du tourisme international par une augmentation substantielle de ses efforts de promotion financés par les ATR et l’entreprise privée. L’effort financier exigé des ATR proviendra donc des revenus supplémentaires générés par la taxe d’hébergement harmonisée. On comprend dès lors que pour l’industrie touristique, l’harmonisation constitue un choix qui n’en est pas un.
Loi 76
Depuis une quinzaine d’années, sous l’égide de la loi 76, les régions touristiques du Québec se sont dotées d’un fonds de promotion touristique en appliquant une taxe à l’hébergement à taux variable. Certaine régions, comme les Îles, appliquent le taux de 2 dollars par nuitée, d’autres ont plutôt choisi de prélever 3 dollars, 3 % ou encore 3,5 % du prix par nuitée. Perçus par Revenu Québec auprès des hébergements, les revenus de cette taxation sont transmis aux Associations touristiques régionales qui s’en servent comme principal levier financier destiné à promouvoir leur destination.
On se souviendra que l’adoption de la taxe d’hébergement avait provoqué un déchirant débat au sein des intervenants en tourisme de l’archipel il y a une dizaine d’année. Les établissements hôteliers, les gîtes touristiques et les résidences de tourisme dûment enregistrées craignaient de favoriser ainsi l’hébergement au noir, sans compter que les campings n’étaient pas soumis à cette taxe, pas plus que les autres bénéficiaires des retombées du tourisme d’ailleurs. Le débat sur une éventuelle carte d’accès à l’archipel, jugée plus équitable par certains, avait soulevé les colères et les passions.
Ces débats sont heureusement derrière nous et il faut espérer que les propriétaires d’hébergements touristiques accepteront, bon gré, mal gré, l’approche retenue par le gouvernement pour l’ensemble du territoire québécois. Le refus d’harmoniser la taxe d’hébergement serait la plus magistrale façon qu’on puisse imaginer pour une région de se tirer dans le pied sur le plan touristique et économique.
3,5% ou rien
Cela ne veut pas dire pour autant que l’approche retenue par le gouvernement soit la meilleure, ni même la plus équitable. Ce qui fascine d’ailleurs, c’est la manière dont le gouvernement cherche à faire porter l’odieux de la taxation touristique sur les intervenants touristiques eux-mêmes alors qu’en général, il ne se prive pas de son pouvoir de prélever taxes et impôts selon son bon vouloir. On peut comprendre la réticence épidermique de certains propriétaires d’hébergement à «faire la job du gouvernement». Cela étant dit, ce ne sont évidemment pas les propriétaires d’hébergements qui paient cette taxe mais bien les touristes que les Îles ont le privilège d’accueillir en masse à chaque année. Et puisque les Îles sont une destination de séjour où le visiteur demeure près d’une dizaine de nuitées en moyenne, la taxe à l’hébergement demeure la mesure la plus susceptible de générer la contribution du plus grand nombre de visiteurs. Qui plus est, l’application d’un pourcentage plutôt que d’un tarif fixe permet de moduler un peu mieux la contribution de chacun selon ses moyens.
Le fait que le gouvernement ait décidé de l’application d’un taux uniforme de 3,5% pour l’ensemble des régions du Québec constitue sans doute un facteur positif en ce qu’il établira une règle uniforme que le touriste anticipera, peu importe sa destination. On peut dès lors se demander pourquoi le gouvernement n’impose pas d’emblée cette mesure plutôt que d’offrir aux régions touristiques, qui doivent se prononcer d’ici le 24 juin, un choix qui n’en est pas un. Ce sera une taxe de 3,5% ou rien.
Péréquation
On peut aussi mettre en doute le principe même d’une taxe pan-québécoise, applicable localement, sans aucune mesure de péréquation. Le fondement même de la fédération canadienne comme celui du prélèvement des taxes et impôts par les administrations gouvernementales repose sur le principe de redistribution de la richesse. C’est la raison pour laquelle certaines provinces moins nanties obtiennent un chèque de péréquation. C’est aussi la raison pour laquelle le gouvernement accorde, à travers ses divers programmes et mesures, un soutien particulier à certaines régions, certains secteurs économiques, certaines entreprises, certaines catégories d’individus.
Dans le secteur touristique, cependant, Québec accorde aux régions touristiques dominantes, la capacité de maintenir et d’accentuer leur domination en prélevant une taxe qu’elles réinvestiront dans leur promotion. Dans cette logique, la vaste majorité des régions touristiques du Québec disposent de sommes de 5 à 20 fois supérieures à celle dont nous disposons pour faire notre promotion, sans compter les sommes colossales à la disposition des régions de Montréal et de Québec.
Continuer pareil
Après une augmentation de fréquentation de 7% l’an dernier, l’industrie touristique des Îles a encore toutes les raisons d’être optimiste pour la prochaine saison. Le taux de change du dollar canadien favorise plus que jamais le tourisme intérieur et la destination des Îles revêt toujours un caractère chez nombre de Québécois. Or, dans ce secteur économique extrêmement compétitif, toutes les régions du Québec et les provinces de l’Atlantique se font concurrence. Le premier défi pour l’archipel sera toujours de convaincre le visiteur de choisir la destination des Îles plus que toute autre. Pour cela, la notoriété et l’ensemble des attraits de notre archipel ne peuvent seuls assurer des résultats à la hauteur de nos attentes. Pour maintenir notre positionnement et accroître les retombées de l’industrie, les efforts de promotion des Îles devront nécessairement se poursuivre, se raffiner et s’accentuer, ce que doivent permettre les revenus issus de la taxe sur l’hébergement. Nous n’avons pas le choix.
