Nav Canada annonce la mise en place d’une approche de précision à l’aéroport de Havre-aux-Maisons pour mars 2017. Cette excellente nouvelle, qui survient à une semaine de la visite aux Îles du ministre des Transports, Marc Garneau, ne diminue en rien l’urgence d’une décision fédérale en faveur de l’allongement de la piste d’atterrissage.
Pour Nav Canada, l’amélioration des conditions d’approche au moyen de la technologie LPV (guidage latéral et vertical par GPS) fait partie d’un plan de mise à niveau déployé dans l’ensemble des aéroports desservis. Rien à voir avec la catastrophe aérienne qui a décimé la famille de Jean Lapierre le 29 mars, affirme-t-on. N’empêche, cette amélioration de l’instrumentation d’approche correspond aux demandes minimales réitérées par la communauté madelinienne dès le mois d’avril, une mesure qui augmentera la sécurité des passagers.
Pour les appareils dotés de cette technologie, dont ceux de Pascan Aviation, l’approche LPV facilitera le travail des pilotes tout en abaissant sensiblement le plafond minimum nécessaire à l’atterrissage de 400 à 250 pieds. Quand on sait que plus de 20 % des vols commerciaux à destination des Îles sont reportés ou annulés en raison des mauvaises conditions climatiques, l’effet sur la fiabilité de la desserte sera certes bénéfique. Pour en tirer pleinement avantage, Air Canada, dont les vieux Dash-8 ne sont pas pourvus des équipements nécessaires, devra toutefois mettre à jour ses appareils ou les remplacer.
L’allongement de la piste toujours nécessaire
Cette première mesure d’amélioration de la desserte aérienne de l’archipel par Nav Canada ne dispense en rien le gouvernement fédéral d’investir dans mise à niveau des infrastructures aéroportuaires par l’allongement de la piste 07-25. Ces deux mesures sont indépendantes, mais complémentaires dans leurs effets sur l’amélioration des conditions de sécurité et de fiabilité de ce service essentiel que constitue le transport aérien en milieu insulaire.
Rappelons que la trop courte piste d’atterrissage impose toujours des limitations inacceptables aux opérations de l’avion-ambulance, dans des conditions de pluie ou de neige qui, selon le jargon, contaminent la piste. Évidemment, il va de soi qu’on ne choisit ni le jour, ni l’heure, ni la météo propice aux évacuations médicales d’urgence! À cela s’ajoutent les cas de pénuries de médicaments et toutes les turbulences vécues par les Madelinots dues aux multiples annulations de vols qui pourraient être atténuées par l’allongement de la piste.
Le remplacement imminent des appareils d’Air Canada, l’accès à de plus gros appareils favorisant le développement économique et touristique sont parmi les autres arguments qui militent en faveur de l’allongement de la piste. Après plus de 25 ans de tergiversations, le gouvernement fédéral devrait enfin reconnaître que «l’efficacité opérationnelle» actuelle et à venir de son aéroport et sa «rentabilité» pour le milieu commandent un allongement de la piste d’atterrissage.
Un engagement électoral
On imagine bien que c’est ce genre d’arguments qui ont convaincu la candidate libérale aux élections d’octobre dernier, Diane Lebouthillier, de faire de l’allongement de la piste un engagement électoral-clé de sa campagne. Devenue députée et ministre du Revenu national, Mme Lebouthillier ne semble plus se souvenir des raisons qui ont motivé sa promesse. En effet, lors de son passage aux Îles, il y a deux semaines, la députée-ministre a formulé une surprenante série de questions. «On a besoin de quoi? Est-ce qu’on a besoin d’appareils, disait-elle. On as-tu besoin d’une piste de 5500 pieds, de 6000 pieds? Qu’est-ce que ça implique? On va avoir besoin d’une étude parce que là pour l’instant on entend plein de choses…»
Il n’y a évidemment rien de répréhensible dans le fait de vouloir préciser la problématique actuelle et les besoins des Madelinots en matière de transport aérien. On s’attendrait toutefois à ce que la députée fédérale de la Gaspésie et des Îles s’approprie le dossier comme l’un de ses engagements prioritaires. Qu’elle pose des questions, soit, mais qu’elle avance aussi des hypothèses de solution à un dossier qui est désormais le sien. Si elle souhaite une étude, il lui appartient de convaincre sans délai son collègue ministre des Transports de faire le nécessaire et d’en assumer la responsabilité.
Le ministre en visite aux Îles
On peut d’ailleurs tracer ici un parallèle avec le transport maritime. Lors d’une visite à Ottawa, en juin 2007, les représentants municipaux avaient convaincu le ministre conservateur de l’époque, Lawrence Cannon, de mener une étude socio-économique sur l’opportunité d’un lien maritime hivernal. Après deux ans de travail assidu, de mobilisation et de persévérance, la traverse à l’année s’est concrétisée en février 2009.
Ainsi, une étude socio-économique, indépendante et financée par Ottawa, constitue peut-être la première étape à franchir vers l’allongement de la piste. Mais pour cela, la députée des Îles doit s’en montrer convaincue et faire preuve de leadership. De son côté, le ministre des Transports, Marc Garneau, doit démontrer une ouverture sans équivoque au projet.
Or, son refus de rencontrer le maire des Îles à Ottawa, le mois dernier, sème le doute. Devant l’insistance du maire à se rendre sur la colline parlementaire le rencontrer, le ministre Garneau s’est permis une réponse aussi claire que cinglante. «Il ne sera pas nécessaire de vous déplacer à Ottawa, en engageant des frais pour vos commettants, étant donné que je prévois déjà me déplacer aux Îles-de-la-Madeleine au mois de juillet. Je vous propose donc de tenir cette rencontre à ce moment.»
Cette rencontre sera donc déterminante. En plus d’un engagement attendu en matière de transport aérien, on s’attend à ce que le ministre confirme formellement l’abandon du projet de cession du port de Cap-aux-Meules et annonce ses intentions quant au remplacement du traversier Madeleine et à l’avenir de la desserte maritime.