Dans un rapport alarmant publié au début du mois, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) affirme que les océans sont lourdement affectés par le réchauffement climatique. Pour un archipel qui dépend largement des ressources marines du golfe, ces données ont de quoi faire réfléchir. D’autant que notre empreinte écologique collective contribue significativement au phénomène.
Selon les chercheurs, les océans ont agit comme un tampon face à la hausse généralisée des températures sur la planète. Ils estiment que la masse océanique a absorbé 93% des hausses de températures provoquées par les gaz à effet de serre produits depuis 1970. Autrement, il ferait 36 °C de plus qu’actuellement sur la planète, un véritable cataclysme !
On sait aussi que l’océan devrait encore se réchauffer de 1 à 4 degrés d’ici la fin du siècle. Dans les zones côtières, comme aux Îles-de-la-Madeleine, la température grimpe 35% plus rapidement qu’en haute mer. Tout cela n’est pas sans effet sur les écosystèmes marins et les ressources halieutiques, malades des changements climatiques.
Des effets multiples
On a souvent parlé aux Îles des effets du réchauffement climatique sous l’angle des perturbations causées par la dilatation thermique et la hausse du niveau de la mer. On pense ici à l’érosion des berges, à la diminution du couvert de glace, à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes. On connaît les défis techniques et financiers que représentent la protection et l’adaptation aux effets des changements climatiques.
Ce que l’on connaît moins, ce sont les effets du réchauffement des mers sous la surface de l’eau. Le phénomène a des impacts sur la nutrition, la reproduction et les modèles de migration des espèces halieutiques et des oiseaux de mer.
Ainsi, le réchauffement de la mer représente un facteur clé de la migration du maquereau vers le nord du golfe. Cette espèce, autrefois abondante dans nos eaux, déserte un peu plus l’archipel chaque année. En contrepartie, des espèces envahissantes se font de plus en plus nombreuses autour des Îles, avec les risques que cela comporte pour les espèces indigènes.
On apprenait récemment que la population des fous de Bassan du Rocher aux Oiseaux serait en baisse en raison des distances de plus en plus longues qu’ils ont à parcourir pour suivre les bancs de poissons. Ils délaissent ainsi plus longtemps leurs nids qui, abandonnés, deviennent la proie des prédateurs.
En mariculture, les médias font état d’une bactérie qui colonise les élevages d’huîtres en migration des côtes de la Nouvelle-Angleterre vers les eaux canadiennes à la faveur du réchauffement de l’eau. Les ostréiculteurs de la Nouvelle-Écosse sont sur un pied de guerre, certains se voyant contraints de déposer leurs casiers d’élevage en eaux plus profondes, à des températures plus basses, avec les frais que cela comporte et sans aucune garantie.
Il faut noter que le réchauffement de l’eau en augmente la salinité et l’acidité, tout en réduisant par ailleurs son apport en oxygène. Du plancton aux mammifères en passant par les algues et homard, toutes les espèces en sont affectées.
Sous l’effet du réchauffement de l’eau, nul doute que les aires de distribution du crabe des neiges et du homard seront profondément affectées d’ici 50 ans. L’habitat du crabe, qui vit à des températures plus froides, devrait diminuer sensiblement, ce qui entrainera des conséquences négatives sur les stocks et éventuellement sur les prises des pêcheurs. Le homard peut certes tolérer des températures plus chaudes, sa croissance pourrait même s’avérer plus rapide, mais la qualité du produit, donc sa valeur, pourrait diminuer en raison d’une mue plus fréquente.
Ces exemples qui ne sont que quelques-uns des indices qui nous permettent de croire que les changements en cours mettent non seulement à risque les écosystèmes, mais également notre économie et le bien-être de nos populations.
Un défi planétaire, des actions locales
Malgré les rapports scientifiques alarmants et en dépit de l’accord de Paris sur les changements climatiques, en décembre dernier (pour limiter l’augmentation de la température en dessous de 2 degrés), la Terre et les océans continuent de se réchauffer. Le mois d’août, fort agréable dans l’archipel au demeurant, aura été le plus chaud de tous les mois d’août depuis 136 ans, selon l’Institut Goddard de la NASA. Tant et si bien que 2016 risque de devenir l’année la plus chaude de l’histoire.
Les chercheurs qualifient le réchauffement des océans du «plus grand défi caché de notre génération». Pour y faire face, l’action locale doit nécessairement venir donner un sens aux engagements gouvernementaux et aux accords internationaux.
C’est ainsi que l’adoption, prévue cet automne, d’une stratégie énergétique par la municipalité des Îles, prévue cet automne, prend tout son sens. Faut-il le rappeler, ce sont essentiellement les besoins énergétiques de l’humanité qui générèrent la production de gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement du climat et des océans. Aux Îles, le transport et, surtout, la production d’électricité à la centrale thermique au mazout d’Hydro-Québec constituent les principales sources d’émissions des GES.
On ne peut donc envisager une contribution locale dans la lutte aux changements climatiques sans procéder à une réelle transition énergétique dans l’archipel. À ce chapitre, la volonté exprimée récemment par Hydro-Québec d’entamer un virage vers les solutions alternatives de productions d’énergie vertes est la bienvenue. Un virage qui devra se faire avec l’apport des citoyens, des entreprises et des instances de gouvernance locale, en tenant compte du principe d’acceptabilité sociale et des impacts socio-économiques et environnementaux dans l’archipel