Hydro-Québec a annoncé cette semaine la création d’une table d’échange sur l’avenir énergétique des Îles. Il s’agit d’une excellente nouvelle pour la communauté madelinienne, pourvu que les modalités de fonctionnement de cette nouvelle instance et sa composition assurent la transparence totale de l’exercice.
C’est le nouveau président d’Hydro-Québec Distribution, David Murray, qui a confirmé la décision de la société d’État, concrétisant ainsi l’engagement pris envers le milieu par le PDG, Éric Martel, lors de sa visite dans l’archipel en juin dernier. On se souviendra que le plan stratégique 2016-2020 de la société d’État prévoit la conversion graduelle des réseaux autonomes à des sources d’énergie plus propres et moins couteuses. Pour la centrale thermique des Îles, l’appel d’offres est prévu en 2019.
Nouvelle approche ?
Il faut espérer que l’annonce de cette semaine marque véritablement le début d’une nouvelle façon de faire de la part d’Hydro-Québec plutôt qu’une nouvelle stratégie de relations publiques. La société d’État n’a pas trop l’habitude de se mettre à l’écoute de la population, invoquant la plupart du temps les facteurs de sécurité énergétique, les exigences de rentabilité de son principal actionnaire, les contraintes imposées par la Régie de l’énergie ou le secret corporatif pour justifier ses décisions a posteriori. On n’a qu’à penser à sa malheureuse tentative de doter l’Ile d’Entrée d’une éolienne ou à la laborieuse gestion de crise, et de l’information, dans la foulée du déversement d’hydrocarbures dans le port de Cap-aux-Meules, en septembre 2014.
Il ne faut pas oublier par ailleurs la position ambigüe tenue par Hydro-Québec dans le débat sur les éventuels forages gaziers de Gastem, ces dernières années. Tout en se défendant d’avoir intérêt à convertir la centrale de Cap-aux-Meules au gaz naturel, la société d’État n’y fermait pas la porte non plus. De même, l’engagement d’Hydro-Québec à participer au développement d’une stratégie énergétique territoriale, entrepris par la municipalité il y a 5 ans, aura été pour le moins timide.
L’annonce récente d’un virage vert embrassant le développement d’énergies renouvelables dans le respect des préoccupations sociales, économiques et environnementales des Madelinots apparait ainsi de bon augure.
Avenir de la centrale
L’avenir de la centrale thermique de Cap-aux-Meules, coûteuse et polluante, se situe au coeur de cette initiative de concertation de la part d’Hydro-Québec. Or, comme chacun le sait depuis fort longtemps, le dossier de l’alimentation en électricité du territoire ne peut être abordé sérieusement sans s’inscrire dans le contexte énergétique, environnemental et socio-économique d’ensemble de l’archipel.
La question des retombées économiques de la centrale dans le milieu, directes et indirectes, revêt évidemment une importance capitale. De la conversion de la centrale au gaz naturel liquéfié ou extrait su sous-sol madelinot, en passant par l’utilisation de biocarburants ou de biomasse jusqu’à la mise en place d’un câble sous-marin, l’éventail des hypothèses est vaste et les analyses complexes.
Par ailleurs, le bilan exhaustif des programmes d’économie d’énergie et de conversion au chauffage au mazout devra être rendu public. Il y a à peine deux ans, Hydro-Québec affirmait que la durée de vie utile de la centrale était prolongée de 12 ans, jusqu’en 2035, ce qui justifiait la mise en veilleuse des études sur l’implantation d’un câble sous-marin. Ces nouveaux calculs découlaient, disait-on, des succès du programme de conversion dont le plafonnement était pourtant de notoriété publique…
Laboratoire de production en énergie renouvelable
Il est à souhaiter que les travaux de la table d’échange sur l’avenir énergétique des Îles permettent de donner une impulsion définitive aux projets de développement éolien aux Îles. Le projet initial de 6 MW, piloté par la Régie de l’énergie Gaspésie-Les Îles, devrait voir le jour d’ici trois ans. On aurait toutefois tort de rejeter du revers de la main toute autre initiative, comme celle annoncée l’été dernier, certes maladroitement, par Tugliq. De tels projets devront être analysés objectivement, à la lumière de leurs impacts environnementaux, sociaux et économiques.
Les discussions sur l’avenir énergétique des Îles devront aussi, faut-il espérer, confirmer l’ouverture de la société d’État à toutes les initiatives innovantes en matière de production d’énergie verte, sur le plan commercial ou en autoproduction chez les particuliers. La mise en place aux Îles d’un véritable banc d’essai des énergies renouvelables pourrait être lucrative et mener au développement d’une expertise locale exportable en la matière. S’il croit véritablement à la transition énergétique, le gouvernement se doit de soutenir le milieu afin de faire des Îles un laboratoire de production en énergie renouvelable et une vitrine technologique comme plusieurs le réclament depuis une dizaine d’années.
Tous à table !
C’est donc non seulement de l’avenir de la centrale d’Hydro-Québec dont il sera question à la table d’échange que la société d’État propose, mais bien de l’avenir énergétique des Îles. Le dossier est vaste et interpelle tous les Madelinots.
On ne peut évidemment tous participer à l’ensemble des échanges et à toutes les étapes des travaux. Cela étant, il serait souhaitable que la table d’échange constitue un véritable forum de discussions où l’expression d’une diversité de point de vue soit possible, voire encouragée. Aussi, la légitimité de l’initiative sera d’autant plus grande que les représentants de l’ensemble des organisations significatives de la société civile seront présents.
On pourrait par exemple s’inspirer du modèle de la table de concertation sur les hydrocarbures, dont les enjeux territoriaux s’apparentent à ceux de l’avenir énergétique des îles. On pourrait même convertir la table sur les hydrocarbures, en révisant sa composition pour inclure notamment le personnel d’Hydro-Québec, en table d’échange sur la transition énergétique. Cela assurerait une représentation plus large de la population madelinienne et la prise en compte d’un éventail plus représentatif de points de vue. Sans négliger une reddition de compte publique régulière et une éventuelle participation citoyenne au débat. 