Les bottines et les babines

Personne ne conteste le rôle essentiel des organismes d’action communautaire autonome dans l’accompagnement et le soutien des personnes les plus démunies, ou les plus vulnérables de notre communauté. Alors que le régime d’austérité accentue la pression sur ces groupes, leur financement stagne et les rend tout aussi vulnérables que les clientèles qu’ils desservent.

Coup sur coup, nous avons vu le mois dernier une campagne de sensibilisation à l’action communautaire autonome suivie d’une mobilisation nationale en faveur d’un réinvestissement de l’État. La réponse du gouvernement, toujours la même, consiste à saluer le travail des groupes communautaires tout en évitant soigneusement de reconnaître leur sous-financement. Les surplus budgétaires engrangés notamment sur le dos des organismes d’action communautaire sont pourtant l’occasion pour le gouvernement pour corriger la situation, pour que les bottines suivent les babines.

Un rôle essentiel

Aux Iles-de-la-Madeleine, on compte pas moins de 17 organismes membres de la table des organismes communautaires. Ils sont présents et actifs dans en matière d’entraide et d’action bénévole, en santé mentale, en hébergement et en alimentation. Ils accompagnent les jeunes et les familles, soutiennent les femmes victimes de violence, les hommes en difficulté ou violents, les personnes handicapées, etc.

Ces organismes jouent un rôle de soutien dont l’État ne pourrait plus se passer dans sa prestation de services sociaux et de santé aux citoyens. Il offrent bien souvent l’écoute, l’accompagnement, le soutien et les services que l’État ne se donne plus les moyens d’offrir. Et ils le font à une fraction de ce qu’il en coûterait à Québec s’il assumait ces responsabilités au sein du réseau public de la santé et des services sociaux.

Les organismes communautaires sont issus du milieu, se développent en fonctions des besoins particuliers des communautés qu’ils desservent et ajustent leurs services aux besoins d’une clientèle qu’ils connaissent et fréquentent au jour le jour, sur le terrain. Ils sont créateurs de bien-être et de solidarités.

Ils sont autonomes, autogérés et obtiennent, certes, une reconnaissance de l’État pour services rendus, mais le financement de base qui en découle est depuis toujours inadéquat et insuffisant.

Sous-financement

Selon le Regroupement des organismes communautaires de la Gaspésie et des îles, le réseau régional souffre d’un manque à gagner de 13 millions de dollars par année. En fait, il faudrait ni plus ni moins que doubler leur financement pour atteindre le seuil de financement plancher que revendique le milieu communautaire pour leur permettre de fonctionner sur une base annuelle. Les seuils plancher représentent le minimum pour qu’un organisme puisse réaliser sa mission.

Cela ne signifie pas qu’un financement complémentaire, projet par projet ou par souscription publique, ne serait plus nécessaire dans la majorité des cas. Mais contrairement à la situation actuelle, cette approche ne serait plus la norme pour tenter d’assurer les opérations de base.

Selon le milieu communautaire, les compressions de 4 milliards de dollars dans les services publics gouvernementaux depuis 2014 ont eu pour effet d’accentuer les problématiques de santé et la détresse des personnes les plus vulnérables, entrainant une augmentation des demandes d’aide et de soutien auprès des organismes. Sans surprise, le nombre de dossiers référés par le CISSS aux services du milieu communautaire serait de plus en plus nombreux.

En réponse aux appels à des réinvestissements, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, soutient que les budgets des organismes communautaires n’ont pas été réduits, que le milieu communautaire a été épargné. Ce faisant, le ministre détourne le débat et évite la question de fond : le financement des organismes communautaires est-il adéquat ?

On pourra aussi préciser que le budget de certains organismes a été partiellement indexé. Or, une indexation partielle correspond, dans les faits, à une réduction de la capacité d’action d’un organisme en tenant compte de l’augmentation du coût de la vie. Il en va de même, et à plus forte raison, pour les organismes dont le budget n’a pas été ni indexé, ni réduit. Si au surplus, il ne reçoit que la moitié du financement minimum dont il a besoin, on devine le défi que cela représente au fil des années.

Statu quo intenable

Dans la situation actuelle, le personnel des organismes communautaires passe une partie importante de son temps et de son énergie à la recherche de financement pour assurer la continuité de services. Il s’agit d’une course sans fin et sans bon sens, qui ampute nécessairement la prestation de service aux clientèles.

Aux Îles, les organismes sont de plus en nombreux à interrompre périodiquement leurs services, en mettant temporairement leur personnel à pied, afin de joindre les deux bouts. D’un point de vue organisationnel, cette incertitude, cette précarité entraine des problèmes récurrents de recrutement et de rétention d’une main-d’œuvre qualifiée.

Et que dire du service à la population. Qu’advient-il, en effet, de la personne en difficulté ou victime de violence si la maison d’hébergement est fermée, ne serait-ce que temporairement, pour cause de manque de budget ? Qu’advient-il des personnes handicapées quand leur association suspend ses activités par manque de fonds ? Qu’advient-il de la femme victime de viol si les portes du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel sont fermées pour l’été?

En matière de justice sociale et de service aux personnes en difficulté, on ne peut se résigner à des services offerts au gré de subventions ponctuelles et insuffisantes. Le gouvernement a le devoir d’assurer le minimum vital aux organismes d’action communautaire.

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