Trop chers, les billets d’avion pour venir aux Îles ? Bien sûr, pourrions-nous dire dans la plus parfaite unanimité. Malgré ce constat qui ne date d’ailleurs pas d’hier, il ne se passe rien de bien concret qui puisse nous permettre d’entrevoir des solutions à cette situation ruineuse pour les insulaires que nous sommes et pour l’économie toujours chancelante de notre archipel.
Dans ce contexte, l’initiative de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) de s’attaquer de front à la problématique des coûts prohibitifs des billets d’avion en région, apparaît comme une éclaircie dans un ciel sombre. Présidé par le maire de Gaspé, Daniel Côté, un nouveau comité de l’UMQ a entrepris de démystifier les causes de ces tarifs astronomiques qui nous étranglent et d’appeler les gouvernements à agir, sous l’angle du développement économique. Enfin !
Un enjeu important
La première retombée positive de cette initiative consiste à ramener le sujet du transport aérien à l’avant plan des préoccupations économiques et sociales et d’en faire en enjeu politique clé pour les régions du Québec. Il faut noter que c’est la première fois que l’UMQ, qui représente surtout les villes plus populeuses du Québec, s’intéresse de si près au dossier du transport aérien. C’est peut-être que le monde politique, comme la nature, a horreur du vide.
On se rappellera que le ministère des Transports du Québec a joué son rôle de chien de garde des services de transport aérien en région de 2006 à 2011. Le comité de suivi du transport aérien régional a permis notamment de bonifier le Programme de réduction des services aériens (RTA) dont profitent les Madelinots, de mettre sur pied le Programme d’aide au transport aérien (PATA) et de mener quelques études de même qu’une veille. Ce sont les représentants des Conférences régionales des élus qui assuraient un relais efficace avec les régions.
Depuis, le comité de suivi a été abandonné, le RTA amputé de sa portion voyage hors Québec, le PATA aboli et les Conférences des élus démantelées. Entretemps, nul besoin de mentionner que la situation du transport aérien ne s’est pas améliorée, non plus que la tarification des billets.
Les prix
On le sait tous, il en coûte moins cher d’acheter un billet aller-retour de Montréal vers Paris, Las Vegas, la Havane ou Miami que de réserver un siège à destination de l’archipel. Si ce constat surprend bien souvent les Montréalais, qui y penseront deux fois avant de choisir les Îles, il ne semble plus susciter chez les Madelinots que cynisme et résignation. Le programme de réduction des tarifs aériens du gouvernement du Québec, qui permet aux Madelinots d’obtenir 30% de remboursement, contribue sans doute à amenuiser le sentiment chez les insulaires de se faire escroquer.
N’empêche que le tarif aller-retour moyen d’environ 1000$, sans compter les frais de bagages qui s’ajoutent comme une insulte à l’injure, c’est astronomique ! On aura bien souvent tendance à s’en prendre aux transporteurs qui invoquent leur faible volume d’affaires pour justifier leurs tarifs. Le jeu de l’offre et de la demande, de même que l’achalandage variable n’en sont pas moins des phénomènes réels qui pousse les prix des billets à la hausse, au moins autant que la faible concurrence.
Or, ce que l’on néglige souvent dans l’équation, c’est que les billets d’avion sont tout simplement surtaxés chez nous. Selon le chercheur Mohamed Reda Khomsi, de l’UQAM, les tarifs aériens incluraient 48% de taxes et frais indirects au Québec contre 18% aux États-Unis. C’est d’abord sur ce clou que les élus de l’UMQ veulent frapper en poursuivant l’analyse du dossier avant d’interpeller formellement les deux paliers de gouvernement d’ici les prochains mois.
Vers un sommet sur le transport aérien
L’initiative de l’UMQ intervient alors que le gouvernement du Québec a annoncé en juillet 2016 son intention de tenir un sommet sur transport aérien… éventuellement. Ce rendez-vous, curieusement piloté par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, pourrait néanmoins permettre de rappeler le gouvernement du Québec à ses responsabilités. De son côté, le gouvernement fédéral doit aussi revoir sa Politique nationale des transports, aujourd’hui désuète. Les gouvernements d’Ottawa et de Québec ont trop souvent camouflé leur inaction derrière le paravent de la loi du marché et de la déréglementation du secteur aérien. Or, si on postule que le prix élevé des tarifs aériens constitue un frein au développement des régions, et que ce sont les taxes et autres frais indirects qui propulsent les prix à la hausse, les gouvernements ne peuvent plus se défiler.
Outre la taxation, il faudrait aussi analyser la possibilité de bonifier encore le programme de réduction des tarifs aériens pour les particuliers, mais explorer également la possibilité de crédit d’impôt ou toute autres mesures qui permette aux acteurs du développement économique de ne plus considérer les coûts du transport vers les régions comme un frein, un handicap à l’investissement. Ce faisant, l’on soutiendrait à la fois le développement des affaires et l’augmentation de l’achalandage en régions, ce qui pourrait même entraîner la bonification des services aériens en tant que tels.
L’union fait la force
Pour secouer les gouvernements de leur torpeur en matière de transport aérien, il faudra certes peaufiner l’argumentaire, se montrer déterminé et, surtout, bâtir un vaste front commun. La Municipalité des Îles, qui n’est pas membre de l’Union des municipalités du Québec, devra suivre le dossier de très près. Active au sein de la Fédération québécoise des municipalités, notre municipalité aurait avantage à travailler à la mobilisation de l’ensemble du monde municipal autour d’une approche commune. Il faut à tout le moins rebâtir certaines alliances avec la Gaspésie, la Côte-Nord et l’Abitibi.
Faire cavalier seul apporte peu de résultats en matière de transport aérien. On est d’ailleurs toujours sans nouvelle de la demande de financement de plus de 4 millions $ pour un «nouveau modèle» en matière de transport aérien spécifique aux Îles, remise au député Germain Chevarie en mai 2015. Entretemps, ni l’offre ni les tarifs aériens ne se sont améliorés.
