Développement social : Plus nécessaire que jamais

L’approche territoriale intégrée en développement social a pris racine dans l’archipel il y a dix ans. À l’issue d’un important forum, tenu la semaine dernière, on peut conclure que le travail concerté pour améliorer les conditions de vie des Madelinots n’a pas perdu de sa pertinence, bien au contraire.

Non pas que le bilan des actions concertées ne soit pas éloquent et fort satisfaisant. Si les efforts concertés en développement social doivent impérativement se poursuivre, c’est que l’archipel n’a pas échappé aux mesures d’austérité gouvernementales, que les inégalités sociales et économiques persistent, et s’aggravent même, que la pauvreté demeure présente sous de multiples visages, que le décrochage social et scolaire se perpétue.

Un bilan positif

Depuis 10 ans, on dénombre pas moins d’une cinquantaine de projets menés avec succès dans la communauté en lien avec l’approche intégrée en développement social. Du cirque social à l’intégration des jeunes en difficultés au terrain de jeux, des ateliers de cuisine chez les enfants aux activités d’initiation à la lecture, de la mobilisation contre la réforme de l’assurance-emploi au récent sondage qui a révélé les surcoûts de 17% du panier d’épicerie aux Îles, les initiatives sont nombreuses et variées.

Le travail de concertation n’a pas généré à lui seul toutes les initiatives, mais il y a plutôt apporté un soutien financier ou logistique, un accompagnement. Il a permis aux gens de terrain de mieux cibler les besoins, de partager des objectifs communs et d’éviter les dédoublements d’efforts en favorisant le travail en complémentarité. Quand les besoins sont si nombreux et les ressources nécessairement limitées, particulièrement dans le milieu communautaire, l’approche territoriale et collaborative est la plus susceptible de porter fruit.

Au Québec, l’archipel a fait figure de pionnier dans l’intégration des diverses initiatives de développement social déployées depuis 10 ans. C’est ainsi que les fonds gouvernementaux consentis à l’Alliance pour la solidarité, ceux de Québec en forme et d’Avenir d’enfants ont pu être canalisés et investis dans des activités imaginées et choisies par des gens d’ici, selon les priorités du milieu. Jusqu’à 450,000 dollars par année ont été investis aux Îles en développement social ces dernières années.

Les succès de la concertation

Le développement social aux Îles n’est pas né avec l’approche intégrée. Ce n’est pas d’hier que des dizaines d’organismes communautaires, d’intervenants et de bénévoles se dévouent à la lutte à la pauvreté et à l’exclusion, au soutien et à l’accompagnement des personnes les vulnérables de notre communauté. Mais dix ans après le Sommet sur le développement social du gouvernement Bouchard, les institutions municipales, scolaires et du domaine de la santé des services sociaux des Îles se sont rapprochées des organismes de terrain, favorisant un meilleur arrimage de leurs visions respectives et de leurs actions.

Cela paraît bien simple, mais de nombreuses difficultés, voire certaines résistances, ont dû être surmontées pour établir la confiance et la compréhension mutuelles, le respect des missions de chacun et l’adoption d’un plan d’action concerté. La participation enthousiaste d’une centaine d’intervenants au rendez-vous de la semaine dernière illustre bien le chemin parcouru. Les deux plus grandes réussites de la dernière décennie auront été de démontrer l’importance de la concertation dans une communauté comme les Îles et de mettre le développement social à l’avant-plan des préoccupations collectives.

Les champs d’action en développement social ont d’abord ciblé la pauvreté et l’exclusion sociale, les saines habitudes de vie puis la petite enfance pour s’attaquer ensuite à la persévérance scolaire, au logement collectif, à la toxicomanie et autres dépendances, au répit aux familles et à la situation des aînés. Il reste beaucoup à faire…

Beaucoup à faire

S’il reste en effet beaucoup à faire à tous égards, les participants au forum de la semaine dernière ont identifié la lutte aux inégalités et le développement social durable comme des enjeux dominants. S’ajoutent à ces préoccupations les défis bien terre-à-terre de la reconnaissance et du soutien gouvernemental au travail des organismes du milieu, le financement des activités et de la concertation en développement social et la gouvernance.

On le sait, les organismes communautaires souffrent d’un manque de financement gouvernemental chronique qui limite à la fois leur capacité d’action et de concertation. Car pour générer des résultats, la concertation, ça prend du temps et bien des énergies. Au déficit de financement s’ajoute un déficit de reconnaissance du travail réalisé sur le terrain. Un travail que complique encore davantage le désengagement de l’État et les récentes compressions dans les programmes.

En matière de développement social, le gouvernement a annoncé son intention de renouveler l’alliance pour la solidarité, échue depuis plusieurs mois, sans pour autant en préciser les modalités de déploiement. L’abolition des Conférences des élus, qui servaient à la coordination et à la répartition régionale des budgets, laisse planer l’incertitude sur les nouvelles façons de faire.

Le retrait gouvernemental des programmes de partenariat avec la Fondation Chagnon (Québec en forme et Avenir d’enfants) a par ailleurs provoqué un repositionnement de ce bailleur de fonds dont l’impact financier et logistique sera majeur. Dans ces circonstances, la pérennité des interventions en matière de développement social est loin d’être acquise.

Tout à l’économie ?

En abolissant les structures régionales de développement et de concertation, le gouvernement a misé sur le transfert des responsabilités du développement aux élus municipaux et MRC. Ces derniers ont non seulement moins de ressources financières, mais leur mandat cible le développement économique sans référence explicite au développement social. Même le nouveau Fonds d’appui au rayonnement des régions (FARR) semble cibler essentiellement le développement économique.

L’expérience acquise ces dernières années, la tradition de concertation et le contexte insulaire madelinot pourraient toutefois nous permettre à tout le moins de sauver les meubles. Si la Communauté maritime des Îles aspire de plus en plus être reconnue comme un gouvernement régional, elle devra en assumer les responsabilités et trouver les moyens de réconcilier développement économique et développement social. Dans une société qui souhaite réduire les inégalités, l’un ne va d’ailleurs pas sans l’autre.

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