Stratégie énergétique: Vers la transition

Le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques, déposé à la municipalité le 14 février, marque le début de la phase finale du laborieux projet visant à doter les Îles d’une stratégie énergétique territoriale. Si la période de consultations est bel et bien terminée, la transparence et le travail de concertation demeurent plus que jamais essentielles au succès de la démarche de transition énergétique.

Le rapport de la commission rappelle d’abord les faits saillants du portrait énergétique des Îles illustrant la pétrodépendance totale des Madelinots qui justifie de passer à l’action. On y rappelle la place prépondérante de la consommation d’hydrocarbures en matière de transport, milieu insulaire et maritime oblige, et bien évidemment celle tout aussi importante de la centrale thermique. Pour citer le rapport, «l’électricité produite aux Îles est 336 fois plus émettrice de GES que celle produite par l’hydroélectricité du Québec. Autrement dit, allumer une ampoule aux Îles équivaut, en terme d’émissions, à en allumer 336 à Montréal.»

Au terme d’une consultation publique et de rencontres ciblées, le rapport fait la synthèse des défis et des enjeux énergétiques, regroupés autour de neuf thèmes; de la production de GES à l’efficacité énergétique en passant par le développement économique et la gouvernance. Il révèle les avenues consensuelles, mais aussi certaines tendances contradictoires. Les commissaires formulent enfin 22 recommandations, parmi lesquelles figure l’identification d’actions concrètes, d’objectifs précis et de cibles mesurables, prenant appui sur les pouvoirs municipaux de réglementation et d’influence.

Une stratégie territoriale

Bien que le rapport de consultation suggère certaines pistes et balises, le travail d’élaboration de la stratégie en tant que telle n’en constitue pas moins un vaste chantier. Une fois les principes et orientations établis, il faudra identifier les axes d’interventions, les actions, les responsables et les partenaires, chiffrer les coûts, de même que fixer des échéanciers réalistes, mais ambitieux.

Puisque la Communauté maritime des Îles est loin de contrôler l’ensemble des leviers nécessaires à la transition énergétique aux Îles, la stratégie doit s’élaborer en concertation avec les partenaires du milieu, Hydro-Québec et les deux paliers de gouvernement. Elle devra aussi rejoindre et mobiliser les citoyens. II ne s’agit pas seulement de préparer une stratégie municipale ou institutionnelle, mais comme l’évoquent les commissaires, d’en faire un projet de société.

Il faudra d’ailleurs, à cet égard, éviter l’écueil qui a mené à l’adoption d’une politique environnementale municipale sans envergure, l’automne dernier. Cette politique institutionnelle évoque plusieurs principes vertueux, mais elle n’engage que l’institution. Sans plan d’actions, sans échéanciers ni moyens, la politique environnementale demeure une coquille vide.

Pourquoi une stratégie ?

Davantage qu’une politique, qui doit être accompagnée d’un plan d’actions, la stratégie énergétique est dans son essence même un plan d’actions coordonnées dans le but d’atteindre un certain nombre d’objectifs précis. Le rapport de consultations réitère à juste titre que la stratégie énergétique aura pour objectif de «réduire notre empreinte énergétique (GES), de garantir notre approvisionnement énergétique à moyen et long terme et atteindre une plus grande autonomie, et d’assurer des conditions de développement socioéconomique favorables.»

Il ne faut toutefois pas oublier qu’à l’origine, dès le lancement des travaux en 2011, l’épineuse question de l’exploitation des hydrocarbures, sur l’archipel ou en milieu marin, était au cœur de la démarche. En d’autres mots, une stratégie énergétique territoriale intégrée ne peut se concentrer que sur la réduction des GES, et s’ouvrir aux énergies nouvelles, sans se positionner également sur la possibilité que l’archipel et le golfe du Saint-Laurent suscitent à nouveau la convoitise des pétrolières.

Pouvoir d’agir et pouvoir d’influence

Le rapport de consultation identifie avec justesse le fait que les moyens d’agir de la municipalité quant aux enjeux territoriaux sont de deux ordres : les pouvoirs inscrits dans les champs de compétences municipales et son pouvoir d’influence. Sur le plan institutionnel, la municipalité a déjà fait un bout de chemin dans l’amélioration de son bilan énergétique interne depuis 2012, dans le cadre du projet Climat-municipalités. La mise à jour de son plan d’action pourrait fort bien s’intégrer à la stratégie territoriale et servir de modèle de son engagement. Son pouvoir d’agir en matière de réglementation pourrait aussi offrir de nouvelles avenues aux citoyens en matière de production ou d’économie d’énergie, ou instaurer certaines règles et contraintes.

Or, sur les questions majeures et globales comme celles de l’avenir de la centrale thermique et de l’exploitation pétrolière, c’est sur son pouvoir d’influence que la municipalité doit miser face aux décideurs que sont Hydro-Québec et les gouvernements. Ce pouvoir d’influence sera d’autant plus significatif qu’il reflètera les consensus du milieu, il sera d’autant plus fort qu’il sera issu d’un processus continu d’information, d’échange et de dialogue avec les citoyens, les entreprises et les partenaires socioéconomiques.

Pilotage et validation

Les principaux enjeux énergétiques de l’archipel sont donc connus, mais les orientations, les actions concrètes et les cibles doivent encore être identifiées, priorisées, peaufinées. Puisqu’il s’agit d’un projet collectif qui dépasse largement les compétences municipales, il est à souhaiter que la Communauté maritime des Îles s’adjoigne pour ce faire un comité de pilotage représentatif des divers secteurs et tendances observables dans la population. L’objectif n’est pas de refaire la consultation, mais de s’assurer de la plus grande mobilisation des troupes derrière les objectifs communs et des actions concrètes que comprendra la stratégie. Une validation préalable du plan d’action serait également bénéfique pour favoriser une plus grande acceptabilité sociale et une adhésion citoyenne plus large à la démarche. Une appropriation formelle de cette stratégie par les principaux partenaires socioéconomiques de la municipalité pourrait aussi s’avérer intéressante pour élargir son champ d’action.

La dernière recommandation des commissaires propose de réviser la composition et le mandat de la commission des enjeux énergétiques. Parallèlement, la table des hydrocarbures, dont les préoccupations recoupent à l’évidence les enjeux énergétiques, est inactive depuis un an et demi. Pourquoi ne pas refondre les deux instances sans délai afin de favoriser l’élaboration et l’adoption d’une stratégie énergétique qui reflète la volonté de transition du plus grand nombre?

Éolienne2

 

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