Cinq jours ! Il aura fallu 5 longues journées pour que les services d‘évacuations aéromédicales transportent un patient madelinot vers un centre hospitalier de la région de Québec la semaine dernière. Cinq jours d’hémorragie, cinq jours d’attente et d’inquiétudes insupportables pour la victime et sa famille. Le plus inquiétant c’est que si peu de gens ne semblent réellement s’indigner de la situation, qui nous relègue au statut de citoyens de deuxième classe. Il s’agit pourtant d’un fait d’hiver qui n’a rien d’un fait divers…
Nous ne sommes pourtant pas dans la brousse ou au nord du 60e parallèle, dans l’archipel arctique. Pourquoi ce délai ? Que ce serait-il passé si le cas du patient avait été plus grave et plus urgent encore ? Dans le cas d’un accident de la route, par exemple, lorsqu’un patient gît entre la vie et la mort ? Plus troublant encore, le trafic aérien régulier semble avoir été maintenu pendant cette même période, sans perturbations majeures. On ne parle donc pas de 5 jours de brume continue, de blizzard ininterrompu ou de conditions météorologiques extrêmes.
Un avion trop lourd
Les autorités se font rassurantes, arguant que le patient a été maintenu dans un état stable, que d’autres cas plus urgents ont été pris en charge avant lui, que ce sont essentiellement les caprices de la météo qui sont en cause. On sait pourtant depuis l’automne 2014 que le Challenger CL-601, acheté au coût de 20 millions $ par le gouvernement du Québec, est inapte à atterrir aux Îles si la piste est mouillée ou enneigée parce qu’il est trop lourd. Depuis, personne ne semble se formaliser de cette situation qui met littéralement la vie des gens à risque. Faudra-t-il qu’il y ait mort d’homme pour que l’on réagisse autrement que par une sorte de déni ?
Selon les informations rapportées par la presse, le jet gouvernemental a besoin de 4000 pieds de piste de sèche pour atterrir en toute sécurité en raison du poids des équipements dont il est doté. Les 4500 pieds de la plus longue des deux pistes de Havre-aux-Maisons sont donc insuffisants pour les évacuations aéromédicales par temps de pluie ou de neige. C’est un peu comme si l’ambulance, les pompiers et la Garde-côtière et ne pouvaient répondre aux appels d’urgence que par beau temps. Rassurez-nous, quelqu’un !
Un cas exceptionnel ?
Les autorités ont laissé entendre qu’il s’agissait d’un cas exceptionnel. Pourtant, le député des Îles à l’Assemblée nationale, Germain Chevarie, affirme lui-même qu’on a recensé pas moins d’une quarantaine de cas de délais sur la soixantaine d’évacuations comptabilisées en 2015. Comment expliquer un tel taux d’inefficacité ? Avec une note d’à peine plus de 30%, quelle entreprise, quelle institution d’enseignement accepterait un si mauvais résultat ?
Si la situation vécue la semaine dernière revêt véritablement un caractère exceptionnel, les autorités se doivent d’en fournir la preuve, en expliquant factuellement et d’heure en heure comment les choses se sont déroulées.
Loin de procéder à une reddition de comptes en bonne et due forme, personne parmi les autorités compétentes ne semble prêt à assumer la responsabilité de ce qui s’est passé, à identifier les failles qui ont entraîné un tel délai d’évacuation, ni même d’admettre que ce délai est proprement inadmissible. Comment se fait-il qu’aucun élu politique n’ait publiquement demandé des comptes, et surtout, réclamé des mesures de contingence immédiates pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise?
Réactions
Passons sur le fait que certains médias ont d’abord rapporté un délai d’une journée, plutôt que 5 jours, au grand dam de la famille impliquée. Les faits ont tout de même été promptement rectifiés.
Ce qui est plus préoccupant, c’est l’impression d’une tendance des autorités à minimiser, normaliser, voire banaliser la situation. Un délai d’évacuation d’urgence de 5 jours n’est-il pas, à sa face même, une preuve que quelque chose ne tourne pas rond ? On souhaiterait plus d’empathie envers les gens touchés, plus d’indignation et plus d’empressement à trouver des correctifs sérieux à la situation. Comment croire que cela ne se reproduira plus sans avoir l’assurance que sera réalisé un examen critique et objectif des faits qui sont survenus?
Cela n’est pas sans rappeler la situation où l’archipel est venu à deux doigts de se retrouver sans anesthésiste, le mois dernier, au point d’entreprendre le transfert préventif à Québec de plusieurs femmes enceintes de plus de 34 semaines. Après la dénonciation de cette situation dans les médias, une solution temporaire a fort heureusement été trouvée. Mais le problème de fond, quel est-il ?
Une piste… de solution ?
Il fut un temps où les autorités politiques et administratives de l’archipel veillaient au grain, demandaient des comptes aux gouvernements et réclamaient un traitement équitable des Madelinots à tout point de vue, à chaque occasion. Dans le dossier spécifique du transport, une commission consultative était mise à contribution, renforçant le consensus social et légitimant les requêtes des élus.
Dans le cas qui nous occupe, la municipalité dénonce certes la situation, mais rien ne laisse entrevoir que des démarches seront entreprises auprès du ministre de la Santé ou du service d’évacuations aéromédicales pour remédier à la situation à court terme. L’allongement de la piste règlerait le problème, croit-on, et cela demeure certes une priorité, mais quel est concrètement le plan de match après le rejet cinglant du ministre l’été dernier ?
De son côté, le député Chevarie affirme que ce n’est pas l’avion qui est trop lourd, mais la piste qui est trop courte. Et il ajoute du même souffle que des modifications seront apportées à l’appareil pour en réduire le poids… Le gouvernement du Québec mettra-t-il alors tout son poids derrière une nouvelle demande d’allongement de la piste auprès du fédéral ?
Quant au fédéral, justement, c’est le silence radio. Qu’en pense notre députée et ministre, Diane Lebouthillier, qui avait à la fois promis l’allongement de la piste et fait du transport aérien en région sa priorité ?
Loin de moi l’idée de minimiser l’incident, mais comme Madelinot, on sait tous que parfois les éléments sont plus fort que nous et qu’il faut prendre notre mal en patience. Est-ce que la vie du patient étais menacée ? non, donc que le gouvernement réponde aux cas plus urgents va de soi. C’est un peu comme les gens qui se plaignent d’attendre 12 heures à l’urgence, si t’es pas encore mort après 12 heures c’étais pas si urgent que ça. Par contre c’est sûr que les décideurs locaux sont silencieux sur le sujet malgré les belles promesses électorales.
P.S. tu as laissé une coquille dans ton 1er paragraphe «s’indigner» au lieu de d’indigner.
Bonne journée
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Cher Pascal,
Ce ne sont pas ici les «éléments» naturels qui sont en jeu, mais bien les limitations de l’avion-ambulance, la longueur de la piste et le déploiement général des services. Le fait demeure qu’il a fallu 5 jours entre la décision du personnel médical de transférer le patient sur l’avion-ambulance, et son transfert effectif. Il me parait par ailleurs hasardeux de commenter l’état de santé du patient ou de dresser un parallèle avec l’attente dans les salles d’urgence…
Joël
P.S Coquille corrigée. Merci!
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