Pour des parents aimants, la perte d’un enfant représente le drame le plus douloureux qu’on puisse imaginer. On comprend donc la tragédie que vivent les parents et les proches de la jeune madelinienne Maïté Viens, disparue dans les chutes Jean-Larose, à Beaupré, le 21 mai dernier.
Ce drame humain, fort médiatisé, a mis en lumière les sentiments et les valeurs parmi les plus nobles et les plus exemplaires, mais également certains réflexes comptables, voire même mesquins, qui n’ont rien de très glorieux.
Le drame
Tous les Madelinots et bien des Québécois ont été émus par les circonstances dramatiques de la disparition de la jeune fille, lors d’une banale promenade dominicale avec une amie. Un endroit qu’elle fréquentait souvent. Un site naturel dont la quiétude et la beauté naturelle tranchent avec l’horreur de sa glissade dans un torrent déchaîné sous les yeux incrédules de sa copine, impuissante à la retenir. Trop jeune, trop talentueuse, trop belle pour perdre pied dans une chute aussi fatale qu’insensée.
On peut tous saisir le choc, l’incompréhension et la douleur ressenties par des parents qui reçoivent un jour un tel appel fatidique. Ce à quoi s’ajoute l’éloignement des lieux du drame. C’est le pire cauchemar qu’appréhendent tous les Madelinots dont les enfants ont du quitter le nid familial pour les études, le travail ou le voyage. D’où l’élan généralisé de sympathie pour la famille et les proches, l’empathie irrépressible manifestée envers des membres de notre grande famille madelinienne. Et l’admiration qu’on éprouve devant la force de caractère et le courage des parents éplorés, mais résilients.
Les recherches
La géographie des lieux, le fort débit des chutes et le propos des témoins ont rapidement amenuisé les espoirs de retrouver la jeune Maïté vivante. Cela n’a pas empêché le déploiement normal des équipes de recherche en pareille situation, l’instauration d’un centre de commandement, le recours à des plongeurs, un hélicoptère, le ratissage des berges de la rivière, etc. La famille et les proches n’en attendent pas moins.
Lors d’opérations du genre, les autorités ont une certaine obligation de moyens, sans avoir bien sur d’obligation de résultats. L’envergure du site, la disponibilité des ressources et des équipements, le facteur temps, la sécurité et les chances raisonnables de succès sont les principaux facteurs qui dictent le déploiement et la poursuite des opérations.
Dans le cas présent, la gestion questionnable du débit d’eau par un barrage en amont ont constitué un enjeu déterminant dans des conditions de recherche déjà complexes.
La solidarité
Retrouver et ramener aux Îles le corps de Maïté est rapidement devenu l’objectif impératif de la famille et des proches, ce qu’on ne peut leur reprocher. Face aux stratégies de recherche hésitantes au fil des jours et à l’intensité relative des opérations, laissé à eux-mêmes et tenus dans l’ignorance quant au déroulement des opérations, les parents ont lancé un émouvant appel à l’aide et à la solidarité. Cet appel, relayé par les médias traditionnels comme par les réseaux sociaux, a suscité un important courant de compassion et de solidarité populaire.
La mobilisation de nombreux bénévoles, dont deux scaphandriers Madelinots, a donné un second souffle aux opérations et ravivé l’espoir des parents. Refusant de baisser les bras devant chaque embuche, travaillant sans relâche dans des conditions difficiles et précaires, les Madelinots et les autres citoyens engagés dans l’opération ont forcé l’admiration et donné une bonne leçon de solidarité et de détermination aux plus sceptiques.
Au surplus, le travail de communication publique efficace de la part de la famille Viens/Cummings et de leurs proches constitue une démonstration de relations publiques dont les autorités policières et politiques devraient parfois s’inspirer.
La retrouver, coûte que coûte ?
Au moment de mettre sous presse, les recherches actives avaient été interrompues depuis quelques jours, pour des raisons de sécurité. Cette décision a été annoncée par la Sureté du Québec alors même que la mobilisation prenait de l’ampleur et que des recherches plus ciblées dans l’un des trois bassins laissaient croire à un aboutissement imminent.
On ne peut évidemment pas mettre à risque la vie des gens dans ce genre d’opération, mais on peut aussi comprendre l’incompréhension et la frustration des proches. Après avoir consenti des ressources importantes pour détourner le courant de la rivière et faire les fouilles, on peut aussi se demander quelle part l’extension des délais habituels, le déploiement des ressources et les couts ont joué dans la décision des autorités.
S’il n’était du confinement des recherches dans un bassin précis, s’il n’était du déversement maladroit de roches et de sédiments par l’ouverture discutable du barrage, on pourrait confondre l’acharnement de la famille et des proches avec de l’entêtement. Il n’en n’est rien. Il faut plutôt y voir le courage et l’intention fort louable de ne pas interrompre à mi-chemin le travail entrepris, si près du but, en laissant planer le doute d’une opération bâclée, inachevée.
Faire son deuil
Pour la majorité des gens, le rituel qui entoure la disposition des restes de leurs êtres chers constitue la première étape, essentielle, du deuil qui les afflige. On peut aussi le faire pour des raisons de croyance religieuse, de respect et de dignité. Le rapatriement d’un proche décédé à l’étranger et celui des soldats tombés au combat en sont de bons exemples. Le soulagement de recouvrer la dépouille d’un proche disparu en mer est un sentiment que les insulaires connaissent hélas trop bien, même si l’on doit bien souvent abandonner devant l’immensité du Golfe. Or, dans le cas de Maïté, le confinement des bassins n’autorise pas un tel abandon.
Malgré le concert de solidarité et le soutien moral exprimés par les Madelinots envers la famille de la jeune fille, certains ont critiqué, souvent avec cynisme, la poursuite des opérations sur les réseaux sociaux. Jusqu’où faut-il aller? Jusqu’à combien faut-il dépenser? Et bien d’autres remarques moins édifiantes encore…
Nous croyons qu’il faut surtout compléter le travail. Tenter de retrouver Maïté pour retrouver la paix et la sérénité. Et le sentiment d’avoir tout tenter, d’avoir été jusqu’au bout. Pour elle, pour sa famille et pour ses proches.
