La résignation tranquille?

28 mars 2014

En janvier 2013, près du tiers de la population madelinienne prenait la rue pour dénoncer la réforme inique de l’assurance-emploi adoptée sans consultation et camouflée dans un projet mammouth par le gouvernement de Stephen Harper. En plus des divers aspects de la réforme qui stigmatisent les chômeurs, c’est la non-reconduction du projet-pilote accordant cinq semaines de prestations supplémentaires aux chômeurs des régions à fort taux de chômage qui faisait craindre le pire aux îles : le retour du trou noir et un exode massif des familles.

Un an plus tard, où est donc passée l’inquiétude manifestée avec éclat par les Madelinots, comme une bougie d’allumage à la mobilisation des régions du Québec? Qu’en est-il de l’effet destructurant pour l’économie saisonnière qu’on anticipait suite aux décisions fédérales? A-t-on collectivement crié au loup sans raison ou vivons-nous une sorte de dévitalisation tranquille?

Capture d'écran 2015-01-30 22.19.10Le dossier présenté dans les pages de la présente édition du Radar tend à démontrer que l’effet «trou noir» ne se concrétise pas jusqu’ici de la façon dont on l’avait imaginé. Lors de la première grande réforme de l’assurance-emploi, sous le gouvernement Chrétien de la fin des années 1990, le resserrement des règles d’admissibilité au programme et la réduction du nombre de semaines de prestations avaient plongé des centaines de travailleurs dans une période printanière d’absence de revenus pour plusieurs semaines. D’où le projet-pilote adopté par la suite pour pallier les carences évidentes du système.

La réforme d’aujourd’hui semble avoir donné un peu plus de temps aux travailleurs pour se préparer à une baisse de revenus. Dès la fin 2012, on anticipait d’ailleurs que la crise réelle frapperait davantage nos régions au printemps 2014. Or, la ponction de plusieurs millions de dollars en prestations d’assurance-emploi dans l’économie des îles, effectuée par le gouvernement conservateur, semble provoquer un ralentissement insidieux de l’économie locale sans nécessairement jeter des centaines de familles à la rue. Il y aura des victimes individuelles de cette réforme mais comme le veut la philosophie conservatrice du gouvernement Harper, ce sera aux individus de trouver des solutions à leurs difficultés personnelles. L’option privilégiée par le notre gouvernement est bien entendu la mobilité de la main d’œuvre, soit l’exode, mais préférablement petit à petit, au compte-goutte, sans faire de bruit.

Avec pour résultat que les Madelinots se serrent la ceinture et réduisent leurs dépenses de consommation. On réduit la consommation de lait, d’œufs et de pain pour acheter des menus préparés en conserve, moins chers. Certains misent un peu plus sur le loto dans l’espoir illusoire de gagner le gros lot alors que d’autres consomment un peu plus d’alcool pour oublier. Les commerçants, et donc l’économie, s’en ressentent.

En cette semaine de mobilisation nationale contre la réforme de l’assurance-emploi, les Madelinots feront-ils un sursaut d’indignation. Nos leaders politiques et sociaux donneront-ils raison au gouvernement d’avoir fait la sourde oreille à la mobilisation, persuadé qu’elle s’essoufflerait? À un peu plus d’un an des élections fédérales, vivrons-nous la résignation tranquille?

 

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