Un budget d’austérité

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, a déposé la semaine dernière son premier budget sous le signe de l’austérité. Poursuivant l’objectif de «relancer l’économie et redresser les finances publiques», l’essentiel des mesures présentées s’articule autour du contrôle des dépenses. Pour une région comme la nôtre, dont l’économie dépend tant et tellement des investissements publics, le budget augure des temps difficiles. D’autant que le budget de l’an prochain devrait aller encore plus loin en matière de compression des dépenses afin d’atteindre l’objectif du déficit zéro, décrit par le ministre Leitao comme une obligation.

Pour les Madelinots comme pour les autres Québécois, le budget aura certes un impact sur les services qui reçoivent de l’État, bien que le gouvernement jure qu’il est encore possible de faire des gains d’efficience et d’efficacité, de faire mieux avec moins. Dans le secteur de la santé, par exemple, le gouvernement limitera à 3% l’augmentation des ressources budgétaires, soit la moitié des coûts de système. Quand on connait les difficultés rencontrées par l’administration du CSSS des Îles pour atteindre l’équilibre budgétaire, il est difficile d’imaginer comment on pourra enfin résoudre le déficit structurel de l’établissement sans réduire les services, ou la qualité des soins. Faute de moyen, dit-il, le gouvernement abandonne par ailleurs le projet d’assurance autonomie et renie sa promesse d’investir 150 millions $ par année sur 5 ans dans les soins à domicile.

Quand aux organismes communautaires, dont le rôle social est complémentaire aux services de santé, ils ne toucheront finalement pas la hausse de budget de 120 M $ sur trois ans promise par le gouvernement précédent. Les organismes locaux annoncent sans détour des coupures de services.

En matière d’éducation, les commissions scolaires continuent de subir la pression gouvernementale avec une coupure supplémentaire cette année de 150 M$. À la Commission scolaire des Îles, on craint là aussi les répercussions sur les services à l’élève.

On pourrait continuer ainsi ministère par ministère, puisque 13 des 22 ministères se voient imposer des coupures de budget, dont plusieurs sont en lien direct avec le milieu socio-économique de l’archipel: MAPAQ, Tourisme, Transport, Emploi et Solidarité et Environnement.

La décision de renier sa promesse d’investir 15 milliards de plus dans les infrastructures constitue la volteface la plus spectaculaire du gouvernement Couillard. Alors qu’ils promettaient de relancer ainsi l’économie et l’emploi, les libéraux investiront 500 M $ de moins sur 10 ans que ce que proposait le gouvernement précédent. Difficile de croire que la timide relance du Plan Nord et la mise sur pied de la Stratégie maritime sans budget significatif pour les trois premières années compenseront.

Pour nos régions, le maintien des coupures de 24% préalablement imposées aux Conférences régionales des élus et la réduction de 10% des budgets alloués aux CLD réduisent encore davantage les chances des organismes sans but lucratif, des entreprises d’économie sociale et des PME locales de réaliser leur projets de développement, d’expansion, de transfert ou de consolidation.

Le portrait est si sombre que le maire de la municipalité des Îles, Jonathan Lapierre, pourtant proche du parti au pouvoir, n’a pas hésité à fustiger sans ménagement le gouvernement. Un discours qui tranchait d’ailleurs avec l’accueil enthousiaste, manifesté par voie de communiqué, au discours inaugural du Premier ministre Couillard, dix jours plus tôt.

Il faut le comprendre. Si l’économie du Québec est généralement influencée par les investissements publics, aux Îles, c’est la quasi totalité de la structure économique et de l’emploi qui dépendent directement des projets d’infrastructures, des programmes sociaux ou des subventions directes et indirectes aux entreprises et organismes. Non seulement l’économie des Ïles risque-t-elle de demeurer stagnante en l’absence d’investissements massifs, mais les projets municipaux eux-mêmes se retrouvent compromis. Qu’on pense aux routes municipales, en très mauvais état, pour lequel Québec n’a prévu aucun réinvestissement, au traitement des eaux usées, au remplacement des conduites d’aqueduc, aux arénas, aux équipements culturels, etc.

Pour relancer l’économie du Québec tout en contrôlant les dépenses, le ministre Leitao mise essentiellement sur les ressources naturelles, dont un milliard $ prévu au développement minier et pétrolier, ainsi que sur une kyrielle de mesures fiscales destinées aux petites et moyennes entreprises.

Bien qu’il réduise de 20% une trentaine de crédits d’impôts aux entreprises, dont le crédit d’impôt à la création d’emploi en Gaspésie et aux Îles, le ministre des Finances souhaite néanmoins qu’une réduction de 50% du taux d’imposition des PME favorise les investissements privés et la création d’emplois. Il annonce d’ailleurs «une déduction additionnelle pour les coûts de transport des PME manufacturières éloignées des grands centres.» Une déduction qui profitera à quelque 3000 PME du Québec et qui augmentera avec leur degré d’éloignement. Le ministre Leitao illustre cette mesure en disant qu’une PME manufacturière des Îles bénéficiera d’un allègement fiscal pour améliorer sa compétitivité en compensant en partie le fait qu’elle n’ait pas accès au transport routier. Excellente initiative!

Le ministre pèche toutefois par excès d’enthousiasme en ajoutant que le budget 2014-2015 reconnaît ainsi de manière formelle le caractère unique des Îles-de-la-Madeleine, en raison de leur insularité. Cette mesure, pour peu qu’elle soit spécifique au territoire de l’archipel, ne s’applique qu’aux PME manufacturières, c’est à dire à la poignée d’entreprises de fabrication et de transformation de chez-nous qui vendent leur production à l’extérieur des Îles. Il s’agit donc, encore une fois d’une mesure à la pièce, d’un petit coup de pouce apprécié à ces PME, sans aucune incidence sur la problématique des surcoûts de l’insularité.

On comprendra le député Germain Chevarie de vouloir détourner l’attention du public de la Commission Charbonneau et des allégations de financement électoral illégal dont il est l’objet, mais de là à prétendre que cette mesure fiscale constitue un moment historique est franchement outrancier.

Rappelons que ce sont tous les Madelinots qui absorbent au quotidien les surcoûts de l’insularité dans leur alimentation et leur consommation en général, le transport et le logement. Ce sont toutes les entreprises, les institutions publiques et les organismes qui absorbent les surcoûts de construction, d’approvisionnement, de formation, etc.

Seule une mention solennelle dans le discours inaugural du premier ministre annonçant l’octroi d’un statut particulier aux Îles, comme on l’a fait pour Montréal et Québec, aurait été véritablement porteur espoir.

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