Le gouvernement du Québec a annoncé la semaine dernière l’adoption du règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) fixant les règles quant aux forages pétroliers et gaziers. Ce règlement traduit une indifférence totale du gouvernement libéral envers les spécificités de l’archipel, en plus d’un manque de cohérence flagrant dans le dossier des hydrocarbures.
Non seulement le ministre de l’Environnement David Heurtel ignore-t-il les avis du BAPE appelant à des dispositions particulières pour la protection de la nappe phréatique de l’archipel, mais il en profite pour éliminer un article du règlement de 2002 qui reconnaissait déjà la spécificité du territoire madelinot.
Outre sa portée spécifique aux hydrocarbures, le nouveau règlement remplace en effet le règlement sur la captation des eaux souterraines (RCES) en vigueur depuis 2002. L’article 40 dudit règlement stipulait que «tout projet d’exploitation souterraine sur le territoire des Îles-de-la-Madeleine est subordonné à l’autorisation du ministre.» Il s’agissait d’une reconnaissance par le gouvernement du caractère vital, vulnérable et spécifique de la nappe phréatique de l’archipel que la municipalité voulait voir reconduite. Dans son mémoire déposé au BAPE en 2013, la municipalité citait aussi cet article pour demander au gouvernement qu’il adopte une série de mesures de protection spécifiques aux Îles. Alors qu’il y a consensus aux Îles et que le BAPE a retenu cette suggestion, le gouvernement lui, la rejette du revers de la main et revient même en arrière sur une spécificité déjà reconnue sans que personne ne s’en formalise.
Sur le plan politique, il s’agit d’un recul notable dans le dossier de la reconnaissance de l’insularité. Si le gouvernement ne peut même pas admettre le caractère spécifique des sources d’eau potable aux Îles, fort des recommandations du BAPE, qu’en sera-t-il de la reconnaissance des surcoûts? Il était déjà difficile de comprendre ce que le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, voulait dire il a quelques semaines quand il parlait de reconnaître l’insularité sans pour autant accorder un statut particulier aux Îles, doit-on conclure à une reconnaissance à jamais verbale et symbolique, sans qu’elle ne se traduise sur le plan règlementaire, légal ou financier?
Cela amène également la question du poids politique des Îles face au préjugé gouvernemental favorable aux hydrocarbures. Quand viendra l’heure de débattre des forages exploratoires sur le site Old Harry, quelle attention portera-t-on à la voix des Madelinots?
Difficile aussi de comprendre pourquoi ce gouvernement, qui a accepté le principe d’un BAPE spécifique sur l’exploitation des ressources naturelles aux îles en lien avec la nappe phréatique, ne saisit pas l’occasion d’un règlement sur ce brûlant sujet pour mettre en œuvre ses recommandations, ne serait-ce que par simple cohérence politique.
Le ministre Heurtel a bien beau dire qu’il s’agit d’un des règlements les plus sévères en Amérique du Nord, les nouvelles règles sont mal adaptées au contexte insulaire et beaucoup plus souples et permissives que celles prévues au règlement municipal qu’elles supplantent.
Le RPEP établit en effet à 500 mètres la distance minimale entre un puits de forage gazier et un puits artésien, contre la règlementation municipale qui exigeait une distance séparatrice minimale de 2 km des puits individuels et 6 km des puits municipaux. Rappelons que les trois cibles de forages potentiels identifiées par Gastem dans le secteur du Cap-Vert se situent à plus de 3 km de distance des aires d’alimentation des puits municipaux de l’île de Cap-aux-Meules.
La municipalité demandait aussi au gouvernement d’interdire la fracturation hydraulique sur tout le territoire des Îles, demande qui a été ignorée. De même, le suivi des puits abandonnés pour une période maximale de 10 ans paraissait bien trop court pour la municipalité. C’est pourtant ce qui a été adopté, en dépit de la contamination des puits d’exploration de la SOQUEM sur le Sandy Hook, découverte plus de 40 ans après les faits, sans compter les dizaines d’autres dont on semble avoir perdu la trace.
La firme Gastem a réagi positivement à l’annonce du règlement. Occupé avec sa poursuite en dommages de 1,5 million $ contre la petite municipalité de Ristigouche Sud-Est, qui a adopté un règlement pour protéger des sources d’eau potable en mars 2013, le PDG de la pétrolière, Raymond Savoie, dit qu’il réévaluera le dossier des îles à l’automne. Expertise hydrogéologique sous le bras, sur le plan règlementaire, la voie est désormais libre pour M. Savoie.
