L’inquiétude et la grogne perceptibles un peu partout au Québec face aux mesures d’austérité gouvernementales semblent rejoindre l’archipel madelinot. Une rencontre publique initiée par la Table consultative jeunesse a permis à des dizaines de Madelinots, des jeunes pour la plupart, de mesurer l’ampleur des impacts anticipés.
Les effets du régime d’austérité sur le retour des jeunes aux Îles, la vitalité des organismes locaux et l’entrepreneuriat de même que les craintes d’un mouvement d’exode sont au cœur des préoccupations.
En présentant sa mise à jour économique aux Québécois, mardi, le ministre Carlos Leitao a indiqué que 85% des mesures de compressions budgétaires ont été identifiées, laissant ainsi entendre que le plus gros du travail est fait. Or, l’essentiel des effets sur les citoyens ne se fera sentir qu’à compter de l’an prochain. C’est à ce moment que les Québécois commenceront à subir l’impact du régime minceur : taxe sur l’essence et les assurances, réduction des crédits d’impôt, hausse des tarifs de garderies et d’électricité, coupes dans les cégeps et les effectifs de l’État, etc. À ces mesures provinciales s’ajouteront chez-nous les pertes d’emplois liées à l’abolition des CRÉ et des CLD et les effets indirects sur le personnel et les services de divers organismes du milieu communautaire, culturel et socioéconomique.
Puisque Québec met aussi à contribution les municipalités, les contribuables Madelinots devront attendre la «mise à jour économique» sur le plan municipal pour y voir plus clair. Dans le jargon municipal, cela s’appelle le rapport sur la situation financière, normalement publié à la mi-novembre, précédant d’un mois l’adoption du budget. Alors que les municipalités des quatre coins du Québec déposent tant bien que mal leur rapport et les prévisions budgétaires de 2015 ces jours-ci, aux Îles, l’exercice a été repoussé à une date ultérieure.
On sait cependant que les décisions du gouvernement du Québec auront un effet direct sur le budget municipal. Le Pacte fiscal transitoire signé par la Fédération québécoise des municipalités se traduit par une ponction de 350,000 $ dans le budget municipal. Appliqué directement au compte de taxes, cela correspond à une augmentation moyenne d’environ 40$.
S’ajoutent à cela les hausses des couts de la Sûreté du Québec étalées sur 4 ans, 170,000$ dès 2015, une augmentation qui découle de la fin des mesures de neutralité mises en place suite à la fusion des municipalités. Bien que prévue depuis 12 ans, cette augmentation tombe à un bien mauvais moment.
Il faudra également voir ce que la Municipalité fera avec le CLD, lequel pourrait être aboli ou intégré au périmètre municipal, avec 325,000 dollars en moins pour le développement économique et le soutien à l’entrepreneuriat.
Ce sera donc un exercice budgétaire particulièrement périlleux pour le conseil municipal, alors que les citoyens répètent depuis plusieurs années que leur capacité de payer est atteinte.
À elle seule, l’inflation induit une augmentation normale d’environ 2% des couts de système pour l’appareil municipal. Alors que débute la négociation de la nouvelle convention collective, l’administration municipale devra prévoir des réserves pour l’indexation du salaire de ses employés pour 2015. La masse salariale compte pour le tiers du budget municipal. La nouvelle loi sur les régimes de retraite, qui modifie le partage des cotisations en faveur de l’employeur, constituerait un manque à gagner de 1,5 %, une somme que compte réclamer d’entrée de jeu le syndicat. Les demandes salariales du syndicat ne sont pas connues, mais l’année 2014 comportait une hausse de 3%.
Durant les années 2001 à 2012, la municipalité pouvait au moins compter sur la croissance de l’assiette fiscale, soit l’arrivée de nouveaux propriétaires-payeurs de taxes pour augmenter ses revenus. Or, le nombre de constructions nouvelles aux Îles est passé d’une moyenne d’une cinquantaine par année à une vingtaine en 2014. À la stagnation des revenus de taxation s’ajoute le signe évident d’un ralentissement économique.
Parallèlement, les dépenses municipales devront inclure les récents remboursements d’emprunts municipaux pour l’achat de machinerie, d’un abri à sel, l’enfouissement des fils sur la Grave, les raccordements d’aqueduc et l’emprunt de 3 millions de dollars pour la nouvelle mairie récemment avalisé par les contribuables lors d’un registre.
Dans ce contexte, le dépôt du prochain rapport sur la situation financière, et le plan triennal d’investissement qui l’accompagne, pourrait être une belle occasion pour la municipalité de clarifier ses priorités avec les contribuables, entre les projets d’investissements et les coupures de services appréhendées.
Il a plusieurs fois été question cette année d’ambitieux projets d’investissements municipaux à venir, tels le dossier des arénas, pour lequel une décision a été promise d’ici la fin de l’année, le projet d’aménagement un centre-ville à Cap-aux-Meules, priorisé en juin dernier, et la construction d’un nouveau garage municipal. Et on ne parle même pas de la réfection des routes. Tout cela est sans doute nécessaire, mais dans quel calendrier cela peut-il s’inscrire et à quels coûts?
Rappelons que ces dernier mois, il a été régulièrement question d’un exercice d’examen budgétaire en cours, de rationalisation à venir et de coupures de services aux citoyens. Cela intéressera les contribuables. Et puisqu’on ne peut parler de structures désincarnées, les services étant livrés par des membres du personnel, les fonctionnaires seront aussi particulièrement attentifs à l’exercice pour éviter d’en faire les frais.
Plusieurs ont reproché la manière avec laquelle le gouvernement Couillard procède à des coupures de façon autoritaire, sans plan d’ensemble et sans consulter les partenaires et encore moins la population. Si les importantes décisions municipales à venir découlent en bonne partie des actions du gouvernement, la manière de faire devra, elle, s’en éloigner.
