Couplage éolien-diésel : du vent ?

Hydro-Québec a récemment évoqué la relance du projet de couplage éolien-diésel aux Îles dans les médias locaux. Or, les termes avec lesquels on décrit maintenant le dossier à la société d’État suscitent davantage de scepticisme que de confiance quant à la réalisation éventuelle d’un parc éolien dans l’archipel.

Non seulement la porte-parole d’Hydro-Québec affirme-t-elle sur les ondes de la radio locale qu’il n’existe plus maintenant aucun échéancier pour la réalisation du projet, mais elle ajoute au surplus que le projet n’en est qu’en phase préliminaire. Cela est pour le moins étonnant après plus de dix ans de travail.

C’est vers 2003 que la Régie de l’énergie a exigé d’Hydro-Québec qu’elle explore la faisabilité du couplage éolien-diésel dans ses réseaux autonomes lourdement déficitaires. La société d’État annonça ainsi un projet de couplage à l’Île d’Entrée, en 2005, sans consultation ni information préalable, soulevant un vent de colère et d’opposition citoyenne qui eut pour effet de tuer le projet dans l’œuf. Intéressée par le gain environnemental et économique potentiel d’un projet de couplage avec la centrale de Cap-aux-Meules, la municipalité offrit sa collaboration au volet acceptabilité sociale. Elle mit sur pied la Commission sur le développement de l’énergie éolienne qui, au terme de consultations publiques menées en 2007, conclut que les Madelinots appuieraient l’érection d’un parc éolien, à condition que l’impact sur le paysage soit marginal, que son élaboration se fasse en toute transparence et qu’il rapporte à la communauté.

Le défi de l’intégration

Fort de l’appui municipal et citoyen, Hydro-Québec lança son projet de couplage d’un parc de production de 6 mégawatts à la centrale de Cap-aux-Meules en 2008. L’échéancier d’alors misait sur une mise en service du parc éolien en 2011. En cours de route, l’échéance fut reportée à 2013 puis à 2016. La disparition de tout échéancier donne aujourd’hui à penser que le projet n’est pas près de voir le jour ou, à tout le moins, qu’il ne s’agit pas d’un dossier prioritaire.

Hydro-Québec a pourtant en main depuis 2011 l’étude d’intégration précisant le concept du jumelage, les performances et les coûts anticipés. La validation des résultats par Hydro-Québec et la décision d’aller de l’avant ou non devaient suivre le dépôt des résultats de l’étude de quelques mois. Pendant ce temps, l’agglomération a modifié son schéma d’aménagement et la municipalité ses règlements de zonage afin de faciliter la réalisation du projet. Or, plutôt que d’annoncer son intention d’aller de l’avant, Hydro-Québec affirme que d’autres analyses sont nécessaires.

Ce scénario rappelle étrangement le dossier du raccordement des Îles au continent par câble sous-marin. Après avoir multiplié les études pendant une dizaine d’années, Hydro-Québec a annoncé l’an dernier que ce scénario était abandonné. On apprenait du même coup que la durée de vie utile de la centrale thermique était magiquement prolongée d’une douzaine d’années, en raison notamment des bons résultats des programmes d’efficacité énergétique dont on disait auparavant qu’ils ne fonctionnaient plus…

Un processus transparent

Il y a sûrement une explication logique ou stratégique qui justifie les choix et parfois les volte-face de la société d’État. Comment savoir ? Comment comprendre le cheminement de la démarche quand le processus est si opaque et l’information si parcellaire ?

En consultation publique sur l’éolien, en 2007, les Madelinots se sont ralliés à l’idée de soutenir le développement éolien dans l’archipel pourvu qu’ils soient informés de l’évolution des projets à chacune des étapes. Dans les circonstances actuelles, il y a loin de la coupe aux lèvres. L’appel à la coopération et à la transparence d’Hydro-Québec dans les divers dossiers énergétiques a aussi été lancé par la municipalité lors des consultations de la Commission sur les enjeux énergétiques de septembre 2013. Comment en effet bâtir une stratégie énergétique territoriale sans la pleine et entière collaboration de la société d’État ?

Il y a fort à parier que la relance du processus d’élaboration d’un politique énergétique québécoise par le gouvernement Couillard n’est pas étrangère à la valse-hésitation actuelle, réelle ou perçue. Rappelons que le gouvernement a mis de côté le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques de 2013, produit au terme d’un long processus de consultations ponctué par la tenue de 47 séances publiques, partout au Québec, dont une dans l’archipel, et le dépôt de 460 mémoires. Le gouvernement réunira trois tables d’experts dont les échanges seront diffusés sur le web avec possibilité d’intervention et de commentaires sur internet. Difficile de croire que ce simulacre de consultation citoyenne permettra aux Madelinots de faire valoir la singularité de leur situation et de convaincre Hydro-Québec de s’ouvrir à une saine et respectueuse collaboration.

Question de coûts

Depuis le début, l’idée du couplage éolien-diésel se justifie principalement le contrôle des coûts de production de l’électricité aux Îles et dans les autres réseaux autonomes. Le coût de production du kw/h serait de quatre à cinq fois plus élevé dans l’archipel que sur le continent. Il ne faut pas toutefois assujettir la réalisation du projet au seul objectif de faire baisser le coût du kw/h. Si le développement de la filière éolienne au Québec avait été mené en fonction de cette seule prémisse, il n’y aurait pas une seule éolienne sur tout le territoire québécois. Ce n’est que depuis peu, dans le cadre précis du plus récent appel d’offres communautaire, que le prix de l’énergie éolienne rivalise avec l’hydroélectricité.

En plus de réduire la consommation de mazout et de prolonger la durée de vie utile des moteurs de la centrale, un projet de couplage éolien-diésel permettra de réduire la production de gaz à effet de serre et le gaspillage d’énergie. La centrale de Cap-aux-Meules figure au 29e rang des plus grands émetteurs de GES au Québec tandis que la production d’électricité à partir du mazout engendre une perte d’énergie de 60%.

Pour le milieu insulaire des Îles, victime des changements climatiques induits par les GES, il importe également d’explorer les sources d’énergies renouvelables. Avec la collaboration d’Hydro-Québec, l’archipel a d’ailleurs le potentiel de devenir un modèle et un leader en la matière.

Éolienne2

2 réflexions sur “Couplage éolien-diésel : du vent ?

  1. Merci M. Arseneau de votre éclairage bien révélateur de l’inertie d’HQ en matière d’évolution technologique dans les réseaux autonomes.

    Pour mesurer la performance peu reluisante d’HQ en matière de leadership technologique du jumelage éolien-diesel, voir la chronologie 1986-2011 du dossier en question dans ce document déposé en avril 2011 à la Régie de l’énergie ( Annexe 1 , pp.48 à 52), accessible via le lien suivant:

    Cliquer pour accéder à R-3748-2010-C-RNCREQ-0015-PREUVE-RAPPEXP-2011_04_19.pdf

    Meilleures salutations,

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