Le déclin de la population des Îles se confirme, et s’accélère même, selon les plus récentes données démographiques de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) publiées en février. Si la nouvelle a fait peu de bruit dans l’actualité, elle est néanmoins fort significative en ce qu’elle révèle sur la vitalité économique et sociale de notre territoire.
Selon ce rapport, l’archipel ne compte plus que 12 484 habitants, soit une baisse de près de trois pour cent depuis 2011. Plus significatif encore, et inquiétant, la décroissance de la population est deux fois plus rapide pendant cette période qu’elle ne l’était entre 2006 et 2011. À telle enseigne que la Municipalité des Îles se classe ainsi au quatrième rang des municipalités en plus forte décroissance au Québec, après Asbestos, Chandler et Louisville.
Dans son bilan de la migration interrégionale, celui-là publié la semaine dernière, l’ISQ nous confirme que la baisse démographique est largement attribuable au départ des Madelinots vers d’autres régions. On en dénombre une centaine dans la dernière année seulement. La moitié d’entre eux sont âgés de 15 à 24 ans, tandis que l’autre moitié est vraisemblablement composée de jeunes familles, parents (25-44 ans) et enfants (0-14 ans). On pourrait penser qu’il est normal de perdre des jeunes qui partent chaque année pour les études, mais à l’évidence, certains quittent aussi pour le travail, surtout les familles évidemment. Il faut aussi se rappeler que les Îles ont connu un bilan migratoire globalement positif pendant près d’une décennie, jusqu’à 2011 justement. Depuis, la chute est continue alors que l’on perd près de trois fois plus de gens par année qu’on en accueillait en temps de croissance.
Reflet de l’économie
Les projections démographiques pour l’archipel sont pessimistes depuis plusieurs années. La baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population sont des phénomènes qui touchent l’ensemble du Québec, mais davantage encore les régions. Le défi pour notre communauté, comme bien d’autres, consiste à battre les statistiques en maximisant la rétention des familles et le retour des jeunes. Dans l’archipel, cela se concrétise dans les efforts d’atténuation des impacts de l’insularité, le maintien des services, la qualité de vie du milieu et surtout, la concertation et la diversification économique.
Pendant que le déclin démographique s’accroit chez nous, des petites villes de la Montérégie, de la région de Québec et des Laurentides enregistrent de fortes hausses de population. Ces phénomènes inverses ont une cause commune, ils sont le reflet de la situation économique qui prévaut et du marché de l’emploi d’une région à l’autre.
C’est donc dire qu’à l’intérieur même du Québec et du Canada, dont les populations augmentent peu, les gens se déplacent en fonction de l’attractivité des villes et des régions. L’augmentation comme la baisse démographique ne relèvent donc pas de la science ou de la fatalité, mais dépendent largement du contexte socio-économique. À preuve, le pouvoir d’attraction de l’Alberta a considérablement diminué depuis la chute des cours du pétrole.
Les impacts de la réforme de l’assurance-emploi
Aux Îles, force est de constater que la baisse accélérée de la population depuis quelque temps concorde parfaitement avec la mise en oeuvre de la réforme de l’assurance-emploi de 2012. Par exemple, pour le mois de février, on observe une baisse de 350 prestataires madelinots entre 2011 et 2014, un chiffre très semblable à la baisse démographique pour la même période. Bien que ce ne soit pas forcément les mêmes personnes, la corrélation saute aux yeux. Il est d’ailleurs logique que les gens qui n’arrivent plus à se qualifier à l’assurance-emploi quittent l’archipel.
Lors des grandes manifestations de l’hiver 2012-2013, on craignait un exode massif. L’effet escompté se produit, les chiffres le prouvent, mais l’effet est plus subtil et pernicieux, car les départs se font en toute discrétion, petit à petit, sans coup d’éclat. D’ailleurs, la communauté semble avoir baissé les bras, la résignation anticipée se concrétise, les leaders se sont tus, plus personne ne semble réclamer quoi que ce soit du gouvernement fédéral. Ce gouvernement a clairement remporté la guerre d’usure contre les régions trop dépendantes du travail saisonnier, avant de se déguiser en courant d’air en matière de développement économique.
Pour ceux qui douteraient encore de l’impact de la réforme de l’assurance-emploi, les données de Statistiques Canada indiquent une perte de 3 M$ pour le milieu entre 2012 et 2013 (derniers chiffres disponibles). Comme nous le pressentions à l’époque, c’est l’ensemble de l’économie résidentielle et des petits commerces des Îles qui en sont aujourd’hui affectés.
Québec en rajoute
À ce tableau s’ajoutent maintenant les pertes économiques liées aux mesures d’austérité du gouvernement du Québec. Elles se situent actuellement entre 2 et 3 M$ dans l’archipel, sans compter les répercussions indirectes dans l’économie et les hausses de tarifs à venir.
Des chercheurs spécialisés en développement territorial provenant de 11 universités québécoises ont récemment lancé un véritable cri du cœur en faveur des régions, craignant notamment l’exode rural et la dévitalisation. La spirale négative semble déjà en cours chez nous.
À l’époque de la mise en œuvre de la Politique nationale de la ruralité puis des mesures spécifiques aux municipalités dévitalisées, au début des années 2000, l’archipel s’est extirpé du groupe des municipalités dévitalisées grâce notamment à un bilan migratoire positif, à la reprise de la construction et à l’essor du tourisme. Les récentes décisions gouvernementales pourraient bien nous y avoir replongés. L’indice de dévitalisation repose sur sept facteurs, dont la démographie, les taux de chômage et d’activité, la dépendance aux transferts gouvernementaux et les revenus. Les coupes dans les organismes de développement régional, les municipalités, les programmes d’habitation, le détournement de mission des carrefours jeunesse-emploi, l’abandon des mesures pour les municipalités dévitalisées, le sort inconnu de la politique de la ruralité sont autant de facteurs aggravants.
À quelques semaines du budget provincial, il faut espérer que Québec reconnaisse la situation particulière du monde rural et des régions. Plus qu’une stratégie maritime, les régions ont plus que jamais besoin d’une stratégie spécifique au développement régional.

Iles et régions rurales, même combat, au Québec ou ailleurs !
Il s’agit ici de l’aménagement du territoire qui demande à l’évidence des politiques de solidarité que les droites libérales ont toujours confondue avec « l’assistanat ». Qui n’a pas entendu, dans les îles, les régions isolées ou rurales « Vous coûtez cher ! », phrase qui peut d’ailleurs sonner comme un aveu d’impuissance ou de renoncement voire de volonté de ne pas « s’emmerder » avec des petites populations, avec si peu d’électeurs. C’est vrai que lutter contre les déterminismes géographiques ou sociaux est difficile mais on peut en limiter les effets avec des politiques courageuses et intelligentes.
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