Si les Madelinots ont une perception largement positive de la qualité de leur eau, ils s’inquiètent néanmoins des risques de possibles contaminations. Issues d’un sondage mené au printemps par la Table de concertation régionale des Îles (TCR), ces conclusions guère surprenantes reflètent les préoccupations fort légitimes de bien des insulaires.
On comprendra facilement que ce sont les possibilités de contamination de l’eau salée qui inquiètent les deux tiers des répondants madelinots. Le déversement d’hydrocarbures catastrophique provoqué par Hydro-Québec dans le port de Cap-aux-Meules en septembre 2014, et ses conséquences encore bien visibles sur le terrain deux ans plus tard, aura certes mis la communauté en alerte. L’actualité a par ailleurs ramené plusieurs fois le dossier à l’avant-scène avec la poursuite du ministère de l’Environnement à l’encontre d’Hydro-Québec, son plaidoyer de culpabilité, la complexité des opérations de nettoyage et ses coûts astronomiques qui dépassent maintenant les 30 millions de dollars.
Cela étant, on peut penser que les perspectives de forages pétroliers dans le golfe Saint-Laurent, ravivées par l’adoption prochaine de la loi 106 sur les hydrocarbures, pèsent aussi dans la balance. À ce chapitre, la présentation faite lors du premier Forum annuel de la TCR par le professeur en océanographie de l’ISMER, Émilien Pelletier, n’aura pas de quoi rassurer les Madelinots. Dans une présentation intitulée «L’angoisse pétrolière», le chercheur explique en quoi une marée noire au large des îles serait catastrophique tant pour l’écosystème du Golfe que pour l’économie des pêches. Des impacts plus dévastateurs encore que l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, en 2010, parce qu’il est 10 fois plus difficile d’intervenir en eau froide. M. Pelletier ajoute d’ailleurs qu’il redoute particulièrement l’effet cumulatif des petits déversements, plus courants, mais dont on parle peu.
Une eau potable de qualité
Les Madelinots, on l’a dit, ont par ailleurs une perception positive de la qualité de leur eau potable. Une perception sans doute renforcée par le titre de la meilleure eau municipale, accordé en 2014 par le Réseau Environnement. Cette qualité reconnue de l’eau potable aux Îles, faut-il le rappeler, découle de lourds investissements consentis depuis 25 ans, d’abord sur les réseaux de collecte des eaux usées, puis sur les divers réseaux d’aqueduc. La bonne qualité de l’eau des îles est telle que la chloration est encore inutile sur le territoire. Un suivi journalier est effectué à chacune des stations de pompage.
Plusieurs initiatives ont été nécessaires pour atteindre ces résultats actuels, qu’on pense au programme d’économie et de bonne gestion de l’eau de 2001, aux resserrements réglementaires sur l’arrosage, au suivi et à la détection des fuites et à la mise aux normes des réseaux toujours en cours.
Les campagnes de sensibilisation, l’information véhiculée par la presse locale et l’argent public investi en infrastructures ont d’ailleurs favorisé une plus grande prise de conscience quant à la préservation de la qualité de l’eau souterraine et du volume d’approvisionnement.
C’est ainsi que l’on apprend cette semaine que la consommation d’eau potable a globalement diminué aux Îles depuis 10 ans. Alors qu’elle se situait à plus de 408 litres par jour, par personne, il y a quelques années, la consommation d’eau est passée sous la moyenne québécoise de 364 litres par jour selon les plus récentes données municipales. C’est une excellente nouvelle, d’autant plus que le plan directeur de la municipalité anticipe une croissance de la consommation de 16% sur 30 ans, avec les investissements que cela commande.
Une ressource irremplaçable ?
Malgré les progrès enregistrés, la consultation menée par la TCR indique que 44% des répondants demeurent néanmoins inquiets en regard de la qualité de leur eau potable. Pour avoir une bonne idée de ces inquiétudes quant à la nappe phréatique, un retour sur le rapport du Bureau d’audiences publiques en environnement de 2013 sur les effets liés à l’exploration et à l’exploitation des ressources naturelles sur la nappe phréatique, notamment ceux liés à l’exploration et à l’exploitation gazière.
En réponse aux questionnements et inquiétudes manifestées lors de ses audiences, la commission a soumis au ministre de l’Environnement une kyrielle de recommandations auquel le gouvernement n’a jamais donné suite. Le BAPE préconisait notamment «au nom du principe de prévention», de reconnaître le caractère irremplaçable des nappes phréatiques aux îles de la Madeleine. Il suggérait aussi «…considérant le caractère vulnérable du territoire des îles de la Madeleine et de sa ressource en eau, que des dispositions légales propres à ce territoire devraient être adoptées, en concertation avec les intervenants des îles.»
En relation plus directe avec le dossier des hydrocarbures, la commission d’enquête soutenait que, «dans le contexte insulaire particulier des îles de la Madeleine, il y a lieu de dissocier la phase d’exploration de la phase d’exploitation.» Elle proposait aussi que les promoteurs de projets d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles aient l’obligation de démontrer des effets environnementaux nuls sur les aquifères.
Aucun de ces avis n’a trouvé grâce aux yeux du gouvernement à ce jour. Ni dans le nouveau Règlement sur le prélèvement et la protection de l’eau ni dans le projet de loi 106 sur les hydrocarbures actuellement à l’étude. Les inquiétudes manifestées par les Madelinots en 2013 risquent de demeurer bien présentes tant et aussi longtemps que rien n’aura été fait pour les dissiper.