Jour d’élections municipales aux Îles

Comme dans près de la moitié des municipalités sur Québec, les Madelinots se rendent aux urnes aujourd’hui pour choisir un maire ou une mairesse, et dans la moitié des districts un conseiller ou une conseillère. Si le résultat demeure imprévisible dans chacun des villages de l’archipel, la réélection du maire sortant fait peu de doute. À moins d’un revirement aussi spectaculaire qu’inattendu, Jonathan Lapierre sera reporté au pouvoir pour un second mandat de 4 ans.

Si M. Lapierre obtient la victoire, ce sera bien davantage en raison de la faible opposition à laquelle il a fait face qu’en vertu du bilan somme toute assez mitigé qu’il affiche ou de sa campagne électorale franchement peu inspirante.

Remarquez, nous n’aurons pas eu le «privilège» cette année de pouvoir compter sur un autre sondage électoral douteux, comme à l’élection municipale de 2013. Les révélations de la commission Charbonneau faisant état d’un «sondage dirigé» à l’élection provinciale de 2008, identique à celui de 2013, auront au moins servi à nous épargner d’une telle manœuvre.

Une campagne d’idées

Cela ne signifie pas que l’aspirante à la mairie, Dominique Gladyszeweski, ne mérite pas le plus grand respect pour cette campagne originale qu’elle a su mener avec conviction, dynamisme et candeur. La candidate a fait preuve de beaucoup d’aplomb en affrontant le maire sortant sans complexe sur les enjeux municipaux qu’elle ne pouvait forcément pas maitriser autant que celui qui a sur son bureau l’ensemble des dossiers de l’heure.

Elle a aussi démontré beaucoup plus de créativité et de courage que son adversaire en multipliant les propositions, certaines plus réalistes que d’autres, pour redorer le blason de la municipalité et mobiliser les citoyens à se réapproprier leur municipalité. Les principaux thèmes de sa campagne, la transparence, la participation citoyenne et l’innovation sont mobilisateurs, porteurs d’espoir et de renouveau. C’est aussi la seule qui a osé s’engager à réduire le compte de taxes des contribuables, alors que le maire sortant s’est contenté de dire qu’il faut respecter la capacité de payer des Madelinots. Mme Gladizsewski a également signifié son engagement à soutenir et accompagner les citoyens dans le dossier des fosses septiques des résidences isolées, contrairement à l’approche coercitive adoptée par l’administration sortante.

On pourra certainement la remercier d’avoir provoqué une course à la mairie, obligeant ainsi le maire sortant à rendre des comptes.

Un résultat prévisible

Malgré cela, pour une majorité d’électeurs, cette candidature inopinée ne fera pas le poids. Voter pour une candidate inconnue jusqu’alors, sans appuis tangibles dans la communauté, issue du milieu écologiste, dépourvue de racines madeliniennes et sans expérience municipale représente un saut dans l’inconnu qu’un nombre limité de citoyens seront prêts à faire.

Dans un tel contexte, qu’importe l’ampleur de sa victoire prévisible, le maire Lapierre n’aura pas de quoi pavoiser. Soyons honnêtes, une vaste proportion du vote pour Mme Gladizsewski pourra être interprété, dans les faits, comme un vote de protestation contre le maire qui, il y a un mois à peine, se dirigeait vers un couronnement. Chaque vote annulé, chaque point de pourcentage en moins dans le taux de participation à l’élection du maire ajoutera au scepticisme à l’égard de l’administration Lapierre.

Un bilan mitigé

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la campagne du maire sortant n’a pas soulevé l’enthousiasme des foules. D’un village à l’autre, des auditoires faméliques sont allés à sa rencontre. Pour un maire qui se dit près des gens, le constat de ce manque d’intérêt est sans doute brutal.

Pour se faire réélire, Jonathan Lapierre a vanté son bilan, sans trop prendre d’engagements formels pour l’avenir. Quand on y regarde de près, le bilan est plutôt mitigé. Le temps nous dira si le décret sur l’insularité et la création éventuelle du Centre d’expertise en gestion des risques d’incidents maritimes (CEGRIM), deux initiatives gouvernementales dont le maire s’accorde la paternité, porteront fruit.

Dans une foule d’autres dossiers, les résultats sont mi-figue, mi-raisin. Le dossier de l’aréna deux glaces a certes progressé, mais il continue de soulever les passions sur les réseaux sociaux et devra encore passer le test du registre de signatures. Le maire promettait un grand chantier de réfection des routes municipales avec l’appui financier de Québec, mais on a plutôt pavé à crédit quelques kilomètres des routes les plus abimées. Il avait évoqué la réfection du «centre-ville» de Cap-aux-Meules dans un premier mandat, on en est encore loin. On aura bien sûr déployé un grand effort pour la mise en conformité des fosses septiques des résidences isolées, mais sans offrir aux citoyens l’accompagnement adéquat ou le programme d’aide financière que lui permet la loi. Ce dossier a été commodément glissé sous le boisseau depuis le début de cette année électorale, mais à n’en pas douter, il refera bientôt surface.

Dans l’administration municipale, malgré des déclarations spectaculaires du maire à l’effet que le statu quo n’était plus tenable, rien n’a vraiment changé. La taxation a continué de progresser chaque année, dépassant même le taux d’inflation, alors que ni les dépenses courantes ni la masse salariale de la municipalité n’ont été comprimées.

On pourrait aussi citer le dossier du transport aérien, où un nouveau modèle d’affaires réclamé par le maire n’a jamais vu le jour, la fin de non-recevoir historique d’Ottawa dans l’allongement de la piste, la menace qui plane sur le service de traversier, les louvoiements du maire dans le dossier des hydrocarbures, etc.

Populisme et transparence

À ces enjeux d’intendance s’ajoute la question du style de leadership du maire Lapierre. Un communiqué qu’il a publié en fin de campagne tend à illustrer un maire en décalage croissant avec la population. Les gens souhaitent «un leadership fort» dit-il, alors que sur le terrain, c’est l’exclusion croissante des citoyens de la chose publique que l’on déplore de plus en plus.

Le contrôle de l’agenda et de l’information exercé par le maire, l’obsession d’avoir réponse à tout et d’occuper toutes les tribunes jusqu’à faire oublier le rôle des autres élus du conseil municipal inquiète. Sans compter le recours à des mises en demeure contre des contribuables dont au moins une qui avait, pour toute offense, osé poser une question en séance publique !

Cette espèce de politique-spectacle, avec des émissions radio autopromotionnelles à la clé, apparait avoir creusé le fossé avec les contribuables. Le maire n’a d’ailleurs pas tenu sa promesse phare d’aller à la rencontre des citoyens de chaque village quatre fois par année, mais il a surtout évité soigneusement de tendre l’oreille aux citoyens en occupant toute la place.

À l’image de son «ami» et modèle, Denis Coderre, Jonathan Lapierre exerce un populisme de bon aloi, alliant l’arrogance et une fine dose de despotisme. Au fait, quelles peuvent bien être les retombées réelles de cette entente entre la métropole et les Iles, dont on a tant fait état ?

Avec le récent et couteux rapport sur la gouvernance municipale dont les recommandations demeurent secrètes, la question de la transparence reste entière. Seize ans après le regroupement des municipalités, la participation citoyenne à la vie municipale semble se résumer plus que jamais à choisir ses élus aux quatre ans. Sans compter que la tradition de concertation des organismes du milieu s’est muée en l’instrumentalisation croissante des partenaires à des fins politiques dans une foule de dossiers.

Morosité

Il n’est pas anodin que le maire Jonathan Lapierre déplorait, en septembre dernier, le négativisme de ses concitoyens. Malgré la bonne performance de l’économie des pêches et du tourisme, pourquoi donc cette morosité? Et si le sentiment d’aliénation par rapport aux affaires municipales n’était pas étranger au climat délétère ? Et si les citoyens avaient justement un désir d’empowerment, un appétit pour un leadership municipal inclusif et le goût d’être davantage participants que spectateurs quant aux enjeux de territoire?

Si cela s’avère, cette volonté de changement se traduira peut-être par un certain renouveau au conseil des élus locaux au terme du scrutin d’aujourd’hui. Que le maire sortant soit réélu ou non, ce sont les conseillers municipaux qui décident ensemble des orientations municipales, pour peu qu’ils se tiennent debout, en contact avec leurs commettants, et n’acceptent pas docilement de se faire confisquer leur rôle au sein du conseil par un maire en mal de pouvoir. Il est à souhaiter que les conseillers, les anciens et les nouveaux venus, assoient leur légitimité sur un dialogue réel, ouvert, transparent et constant avec la population qu’ils représentent.

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Une réflexion sur “Jour d’élections municipales aux Îles

  1. Très bonne évaluation de la campagne à la mairie et peu d’enthousiasme sur l’ensemble du territoire madelinot pour cette élection. La réaction du citoyen restera malheureusement encore à quoi ca sert d’aller voter car ça changera rien.

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